Eglises d'Asie

L’opposition malaise musulmane et le gouvernement s’affrontent au sujet d’une loi visant à contrôler « les extrémistes religieux »

Publié le 18/03/2010




Mercredi 14 février, Fadzil Noor, président du PAS (Parti Islam SeMalaysia), première formation de l’opposition depuis les dernières élections législatives (1), a mis en garde le gouvernement fédéral contre l’usage qui pourrait être fait d’une loi, jusqu’ici peu utilisée, visant à réprimer l’utilisation de la religion pour créer du désordre et des tensions intercommunautaires. Le dirigeant de ce parti, très implanté parmi les Malais musulmans conservateurs, réagissait aux propos tenus la veille par Yatim Rais, ministre rattaché au cabinet du Premier ministre, appelant à lutter contre les « extrémistes religieux ». Yatim Rais a déclaré que le gouvernement avait donné instruction aux parquets d’appliquer une loi, utilisée pour la dernière fois en 1987 et permettant de condamner jusqu’à cinq ans de prison toute personne reconnue coupable d’utiliser la religion pour semer la division ; selon cette loi, l’utilisation de qualificatifs tels que kafir (infidèle) est interdite.

Le Premier ministre Mohamad Mahathir a, à plusieurs reprises, mis en garde les Malaisiens contre les risques qu’il y avait à instrumentaliser la religion, « mais certains individus et secteurs de la société ne veulent rien entendre », a déclaré Yatim Rais. L’Umno (United Malays National Organisation), le parti qui dirige la coalition actuellement au pouvoir à Kuala Lumpur, se plaint en effet d’être dépeint comme kafir (infidèle) par le PAS aux yeux de l’électorat musulman. Or les deux formations politiques se disputent âprement le soutien de la majorité musulmane malaise, tout particulièrement dans les milieux ruraux des Etats malais de la côte est de la péninsule malaise.

En réponse aux propos du ministre, le leader du PAS a dénoncé les risques encourus en ne précisant pas ce que recouvraient les mots ‘extrémistes religieux’. « Peut-on être qualifié d’extrémiste religieux si l’on met en question la politique menée par le gouvernement ? Le gouvernement ne peut pas simplement décréter que quelqu’un est un extrémiste religieux et le jeter en prison », a commenté Fadzil Noor, ajoutant que, pour éviter toute injustice, ce terme devait être « clairement et précisément » défini.

Cet échange de propos intervient dans un contexte politique sensible. A la mi-février, le PAS et l’Umno ont entamé une série de consultation au sujet de l’unité parmi les Malais, groupe qui représente 60 % de la population totale de la Fédération de Malaisie. Depuis que le Premier ministre Mahathir a renvoyé puis fait arrêté à l’automne 1998 Anwar Ibrahim, son ancien vice-Premier ministre (2), considéré par beaucoup de Malais comme le garant de la fidélité de l’Umno à l’islam (3), la population musulmane malaise est profondément divisée. Le PAS a su s’attirer les faveurs de nombreux musulmans et l’Umno cherche à regagner ces électeurs sans pour autant perdre le soutien des minorités chinoises et indiennes, alliées à lui par peur de voir les musulmans fondamentalistes prendre trop de poids sur la scène politique malaisienne.

Sur 22,2 millions d’habitants, les Malais musulmans (ou bumiputras – ‘les fils du sol’ en malais) forment environ 60 % de la population. Les Malaisiens d’origine chinoise en constituent 25 %, ceux d’origine indienne, 8 à 10 %, le reste de la population appartenant aux communautés eurasiennes ou aborigènes.