Eglises d'Asie

La condamnation à mort d’un chrétien pour blasphème contre le prophète est confirmée par un tribunal de grande instance

Publié le 18/03/2010




La Haute Cour de Multan a confirmé, le 25 juillet dernier, la condamnation à mort d’un chrétien, Ayub Masih. Celui-ci avait été, en 1997, accusé de blasphème contre le prophète et, le 27 avril 1998, condamné en première instance à la peine capitale, comme le prévoit pour ce crime l’article 295 C du Code pénal. On se souvient que cette condamnation avait provoqué le sacrifice de Mgr John Joseph, évêque de Faisalabad et figure de proue du mouvement pakistanais pour les droits de l’homme, qui s’était donné la mort, le 6 mai 1998, devant le tribunal de Sahiwal, près de Faisalabad, pour protester contre ce jugement (1).

Cependant les avocats du chrétien condamné émettent de sérieuses réserves sur les conditions dans lesquelles la sentence a été portée. Ils affirment qu’elle est le fruit de la contrainte et de la pression que les extrémistes musulmans ont exercées sur les juges. Samuel Xavier, avocat à la cour, a déclaré que la Haute Cour s’est prononcée sous la contrainte. “La preuve en est, a-t-il ajouté, que les juges ont, en premier lieu, refusé de donner leur verdict. mais en suite, tout d’un coup, ils se sont précipités pour le faire connaître à la presse”.

L’avocat de Ayub a déposé une plainte à la police spécifiant que les extrémistes étaient intervenus pendant le procès et que lui-même avait été bousculé par eux et que des documents lui avaient été arrachés pendant l’audience. Il a déclaré que le tribunal était rempli d’extrémistes qui ont menacé juges et avocats de violence si la condamnation à mort n’était pas portée. L’opinion des avocats est confirmée par un certain nombre d’autres instances. L’ancien directeur de la Commission (non gouvernementale) des droits de l’homme, Asma Jehangir, qui a fait appel pour Ayub en 1998, et le bâtonnier, Abid Hasan Minto, reconnaissent tous les deux que le jugement du tribunal de Multan a été délivré dans la précipitation et sous la contrainte. La Commission épiscopale nationale Justice et paix’, elle, s’apprête à faire appel du jugement auprès de la Cour suprême. “Nous avons 30 jours pour le faire, a fait remarquer Peter Jacob, le secrétaire de la commission, mais nous n’avons pas encore reçu le texte de la sentence. Il semble que les juges ne l’aient pas encore écrit !”.

Quelques jours avant sa mort, dans une lettre envoyée à Rome, Mgr John Joseph avait brièvement résumé le cas de Ayub Masih. Celui-ci, écrivait-il, avait été condamné à mort parce que le tribunal avait estimé que la parole d’un chrétien ne valait pas celle d’un musulman. Ayub Masih et un groupe de chrétiens sans terre étaient en conflit avec un propriétaire terrien musulman à propos d’allocation de terrains constructibles dans un village du Pendjab, Arifwala. Le propriétaire avait accusé Ayub Masih d’avoir parlé favorablement du livre de Salman Rushdie, “Les versets sataniques”.

Ayub Masih est le quatrième chrétien condamné à mort au nom de l’article 295 C du Code pénal pour blasphème contre le prophète. Les trois autres ont vu leur condamnation cassée par la Haute Cour de Lahore, mais tous ont été obligés de fuir à l’étranger pour échapper aux mains des extrémistes.