Eglises d'Asie

LA PRATIQUE DU BOUDDHISME EN CRISE

Publié le 18/03/2010




Depuis des siècles, le bouddhisme joue un rôle primordial dans le développement de la société khmère. Dans l’esprit d’un vrai fidèle, la religion sert à guider les gens pour qu’ils sortent de l’ombre et de l’ignorance et s’éveillent à la vérité. Alors qu’aujourd’hui, bon nombre considèrent que la société connaît une période déclin, faut-il y voir un reflet de la faiblesse de cette doctrine ? C’est autour de cette question qu’à l’initiative du Centre de développement social (CDS), une centaine de personnes – bonzes, nonnes, achars, laïcs, fonctionnaires du ministère des Cultes – ont vivement débattu hier.

Un consensus général s’est dégagé pour affirmer que la doctrine bouddhique n’était pas en cause mais que, par contre, sa compréhension et sa pratique étaient dévoyées. A qui la faute ? Certains ont pointé un doigt accusateur vers le gouvernement, d’autres vers les religieux quand ce ne sont pas les fidèles qui sont vus comme la cause de tous les maux. Mais pour un jeune bonze, “le bouddhisme concerne tout le monde. L’éducation des bonzes se révèle indispensable. Mais celle des fidèles aussi”, a-t-il fait remarquer. Et pour lui, la régression du bouddhisme vient d’une “indifférence générale” envers lui. “Ni les enseignants ni les élèves des écoles bouddhiques ne sont encouragés. Les études en pâli ne sont pas appréciées par la société”, a-t-i1 regretté. Alors que le pays compte plus de 3 700 pagodes et quelque 50 000 bonzes, les écoles bouddhiques sont très peu nombreuses. “Le gouvernement ne se préoccupe pas de cet enseignement”, a abondé un achar enseignant dans la province de Kompong Cham. “Chaque année, des centaines d’enseignants sont embauchés par 1e ministère de l’Education après avoir suivi une formation à la pédagogie. Le ministère des Cultes ne prend aucune initiative de ce genre”. Non seulement, à ses yeux, le nombre de professeurs dans les écoles bouddhiques paraît insuffisant mais, de plus, le niveau de ceux qui sont en poste est faible. De surcroît, les programmes ne sont pas très clairement établis. “Les épreuves des concours nationaux n’ont rien à voir avec les cours suivis dans les classes”, a ainsi souligné un bonze du Wat Samrong Andet.

A ces difficultés s’ajoute, aux dires de bon nombre d’intervenants, le peu de considération à l’égard des pagodes. “Ce sont des endroits sacrés. Mais ils sont souvent dérangés par le voisinage”, a déploré une participante, souhaitant que le ministère des Cultes y mette bon ordre. La sérénité des pagodes, indispensable à la prière et à l’enseignement des préceptes religieux, n’est pas seulement troublé par l’extérieur. L’anarchie qui prévaut dans certains endroits sacrés n’a pas manqué d’être soulignée. “Dans notre pagode, nous avons trois classes de pâli. Mais elles sont perturbées par des bonzes dont on ne sait d’où ils viennent et qui disparaissent un jour pour revenir le lendemain”, a rapporté le supérieur du Neakavorn, dans le quartier de Toul Kork.

Les querelles entre les deux principales sectes ont été aussi vues comme une entrave à l’épanouissement de la religion d’Etat. “Autrefois, les sectes dhammayut et mohanikay étaient comme deux enfants du bouddha qui s’aimaient bien. Mais maintenant, à cause de la politique, elles se sont éloignées l’une de l’autre”, a commenté une femme d’une cinquantaine d’années, citant l’exemple de pagodes où des moines d’un ordre avaient été chassés par ceux de l’autre. “Cela demande un effort de ministère pour régler ces querelles”, a plaidé un bonze.

Cette réunion s’est fait aussi l’écho d’inquiétudes quant à la percée d’autres religions dans le pays qui, aux yeux de certains, utilisent “tous les moyens y compris l’argent” pour gagner des fidèles. Il reste que le prosélytisme de certaines Eglises n’est pas seul en cause.

“Beaucoup de fidèles bouddhistes ne connaissent pas les préceptes de la religion et ne font que respecter les rites sans les comprendre”, a noté un vénérable représentant du Bour Kry, supérieur de l’ordre dhammayut, voyant là un élément qui favorise les conversions.

Répondant à certaines de ces interrogations, Chea Savoeun, ministre des Cultes, a tenu d’abord à rappeler que son ministère n’avait pas vocation à diriger les religieux. “Nous intervenons sur le plan administratif pour faciliter le fonctionnement des religions”, a-t-il noté.

Il s’est tout particulièrement montré préoccupé par la pression des autres confessions. “Nous avons émis une circulaire pour fixer des règles à leur propagande. Il faut absolument que les enfants ne soient pas abusés par les religions”, a indiqué le ministre. Dans le même ordre d’idées, il a précisé qu’il souhaitait davantage de coopération avec le ministère de l’Education pour la diffusion du message bouddhique.