Eglises d'Asie

Un enseignant chrétien, en prison pour blasphème contre le prophète, accuse ses rivaux de vouloir ainsi se débarrasser de lui

Publié le 18/03/2010




Pervaiz Mashih, enseignant chrétien dans une école de Daska, à 175 km au sud d’Islamabad, respecté de tous, est aujourd’hui incarcéré dans une cellule de prison. Il a été arrêté au début du mois d’avril sous le prétexte qu’il aurait prononcé, devant ses élèves, des paroles blasphématoires à l’égard du prophète (1). La faute dont il est accusé est, selon le code pénal pakistanais, passible de la peine de mort. Au journaliste de qui lui a rendu visite dans sa cellule, il a exprimé son désarroi et montré les marques des coups reçus de ses gardiens pour n’avoir pas voulu réciter la profession de foi islamique et avoir refusé la circoncision.

Pervaiz Masih attend son procès, mais il sait déjà qu’il est victime d’un complot monté par des enseignants musulmans rivaux voulant salir sa réputation et surtout obtenir la fermeture d’une école prospère. Il n’a jamais prononcé de propos irrespectueux pour le prophète et accuse les responsables d’institutions éducatives concurrentes de la sienne d’avoir monté toute cette affaire pour se débarrasser de lui. Shahbaz Batti, président du Front de libération chrétien, confirme les soupçons de l’enseignant emprisonné. “L’école de Pervaiz Masih, assure-t-il, était de haut niveau, jouissait d’une très bonne réputation, attirait davantage d’élèves et en conséquence remportait de plus nombreux succès.”

Dans son village, nombreux sont les policiers, les dirigeants religieux musulmans mêmes, qui, en privé, reconnaissent qu’aucune charge ne peut être retenue contre l’enseignant. Mais ils évitent de prendre sa défense en public par crainte de provoquer les représailles des extrémistes de la région. Un mullah (2), Maulvi Yaqoob, cependant, a refusé d’accuser Masih. Il a été battu et humilié publiquement par des hommes de main payés pour cela. Il n’en continue pas moins d’exprimer son avis sur cette affaire : “Je connais Pervaiz depuis longtemps. C’est un homme respectueux de chacun. Il n’a jamais fait de propagande pour sa religion. Il y a deux ans, il a même renvoyé un enseignant qui avait essayé de parler de religion avec les étudiants.” Le mullah estime que les accusations portées contre lui auraient dû, avant toute plainte, être portées à la connaissance des anciens du village et des membres de l’administration gouvernementale pour qu’ils émettent sur elles un jugement préalable.

Cependant, ces jugements mesurés sont loin d’être partagés par le groupe qui a monté cette affaire et porté plainte contre l’enseignant. Un autre dirigeant musulman de la région, Maulvi Bashir, interrogé sur le cas de Pervaiz Masih, a répondu brutalement que celui-ci était un blasphémateur et qu’il devait être pendu. “Le Pakistan, a-t-il dit, a été créé pour l’islam et ceux qui ne sont pas respectueux de notre foi n’ont pas le droit de vivre sur cette terre sainte”.

Les religions minoritaires ont depuis longtemps protesté, mais en vain, contre l’utilisation de la loi contre le blasphème pour régler des affaires personnelles. Aussitôt après le coup d’Etat qui l’a porté au pouvoir, le général Pervez Musharraf avait manifesté son intention de rendre impossible une telle pratique. Il avait déclaré : “Je voudrais rassurer les membres de nos minorités. Ils bénéficieront de leurs pleins droits et de notre protection comme des citoyens égaux aux autres, selon la lettre et l’esprit de l’islam” (3). Mais, sous la pression des violentes protestations des groupes extrémistes, il avait effectué ensuite ce qu’il avait lui-même appelé une retraite stratégique. Depuis, la puissance des groupes et des partis fondamentalistes n’a cessé de croître, rendant impossible toute réforme.