Eglises d'Asie

Le dirigeant du PAS, parti d’inspiration musulmane et premier parti de l’opposition, déclare que les Malaisiens n’ont rien à craindre de la mise en place d’un Etat islamique

Publié le 18/03/2010




Les 8 et 9 septembre, à l’occasion du 50e anniversaire du Parti Islam SeMalaysia (PAS), Nik Abdul Aziz Nik Mat, son chef spirituel, également ministre-président de l’Etat du Kelantan, s’est voulu à la fois rassurant et clair sur la teneur du programme politique de son parti : l’établissement d’un Etat islamique dans la fédération de Malaisie à la faveur des prochaines élections législatives, normalement prévues pour 2004. Dans un entretien accordé à France-Presse dans la ville de Kota Baru, capitale du Kelantan, Nik Abdul Aziz a déclaré que”dans un Etat islamique, les gens doivent craindre Dieu, et non pas la police ou le gouvernement [.]. Il est préférable de se placer sous le contrôle de Dieu plutôt que de vivre dans l’immoralité. Nous voulons faire comprendre aux gens que tout ce que nous faisons sur terre est placé sous le regard de Dieu dans l’au-delà. Dieu récompensera nos bonnes œuvres sur terre par une place au paradis, mais ceux qui font le mal brûleront en enfer.”

Agé de 70 ans et père de 10 enfants, Nik Abdul Aziz est révéré comme un saint par ses fidèles et ses proches. Coiffé du turban caractéristique des musulmans malais, portant une courte barbe, il ne mâche pas ses mots contre le Premier ministre de la Fédération de Malaisie, Mohamad Mahathir, et sa formation politique, l’Umno (United Malays National Organisation). Selon lui, parce qu’il craint de perdre les prochaines élections, le gouvernement de Mahathir cherche à supprimer le PAS. Il cite à ce propos l’interdiction des rassemblements politiques et les récentes incarcérations sans jugement de membres du PAS – dont un de ses propres fils, professeur de religion, Nik Adli, que les autorités soupçonnent d’appartenir à un groupe terroriste et que son père affirme être “victime de la politique”. Il décrit le Premier ministre comme “un homme très habile qui a mis son intelligence au service de fins mondaines au lieu de la mettre au service de l’islam”.

Connu de tous sous le nom de Tok Guru’, Nik Abdul Aziz a opté pour un style de vie des plus simples. Dédaignant la résidence officielle à laquelle ses fonctions de ministre-président lui donnent droit, il habite une modeste maison de bois, coincée entre une mosquée et une école religieuse, toutes deux construites par ses soins. Sa demeure, où défilent les visiteurs, est peinte en vert, les couleurs du PAS. Depuis 1990, date de l’arrivée au pouvoir du PAS dans l’Etat de Kelantan, il a cependant pris une série de décrets religieux qui témoignent de son attachement à un islam rigoriste : les femmes doivent porter le voile et s’abstenir de se maquiller ; dans les commerces, les hommes et les femmes font la queue devant les caisses dans des files distinctes ; les danses et les chants sont interdits en public tout comme les activités de paris ou les jeux d’argent (1). En 1993, seul un veto du gouvernement fédéral a empêché que la charia ne soit appliquée dans l’Etat (2).

Depuis les élections législatives de novembre 1999 (3), élections à l’occasion desquelles le PAS, dépassant le DAP (Democratic Action Party), est devenu le premier parti de l’opposition, le parti dirigé par Nik Abdul Aziz a pris soin de cultiver son avantage. Selon les sondages, le PAS et ses alliés ont de sérieuses chances de l’emporter aux prochaines élections, prévues pour 2004. Nik Abdul Aziz assure que le PAS n’est pas un tenant de l’extrémisme religieux et que les non-musulmans n’ont rien à craindre d’un gouvernement islamique dirigé par son parti (4). Selon lui, ce sont le Premier ministre et l’Umno qui sont à l’origine des rumeurs qui courent sur le compte du PAS : activités clandestines, voire terroristes, extrémisme, etc. De six ans plus jeune que Mahathir et responsable du PAS depuis 15 ans – soit un peu moins que les 20 années depuis lesquelles Mahathir gouverne à Kuala Lumpur en tant que Premier ministre -, Nik Abdul Aziz se contente de suggérer que son retrait de la scène politique dépendra de son état de santé : “Si je reste en bonne santé et que Mahathir est toujours au pouvoir, je continuerai à le défier. S’il se retire, il se peut que je me retire aussi.”