Eglises d'Asie

La récente décision de la Haute Cour de justice instaurant une hiérarchie entre les fatwas des religieux musulmans et le droit de l’Etat provoque de violentes manifestations à travers le pays

Publié le 18/03/2010




Grève générale, manifestations violentes, arrestations de dirigeants politiques et religieux : l’agitation que connaît le Bangladesh depuis une quinzaine de jours trouve son origine dans la décision du 1er janvier dernier de deux juges de la Haute Cour de justice du pays, décision établissant que les fatwas des responsables religieux musulmans doivent être soumises à la norme juridique de l’Etat (1). Selon les sources, entre six et onze personnes sont mortes lors de ces violences, dont un policier, battu à mort dans une mosquée par de jeunes extrémistes musulmans.

Des militants islamistes, furieux de la décision de la Haute Cour, s’en sont pris verbalement aux deux juges auteurs de ce jugement qualifié, par ailleurs, d’“historique” par plusieurs organisations de défense des droits de l’homme. Le mufti Fazlul Huq Amini, secrétaire général du parti islamiste Islami Oikkya Jote, qui avait affirmé que les deux juges en question était murtad, i.e. coupables d’apostasie (laquelle est punie de mort par le droit musulman), a été arrêté par la police. Il avait déclaré qu’une fatwa serait prononcée contre les deux juges et que son parti déclarerait la djihad contre quiconque apporterait son soutien à la décision de la Haute Cour. Les forces de l’ordre, épaulées par des troupes para-militaires, ont dû être déployées dans plusieurs villes, notamment à Brahmanbaria, à Chittagong et à Dacca, la capitale. Des organisations musulmanes extrémistes ont organisé une grève générale les 6 et 7 février en divers endroits du pays pour obtenir la libération du mufti Amini.

Quelques jours auparavant, le 2 février, à Dacca, plusieurs milliers de musulmans s’étaient rassemblés pour demander que les organisations non gouvernementales soient interdites d’“activités politiques”. Selon eux, les ONG, influencées de l’étranger, œuvrent à saper les fondements de l’islam dans la société. Appelant leurs partisans à “se tenir prêts au sacrifice suprême”, ils ont voulu empêcher les ONG et les partisans des droits de l’homme de manifester à Dacca le 3 février. La manifestation des ONG a pourtant eu lieu et c’est au cours de cette journée qu’un policier, chargé de la protection de cette manifestation, a été attiré dans une mosquée pour y être battu à mort.

Le 5 février, des milliers de Bangladais se sont réunis autour du monument des Martyrs, à Dacca, pour protester contre l’assassinat de ce policier. Le président de l’Association des agences de développement du Bangladesh, une fédération d’ONG, a pris la parole devant la foule rassemblée pour appeler tous les Bangladais à rester unis face aux extrémistes. Shahriar Kabir, éditorialiste connu, a déclaré que ceux qui voulaient faire du Bangladesh un Etat islamique n’avaient pas leur place dans le pays et devaient partir au Pakistan ou en Afghanistan. Le professeur Abdul Mannan Chowdhury remarquait pour sa part que les groupes religieux fanatiques avaient été “maintenus dans l’opposition” et qu’ils prenaient aujourd’hui leur revanche contre les forces progressistes.