Eglises d'Asie

Pour reconstruire l’unité du Sri Lanka, des responsables religieux appellent à une refondation des institutions de la nation

Publié le 18/03/2010




“Nous savons tous quelle est la situation de notre pays (1). Quel que soit le domaine envisagé, nous ne pouvons que constater un grave déclin. [.] Nous devons reconnaître que les hommes politiques ont failli [à leur mission]. Aujourd’hui, les gens se tournent vers les responsables religieux pour sauver la nation”. Tels sont les propos qu’a tenu le vénérable Madulawawe Sobitha Nayake Thero, un des moines bouddhistes présents au Congrès des religions qui a réuni le 31 mai dernier à Colombo des responsables bouddhistes, chrétiens, hindous et musulmans. Co-présidé par le vénérable Bellanwila Wimalarathana Nayake Thero et par Mgr Oswald Gomis, archevêque d’Anuradhapura et président de la Conférence des évêques catholiques du Sri Lanka, ce congrès, par un communiqué final, a appelé à la composition d’une nouvelle constitution garantissant la démocratie, le développement et l’intégrité territoriale du pays. Demandant une réforme des trois pouvoirs ainsi que de la police et de l’administration, c’est à une véritable refondation de la nation que les responsables religieux ont appelé.

Selon les participants à ce congrès, les Sri-Lankais ont aujourd’hui deux besoins primordiaux : assurer l’unité du pays dans le respect des différentes composantes ethniques et religieuses qui le composent et trouver une solution politique à la guerre qui oppose depuis dix-huit ans le gouvernement dominé par les Cinghalais aux rebelles tamouls en lutte pour la création d’un pays tamoul. Depuis l’indépendance du pays en 1948, de mauvaises décisions ont été prises mais il est illusoire de chercher à déterminer les responsabilités, estiment ces responsables religieux. L’important aujourd’hui, est de se concentrer sur les réformes de structures qui permettront d’éliminer les racines de nombre des problèmes dont souffre le pays, affirment-ils encore.

Selon Mgr Oswald Gomis, un préalable est le rétablissement du droit et de la sécurité dans le pays pour permettre la tenue d’élections législatives qui soient libres, justes et exemptes de violence. Une fois ceci assuré, des réformes doivent être entreprises pour rendre le chef de l’Etat responsable devant le parlement et le pouvoir judiciaire, chacun devant fonctionner de manière à préserver son indépendance. Pour rendre les juges effectivement libres de toute pression politique, les responsables religieux proposent qu’une commission indépendante soit responsable de leur nomination. Mettant en garde contre le fait que toute manipulation des élections n’aboutira qu’à ce que des groupes “prennent les armes”, les responsables religieux demandent qu’une commission électorale indépendante aux pouvoirs élargis soit constituée (2).

Mais toutes les réformes resteront inefficaces au Sri Lanka, estiment encore ces responsables, si des mesures ne sont pas prises pour élever le niveau d’éducation de la population, son état de santé et son bien-être économique. L’absence de politiques nationales pensées et durables dans ces trois domaines est la principale cause de la pauvreté endémique qui sévit dans le pays. Une nouvelle vision est nécessaire, peut-on lire dans le communiqué final, et un “changement de gouvernement ou des personnes qui nous gouvernent” ne résoudra pas les problèmes que connaît le pays.

Bien que ce communiqué n’aborde pas spécifiquement la question de la liberté religieuse, un des moines bouddhistes participant à ce congrès a précisé que, dans un Sri Lanka majoritairement bouddhiste, cette liberté devait être protégée. “Chaque groupe doit jouir de la liberté de construire ses propres lieux de culte, sans abus ni restrictions”, a ainsi déclaré le vénérable Itthepane Dhammalankara Nayake Thero, ajoutant : “Nous devons respecter toutes les religions et n’en humilier aucune”.

Outre Mgr Gomis pour les catholiques et les moines déjà cités pour les bouddhistes, le communiqué final a été signé par le révérend W.P. Ebenezer Joseph pour les protestants, par Vidyanithi Brahmasri Kuhanantha Sarma pour les hindous et par l’imam M.B. Hifzur Rahman pour les musulmans.