Eglises d'Asie

Des émeutes opposant musulmans et bouddhistes ont fait plusieurs victimes dans la ville de Toungoo

Publié le 18/03/2010




Selon le témoignage de voyageurs en provenance de Toungoo, ville située à mi-chemin sur la route principale qui mène de Rangoun à Mandalay, des émeutes opposant des membres de la communauté musulmane de cette ville à des bouddhistes ont éclaté le 15 mai dernier. Au moins quatre personnes auraient été tuées par les émeutiers avant que les autorités ne décrètent le lendemain 16 mai un couvre-feu de 7 heures du soir à 7 heures du matin et n’envoient la troupe patrouiller dans les rues de la ville. Les communications ayant été coupées avec cette partie du pays, il n’a pas été possible aux principales agences de presse internationales d’obtenir davantage de précisions sur ces émeutes. Le gouvernement birman s’est contenté de publier – une semaine après les faits – un communiqué laconique dans lequel on peut lire que “des heurts ont eu lieu [.] après qu’une bagarre a éclaté entre des habitants du lieu”. Après l’imposition du couvre-feu, “la situation est sous contrôle et une enquête officielle est en cours”, peut-on encore apprendre de ce communiqué officiel.

A Mae Hong Sot, ville thaïlandaise située près de la frontière entre les deux pays, un musulman de Toungoo qui a fui ces émeutes a déclaré à Press, sous le couvert de l’anonymat, que des moines et des fidèles bouddhistes s’en étaient pris aux musulmans de la ville. Selon lui, quatre musulmans – dont une femme âgée de 60 ans – ont été tués ; 140 maisons appartenant à des musulmans ont été incendiées et huit mosquées ont été détruites. Selon d’autres témoignages, l’armée a pris le contrôle de la ville dès l’imposition du couvre-feu, le 16 mai au soir. Des soldats patrouillent en ville. Des barrages ont été dressés sur les principaux axes d’accès à Toungoo, apparemment pour empêcher des bouddhistes d’autres lieux de converger vers la ville. A Rangoun, des moines bouddhistes qui souhaitaient monter vers le nord en ont été empêchés par la police, un responsable déclarant même à un moine que tout rassemblement de nature religieuse était interdit dans tout le pays.

Selon un autre témoin, la cause immédiate des émeutes n’est pas connue mais la tension entre les communautés musulmane et bouddhiste de la ville allait croissant depuis février dernier. Certains observateurs font remarquer que cette flambée de violence coïncide avec une dégradation de la situation économique : la monnaie birmane, le kyat, s’est considérablement dévaluée ces derniers mois, entraînant une hausse très importante du prix des produits de base et une pénurie de produits pétroliers. Toungoo, centre commercial relativement important, connu pour son marché de noix de bétel, a souffert de cette conjoncture économique difficile. Sur la BBC, U Thein, président de l’Association nationale musulmane, a déclaré que les sentiments anti-musulmans étaient vifs en Birmanie depuis que, via des chaînes de télévision par satellite, les Birmans ont pu voir en mars dernier la destruction en Afghanistan de statues bouddhistes par les Talibans. Mais un moine bouddhiste, à Rangoun, estime qu’une telle explication n’est pas crédible tant l’accès aux médias étrangers est sévèrement contrôlé par le régime, lequel, par ailleurs, n’a pas fait mention de ces destructions dans les médias officiels.

La communauté musulmane de Birmanie représente environ 4 % des 51 millions d’habitants de la Fédération de Birmanie, pays bouddhiste à 90 %. Bien que la junte militaire au pouvoir respecte la liberté de culte, les musulmans connaissent des sorts divers. Arrivés au XIXe siècle lorsque les Anglais organisèrent l’installation massive de populations indiennes (musulmane comme hindoue), ils vivent dans les grandes villes, la plupart du temps en bonne intelligence avec les populations locales ; toutefois, des accès de violence se produisent parfois. En revanche, dans l’Etat de l’Arakan, situé dans l’ouest du pays, les Rohingyas, minorité musulmane, sont victimes d’une politique systématique de répression et de discrimination de la part des autorités (1).