Eglises d'Asie

Les rédacteurs d’un journal d’opposition pakistanais ont été arrêtés pour avoir laissé publier une lettre jugée blasphématoire à l’égard du prophète Mohamed

Publié le 18/03/2010




Un journal d’opposition pakistanais fort critique à l’égard du gouvernement vient d’être impliqué dans une affaire de blasphème à l’égard du prophète derrière laquelle certains voient une manœuvre du pouvoir pour réduire au silence cette voix discordante. Six membres de la rédaction du quotidien anglophone The Frontier Post, publié à Peshawar, ont été arrêtés le 29 janvier dernier après qu’une plainte eut été déposée contre lui pour la publication d’une lettre contenant des propos jugés blasphématoires à l’égard du prophète, faute punie de mort par l’article 295-C du Code pénal.

Selon le propriétaire du journal, la lettre qui a déclenché toute l’affaire avait été envoyée au journal par courrier électronique et publiée sans que la personne chargée du courrier des lecteurs n’ait véritablement contrôlé son contenu. Quoi qu’il en soit, la nouvelle de l’arrestation et de son motif s’est rapidement répandue et les membres d’organisations fondamentalistes politico-religieuses comme la Jamiat Ulema-i-Islam se sont empressés de tenir une réunion de protestation à la mosquée de Mahabat Khan. Au cours de ce rassemblement, fut réclamée l’arrestation du propriétaire du journal et la libération des membres innocents de la rédaction. Suivit une manifestation d’environ 2 000 personnes qui mit le feu aux bureaux et à l’imprimerie du quotidien en question.

Le journal mis en cause, diffusé largement dans la province dite de la frontière nord-ouest, est considéré comme libéral. Il ne ménage pas ses attaques contre le gouvernement militaire du général Pervez Musharraf. De ce fait, plusieurs observateurs politiques ont soupçonné les services secrets gouvernementaux d’avoir fomenté les manifestations populaires et l’incendie qui a suivi. Un militant des droits de l’homme, le juriste Rashid Rehman, a laissé entendre à la presse que les détails des faits laissent deviner un complot monté contre le quotidien The Frontier Post. Le gouvernement reste le suspect le plus vraisemblable. Selon le juriste, la rapidité avec laquelle les journalistes ont été arrêtés et les manifestations organisées après la publication de la lettre blasphématoire démontrent que l’ensemble de ces événements a été planifié à l’avance. “C’est une dérive dangereuse, a commenté le militant des droits de l’homme. N’importe quelle publication critique à l’égard des autorités gouvernementales pourra subir le même sort et être condamnée au nom de la religion 

L’affaire n’en est pas restée là. Le 30 janvier, des musulmans fanatiques ont poursuivi leurs protestations violentes en incendiant un cinéma et en bloquant les rues de la ville. Le chef du gouvernement militaire a alors porté l’affaire devant le Conseil des ministres qui a condamné la lettre blasphématoire et a chargé une commission judiciaire d’enquêter sur le journal. Par la suite, un communiqué publié par le ministre de l’Intérieur a appelé la population à laisser la justice suivre son cours et a assuré que les coupables seraient punis conformément à la législation en vigueur.

La Société des journaux du Pakistan vient d’annoncer qu’elle avait, elle aussi, formé un comité chargé d’enquêter sur cette affaire.