Eglises d'Asie – Malaisie
Une chrétienne, anciennement musulmane, s’oppose au gouvernement fédéral quant à la nécessité de passer devant une juridiction musulmane pour avaliser son changement de religion
Publié le 18/03/2010
Selon cette femme qui a tenu à conserver l’anonymat, signe du caractère très sensible de ces questions , la Constitution du pays garantit la liberté religieuse et l’Etat n’a donc pas le droit de l’empêcher de changer de religion si tel est son souhait. Baptisée en 1998 (soit huit ans après sa première visite dans une église chrétienne), elle souhaite que la mention de son ancienne religion soit retirée de sa carte d’identité afin de pouvoir faire porter sur les registres d’état civil la mention de sa nouvelle religion à l’occasion de son mariage. Selon ses avocats, l’article 11 de la Constitution la dispense de tout accord ou autorisation préalable si elle souhaite quitter l’islam. Pour leur part, les avocats de l’Etat arguent du fait que la liberté n’est pas absolue et que la liberté religieuse est soumise aux autres articles de la Constitution tels ceux qui reconnaissent aux groupes religieux le droit de gérer leurs propres affaires.
Cette affaire n’est pas totalement sans précédent mais elle illustre les tensions croissantes que connaissent la société et la scène politique malaisiennes, traversées de courants qui prônent une approche libérale de la religion, mettant l’accent sur la liberté religieuse, et d’autres, favorables à un islam plus rigoriste et conservateur. Il y a quelques années une Malaise avait été « kidnappée » par ses parents après que la rumeur eut rapporté aux oreilles de ces derniers que leur fille était devenue chrétienne ; le petit ami de leur fille, un chrétien, avait reçu des menaces de mort. L’an dernier, deux Etats de la Fédération de Malaisie ont proposé une loi qui aurait rendu automatique l’envoi dans un « centre de réhabilitation de la foi » de tout musulman désireux de quitter l’islam (1) ; le gouvernement fédéral avait bloqué la proposition de loi en mettant à l’étude son propre projet de loi relatif à l’apostasie ; l’affaire s’est finalement enlisée dans les sables des procédures parlementaires après que des milieux religieux non musulmans et des hommes d’affaires d’origine chinoise eurent fait savoir leur opposition à un tel projet (2).
Dans les années 1990, le Premier ministre Mohamad Mahathir s’était opposé avec succès à une tentative des dirigeants du Kelantan, Etat situé au nord-est de la péninsule malaise et contrôlé par le Parti Islam SeMalaysia (PAS), d’introduire le code pénal islamique dans les textes constitutionnels de cet Etat (3). Le code pénal musulman prévoit la peine de mort pour les apostats. Toutefois, le PAS n’a pas renoncé à ses objectifs politiques. Selon Shad Faruqi, professeur de droit, le cas soulevé par cette Malaisienne devant les tribunaux promet que le débat autour de la liberté de religion ne fait que commencer. Quelle que soit la décision de la justice, la partie perdante fera vraisemblablement appel et « je pense que nous aurons une terrible bataille constitutionnelle sur cette question », conclue-t-il.
Empêchée de construire une église dans la capitale de l’Etat de Selangor, l’Eglise catholique saisit les tribunaux pour contester une décision des autorités de l’Etat
L’Eglise catholique en Malaisie a décidé de saisir les tribunaux civils pour que ceux-ci se prononcent sur le bien-fondé d’une récente décision des autorités de l’Etat de Selangor. En effet, en décembre dernier, le ministre-président de l’Etat de Selangor, en place depuis peu, a demandé à la commission de construction de l’Eglise catholique de Shah Alam, capitale de l’Etat, d’envisager de construire l’église qu’elle projette depuis des années de bâtir dans cette ville non sur le terrain situé en centre-ville et pour lequel les autorités de l’Etat ont déjà donné un avis favorable mais sur un autre terrain situé dans une zone industrielle excentrée. Les responsables de l’Etat de Selangor n’ont pas justifié le changement de position de leur administration mais les observateurs font remarquer que le ministre-président de Selangor a déclaré l’an dernier que Shah Alam était une ville malaise ; or qui dit malais en Malaisie dit musulman, les Malais étant considérés comme appartenant tous à l’islam. Shah Alam, ville de 400 000 habitants, n’est pourtant peuplée qu’à 70 % de Malais musulmans.
Selon J. V. Rao, président de la commission de construction de l’Eglise catholique de Shah Alam, le nouveau site proposé par les autorités de l’Etat ne se prête pas à la construction d’une église car il est dépourvu des infrastructures nécessaires. Ces infrastructures ne seront en place que dans trois ou quatre ans, précise-t-il. De plus, l’Eglise catholique a déjà dépensé 50 000 ringgits (soit un peu plus de 13 000 dollars américains) pour préparer le site originellement prévu pour la construction de l’église. Toujours selon J. V. Rao, c’est la troisième fois en dix ans que les autorités civiles de l’Etat de Selangor changent d’avis quant à la construction de ce lieu de culte catholique (1). Cette fois-ci l’Eglise a pris la décision de porter l’affaire devant les tribunaux au nom des trois à cinq mille catholiques qui vivent dans la capitale de l’Etat de Selangor, « espérant que cela provoquera une réaction des autorités ». La haute cour de Shah Alam doit rendre son jugement après avoir entendu la position de l’Eglise le 26 juillet prochain.
L’Etat de Selangor est situé sur la péninsule malaise ; il enserre la capitale de la Fédération de Malaisie et Shah Alam, sa capitale, n’est située qu’à 45 minutes de voiture de Kuala Lumpur.
L’islam est la religion officielle de la Fédération de Malaisie ; les non-musulmans pratiquent cependant leur religion sans difficulté majeure, la Constitution garantissant la liberté de culte à toutes les religions reconnues. Toutefois, depuis quelques années, la lutte politique que se livrent l’UMNO, parti du Premier ministre Mohamad Mahathir, et le PAS (Parti Islam SeMalaysia) génère une surenchère portant sur les questions religieuses (2). Des 22 millions de Malaisiens, 55 % sont Malais (et musulmans), 30 % d’origine chinoise et 10 % d’origine indienne. Les adeptes de la religion chinoise traditionnelle représentent 24 % de la population, les bouddhistes étant 6 %, les hindous 8 %, les chrétiens 7 % (dont une petite moitié de catholiques). On compte aussi environ 2 % de sikhs, animistes et autres.