Eglises d'Asie – Thaïlande
De confession musulmane, un ministre du gouvernement s’est rendu dans les provinces méridio-nales du pays, à majorité musulmane, afin d’y expliquer l’appui de la Thaïlande aux Etats-Unis
Publié le 18/03/2010
La Thaïlande a publiquement affirmé son soutien aux plans américains de riposte contre les entreprises terroristes imputées à Oussama Ben Laden mais le gouvernement de Thaksin Shinawatra n’a pas précisé en détail l’aide que le pays apportera. Le Premier ministre a écarté l’hypothèse d’envoyer des troupes aux côtés des Américains mais envisagerait de laisser l’armée américaine utiliser des bases aériennes et des infrastructures médicales thaïlandaises. Dans ce contexte, le responsable de l’exécutif thaïlandais a tenu à préciser qu’il souhaitait “promouvoir la compréhension mutuelle avec les populations musulmanes du sud”. Réagissant à des informations parues dans la presse locale, selon lesquelles des sites Internet basés en Europe appelaient les musulmans de par le monde à la guerre sainte contre les Etats-Unis au cas où ceux-ci lanceraient une riposte militaire contre l’Afghanistan, le Premier ministre a déclaré que “les gens qui lancent ces appels ne sont pas bien intentionnés envers les gouvernements et tentent de transformer tout ceci en une question religieuse”.
Peu de temps auparavant, le leader spirituel des musulmans de Thaïlande, Sawas Sumalyasak, chef de Chula Rajamontri, instance supérieure de l’islam thaïlandais (1), avait exprimé son soutien à une alliance internationale contre le terrorisme. Selon lui, la réplique américaine en préparation est dirigée contre les seuls terroristes et ne vise pas les musulmans en tant que tels. “Si une guerre éclate, ce n’est pas la djihad car l’action entreprise est menée contre des terroristes qui sont les fossoyeurs de la religion”, a-t-il affirmé.
Bouddhiste à 95 %, la Thaïlande, peuplée de 62 millions de personnes, ne connaît pas de problème aigu lié à la présence d’une minorité musulmane sur son territoire. Représentant 4 % de la population, cette minorité est concentrée dans les quatre provinces de l’extrême sud (Satun, Yala, Narathiwat et Pattani) où, d’ethnie malaise, les musulmans sont majoritaires. Toutefois, depuis des temps reculés, ces provinces sont comme une écharde au pied de la Thaïlande. La pacification de ces zones frontalières remonte seulement à la fin 1989 quand, après 40 ans de troubles, furent signés des accords mettant fin à une guérilla séparatiste d’inspiration communiste (2). A l’époque, les militaires thaïlandais, afin de lutter contre cette guérilla, avaient encouragé un “mouvement missionnaire musulman”, dirigé par un musulman chiite proche de Téhéran (les musulmans locaux étant pourtant sunnites) (3).
Aujourd’hui, malgré les politiques de décentralisation mises en place par Bangkok (3), la population de ces provinces continue de nourrir un sentiment d’amertume vis-à-vis du pouvoir central, sentiment où les différences ethniques et religieuses jouent un rôle. Selon certains observateurs, une certaine jeunesse musulmane, parfois formée à l’étranger, pourrait subir la séduction du fondamentalisme et donner du fil à retordre aux responsables thaïlandais. En avril dernier, plusieurs bombes ont explosé dans cette région, dont une dans une gare ferroviaire à Hat Yai et une autre dans un hôtel à Yala tuant un enfant et faisant plusieurs dizaines de blessés. L’armée thaïlandaise s’est déclarée “certaine à 90 %” que ces attentats, non revendiqués, avaient été fomentés par le groupe Bersatu, organisation séparatiste musulmane fédératrice de différents éléments favorables à l’indépendance des quatre provinces thaïlandaises.