Eglises d'Asie

Libération de militants chrétiens et musulmans arrêtés lors d’une manifestation de protestation contre les lois réprimant le blasphème

Publié le 18/03/2010




Le P. Arnold Heredia, ancien secrétaire de la Commission Justice et paix’, deux militants catholiques et un dirigeant musulman arrêtés le 10 janvier dernier, au cours d’une manifestation protestant contre les abus engendrés par l’application des lois sur le blasphème (1), ont été libérés dans la matinée du 16 janvier moyennant une caution de 30 000 roupies (environ 510 dollars). Quatorze musulmans, également arrêtés ce jour-là, devaient bénéficier d’une liberté sous caution dans la soirée du 17 janvier.

La manifestation du 10 janvier dernier avait été très violemment réprimée par la police qui avait employé des matraques et des grenades lacrymogènes et s’était livrée à de nombreuses brutalités contre les manifestants. Un certain nombre d’entre eux avaient été arrêtés et incarcérés, accusés par la police d’avoir commis huit infractions au code pénal du Pakistan : rassemblement illégal, émeute, obstruction faite aux agents de la force publique, agression malveillante, tentative de meurtre, etc. Par suite, les policiers avaient obtenu du tribunal la détention préventive des inculpés jusqu’au 16 janvier. Cependant, les charges retenues contre le P. Heredia ont été aujourd’hui abandonnées. Il faut sans doute voir là le résultat de nombreuses pressions intérieures et extérieures qui se sont exercées sur les pouvoirs publics les jours précédents.

Trois jours après l’arrestation, environ 300 femmes chrétiennes et musulmanes s’étaient rassemblées devant le commissariat de police de Karachi pour un “sit-in” de protestation contre la détention des manifestants. Les manifestantes, certaines originaires de la province du Sind, d’autres de Karachi, toutes portant des pancartes protestant contre l’incarcération des manifestants, s’étaient dispersées au bout de quatre heures, un magistrat étant venu les assurer que les prisonniers seraient libérés le 15 janvier. Elles avaient toutefois promis de revenir si la libération des détenus n’avait pas lieu.

L’initiative de la manifestation du 10 janvier dernier avait été prise par un collectif d’organisations musulmanes, dont certaines comme le Sarfaroshan-i-Islam combattent depuis longtemps les abus engendrés par l’application des lois sur le blasphème. Ce sont elles qui avaient également lancé des invitations à l’adresse des chrétiens. Ces derniers, heureusement surpris par ce geste, avaient immédiatement donné leur accord. Un militant chrétien avait ainsi commenté sa participation à la manifestation : “S’ils demandent le retrait complet des lois sur le blasphème et soutiennent la demande des minorités religieuses d’un électorat unique, nous les rejoindrons. Même s’ils ne nous ont pas soutenus dans le passé, nous protesterons avec eux”.

Depuis leur mise en application, l’article 295-C du code pénal, prévoyant la mort pour les blasphèmes contre le prophète Mohamed, et l’article 295-B, punissant d’emprisonnement à vie les auteurs de blasphème portant sur le Coran (2), ont donné lieu à beaucoup d’abus et ont servi notamment à régler toutes sortes de conflits entre personnes privées. On a constaté également que ces dispositions législatives ont fait se multiplier les violences anti-chrétiennes. Le 6 février 1997, des émeutes dirigées contre les chrétiens avaient détruit 13 églises et 1 500 maisons particulières (3). Dans les années qui ont suivi, plusieurs autres prétendus blasphèmes ou profanations du Coran ont fourni le prétexte à des manifestations dirigées contre les minorités religieuses du pays.