Eglises d'Asie

Hongkong : des universitaires, spécialistes des religions, s’interrogent sur la nature religieuse du groupe mystique Falungong, interdit en Chine et qualifié par elle de « secte pernicieuse »

Publié le 18/03/2010




Interdit et pourchassé en Chine continentale, le groupe mystique Falungong suscite le débat parmi les universitaires de Hongkong, quelques semaines après que les autorités de la Région administrative spéciale de Hongkong (RAS) eurent pris à son sujet des positions proches de celles de Pékin (1). Réunis à l’initiative de la Commission ‘Justice et paix’ du diocèse catholique de Hongkong et de l’Institut chrétien de Hongkong (protestant), plusieurs spécialistes des religions, chrétiens ou non, se sont interrogés sur la nature religieuse du mouvement et les conséquences que chacun peut tirer de cette réflexion.

Chan Shun-hing, professeur assistant au département de philosophie et de religion de l’Université baptiste de Hongkong, estime qu’il est préférable de classer le Falungong parmi les « nouvelles religions même si cette désignation est « discutable », plutôt que de le cataloguer parmi les « sectes ». « L’usage du terme ‘discutable’ est cependant dangereux car les autorités [de la RAS] peuvent le retourner contre le groupe [Falungong», a-t-il précisé, recommandant la prudence en la matière. Selon lui, même si les responsables du Falungong refusent que leur groupe soit assimilé à une religion, leur discours, en particulier à la suite des immolations en janvier et février dernier à Pékin de plusieurs membres supposés du Falungong, témoigne « du développement d’une pensée théologique », phénomène caractéristique d’une religion.

Selon sœur Beatrice Leung Kit-fun, professeur associée à l’université Lingnan et spécialiste en sciences politiques, les recherches qu’elle a menées en Chine auprès d’adeptes du Falungong l’amènent à conclure que « le vide spirituel » sur le continent est un facteur clef pour comprendre l’engouement que connaît le Falungong. Nombre de Chinois, a-t-elle expliqué, se détournent des structures officielles des cinq religions reconnues par les autorités (bouddhisme, taoïsme, islam, catholicisme et protestantisme), les estimant contrôlées de trop près par le régime. Sœur Leung conseille aux autorités chinoises, si elles souhaitent réellement « dégonfler » le phénomène Falungong, d’entamer un dialogue avec les responsables du Falungong et, en même temps, de relâcher le contrôle exercé sur les cinq religions reconnues.

Des chercheurs étrangers à Hongkong se sont aussi exprimés sur le sujet. Dans le quotidien Ming Pao du 24 février, Yu Chong-ho, universitaire d’origine chinoise installé aux Etats-Unis, a publié une tribune libre. Selon lui, il n’est pas légitime d’utiliser la force publique pour supprimer une religion, que celle-ci soit réputée « bonne ou pernicieuse ». Il a cité comme exemple les débuts de l’ordre franciscain dont la radicalité fut, à l’époque, mal acceptée, ou bien encore les groupes pentecôtistes et les sessions de guérison qu’ils organisent, jugées dérangeantes par beaucoup.

Dans les colonnes du Yazhou Zhoukan (‘Asie hebdomadaire’), Lau Tuen-yu, professeur américain actuellement détaché au Centre pour l’étude des médias et du journalisme de l’université de Hongkong, écrit que le débat à propos du Falungong est destiné à prendre de l’ampleur, mais il déplore qu’aucune étude sérieuse n’a encore pris soin d’étudier en profondeur ce que représente ce mouvement.