Eglises d'Asie

Des responsables d’associations représentant les minorités religieuses du pays appellent leurs membres à ne pas se laisser intimider par les violences dont elles sont victimes

Publié le 18/03/2010




“J’ai demandé aux hindous, aux chrétiens, aux bouddhistes et aux membres des autres minorités de se rendre en groupe dans les bureaux de vote le jour des élections afin de dissuader toute attaque éventuelle contre eux”, a déclaré quelques jours avant les élections législatives du 1er octobre Chitta Ranjan Dutta, président d’une association composée des différentes minorités religieuses du pays. Il a ajouté que les violences qui ont récemment endeuillé les communautés hindoues et chrétiennes n’ont “pour seul objet que de nous maintenir à l’écart des opérations de vote”. Au Bangladesh, dont 87 % des 130 millions d’habitants sont musulmans, les hindous représentent 12 % de la population, les bouddhistes 0,6 % et les chrétiens 0,3 %. Lundi 1er octobre, 75 millions d’électeurs sont appelés aux urnes afin de choisir, parmi 2 000 candidats, leurs 300 futurs députés dans ce qui constitue les huitièmes élections générales depuis l’indépendance du pays en 1971.

Comme de coutume, les violences pré-électorales ont été nombreuses. Le gouvernement intérimaire chargé d’organiser le scrutin a recensé plus de 100 morts depuis le mois de juillet dernier. Les autorités ont admis que certaines de ces violences étaient dirigées contre les minorités religieuses. Le quotidien en langue bengalie Prothom Alo, dans son édition du 25 septembre, a fait part de rapports émanant de plusieurs régions où il était question d’“actes d’intimidation, de violence et de torture” destinés à dissuader les non-musulmans d’aller voter. Le 23 septembre dernier, une bombe a explosé lors d’une réunion électorale à Bagerhat, région où les hindous sont majoritaires, tuant sept personnes dont trois de confession hindoue. On se souvient que le 3 juin dernier, lors de la messe de Pentecôte, l’explosion d’une bombe dans une église catholique avait coûté la vie à 10 personnes (1).

Non revendiqués, ces différents attentats ne semblent pas avoir une motivation principalement religieuse. Daniel Kuraiya, président de l’Association chrétienne du Bangladesh, accuse certes des musulmans fondamentalistes d’en être les auteurs (2) mais il ajoute que, dans certains cas, “les attaques ont été perpétrées par des gens appartenant au BNP (Bangladesh Nationalist Party) qui s’est allié à des groupes fondamentalistes pour ces élections”. Les deux principales formations politiques se disputant les suffrages des électeurs se rejettent mutuellement la responsabilité de ces actes terroristes. Un porte-parole du BNP, parti dirigé par Khaleda Zia, a ainsi déclaré que sa formation politique “comptait en son sein des membres issus des communautés minoritaires” et que ces attentats étaient le fruit d’un complot de son adversaire, la ligue Awami, “qui croit que les minorités lui sont électoralement acquises et qui cherche à diaboliser [le BNP] ». En réponse, un porte-parole de la ligue Awami, emmenée par le Premier ministre sortant Cheikh Hasina Wajed, a rétorqué que la coalition de quatre partis dirigée par le BNP comprenait le parti islamiste Jamaat-e-Islami et la formation d’extrême droite Islami Oikkya Jote et que cette coalition, “sentant la défaite approcher, attaque les minorités religieuses pour les dissuader d’aller voter”.

Un porte-parole du gouvernement intérimaire a fait savoir que les autorités avaient pris des mesures pour que cessent de telles attaques. Sur les 100 000 hommes que comptent les forces armées du Bangladesh, 55 000 ont été déployées à travers le pays ces dernières deux semaines. Par ailleurs, le 1er octobre, des ONG se préparent à observer le déroulement des opérations électorales. Le P. R.W. Timm, missionnaire d’origine canadienne, président depuis quinze ans de for Social Advancement, a déclaré que son ONG déploierait 18 000 observateurs sur le terrain afin de rapporter les cas de fraudes électorales (3).