Eglises d'Asie

Un attentat meurtrier dans une église catholique sème la consternation

Publié le 18/03/2010




Dimanche 3 juin, l’explosion d’une bombe dans une église catholique a semé la consternation dans le pays. Non revendiqué, l’attentat a coûté la vie à 10 personnes et fait 26 blessés, dont plusieurs grièvement. L’explosion s’est produite à 7h 20 dans une église catholique de Baniarchor, ville située dans le district de Gopalganj, dans le diocèse de Khulna. L’église était pleine à ce moment ; 400 personnes environ y étaient rassemblées pour la messe de Pentecôte. Le choc créé dans le pays par l’attentat a été d’autant plus grand que l’Eglise catholique n’a, ces dernières années, jamais été prise pour cible. Les médias locaux ont largement couvert l’événement, appelant les autorités à rapidement trouver les coupables et à faire cesser la violence contre les minorités religieuses du pays. Le 8 juin, le Premier ministre Sheikh Hasina, originaire de Gopalganj, s’est rendu sur place pour exprimer ses condoléances aux familles des victimes. Elle a déclaré que les responsables de l’attentat seraient trouvés et jugés, non seulement les auteurs de l’attentat mais aussi ceux qui ont “inspiré” ces derniers.

Bien qu’aucun groupe ou organisation n’a revendiqué l’attentat, dès le lendemain, 4 juin, le ministre de l’Intérieur, Mohammad Nasim, en a indirectement attribué la responsabilité aux musulmans fondamentalistes. “Les forces fanatiques anti-libération (terme par lequel les autorités désignent habituellement les fondamentalistes islamiques) ont lancé une attaque contre cette église dans le cadre de leurs activités subversives visant à détruire l’harmonie entre les communautés dans le pays”, a-t-il déclaré. D’après leurs premières constatations, des responsables militaires estiment que la bombe utilisée à Baniarchor est similaire à la bombe qui a explosé le 14 avril dernier, tuant neuf personnes à Dacca lors d’un concert donné pour le nouvel an bengali. Rappelant un autre attentat à la bombe, qui avait fait six morts quelques mois auparavant lors d’un rassemblement du parti communiste à Dacca, un responsable de la police a déclaré sous couvert de l’anonymat que ces actions étaient menées dans le but de créer un sentiment de chaos dans le pays à l’approche des élections législatives d’octobre prochain.

A Dacca, le 4 juin, un millier de personnes se sont rassemblées pour protester contre cet attentat et demander une enquête rapide et efficace. Organisée par l’Association chrétienne, organisation issue des milieux protestants du Bangladesh, cette manifestation a vu différents responsables religieux, anglican, hindou et musulman, demander que des mesures soient prises pour assurer la sécurité des minorités religieuses dans le pays. Selon plusieurs orateurs, l’attentat du 3 juin est à mettre au compte de fondamentalistes qui s’en prennent à tous ceux qui sont partisans du libéralisme et du caractère “séculier” de la société.

En l’absence de Mgr Michael Atul D’Rozario, évêque de Khulna, Mgr Michael Rozario, archevêque de Dacca, a pris la parole pour réagir, au nom de la communauté catholique du Bangladesh, à cet attentat. Présent à Baniarchor aux côtés du Premier ministre le 8 juin, il a demandé à Mme Hasina de former un comité judiciaire pour déterminer la vérité sur ce qui s’était passé, tout en invitant la police et les services de renseignement au respect du droit des éventuels suspects. “Nous, minorités religieuses, souhaitons vivre en paix et nous avons besoin de la coopération de l’administration pour assurer notre sécurité”, a-t-il ajouté.

Si le Bangladesh est le quatrième plus grand pays musulman du monde – 87 % de ses 123 millions d’habitants se réclamant de l’islam -, la liberté religieuse y est garantie par la Constitution depuis 1971, date de la création du pays après la guerre de sécession entre le Pakistan oriental et le Pakistan. Depuis 1988, l’islam est religion d’Etat mais la Ligue Awami, actuellement au pouvoir, se montre respectueuse de la liberté religieuse et impartiale vis-à-vis des religions. Le monde musulman bangladais n’en est pas moins traversé de tensions extrémistes et, récemment, la Haute-Cour de Justice a eu à se prononcer sur la valeur des juridictions islamiques par rapport au système juridique d’Etat (1). Outre les chrétiens qui forment une des plus petites communautés d’Asie, avec seulement 0,3 % de la population du pays (dont les deux-tiers sont catholiques), le Bangladesh compte d’autres minorités religieuses : la plus forte est la communauté hindoue (avec 12 % de la population) ; les bouddhistes forment, eux, 0,6 % de la population.