Eglises d'Asie

Après la large victoire remportée par la coalition dominée par le BNP de Khaleda Zia, le nou-veau cabinet compte deux ministres issus du principal parti islamiste local, le Jamaat-e-Islami

Publié le 18/03/2010




Mardi 9 octobre, les 191 députés élus sous la bannière du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) ont prêté serment en l’absence de leurs collègues de l’opposition. Ces derniers, partisans du Premier ministre sortant, Mme Hasina Wajed, chef de la ligue Awami, contestent les résultas des élections législatives du 1er octobre dernier (1), élections qu’ils estiment gravement entachées d’irrégularités. Selon le P. Patrick Gomes, secrétaire général adjoint de la Conférence des évêques catholiques du Bangladesh, les résultats des élections ont constitué “une surprise” pour l’une et l’autre des parties en présence et les soupçons de fraude sont importants. “S’il peut être prouvé que des pratiques illégales ont eu lieu durant les opérations électorales, de nouvelles élections doivent être organisées”, a-t-il estimé.

Le P. Gomes déclare que la défaite cuisante de la Ligue Awami – qui n’a remporté que 62 sièges sur les 300 que compte l’Assemblée nationale – est une “sévère leçon” adressée par les électeurs bangladais à leur ancien Premier ministre, Hasina Wajed. Commentant les violences pré- et post-électorales, “habituelles” au Bangladesh mais particulièrement meurtrières cette fois-ci (150 morts), il a déclaré souhaiter pour le pays “un gouvernement qui se tienne à l’écart du terrorisme, se consacre à bâtir la paix et à agir en faveur d’un véritable développement économique”.

La presse locale a fait état de plusieurs cas de fraude ; entre autres, le Daily Janakantha, quotidien en langue bengalie, a rapporté que dans une circonscription au moins on avait compté 4 000 suffrages de plus que le nombre d’électeurs inscrits. Lors d’une conférence de presse, Hasina Wajed a présenté plusieurs personnes qu’elle a décrit comme ayant été blessées lors des élections “par des terroristes du BNP” ; elle a ajouté qu’elle étudiait un projet destiné à manifester son refus du résultat des élections. Pourtant, selon la Mission d’observation des élections de l’Union européenne ainsi que selon la majorité des observateurs locaux et étrangers, “les opérations électorales se sont déroulées dans des conditions de liberté et de justice satisfaisantes et représentent un pas important vers la consolidation de la démocratie [au Bangladesh] ». Le taux élevé de participation (près de 80 %) ainsi que la forte participation des femmes au scrutin ont été soulignés comme des points positifs.

Outre ses 191 députés, le BNP pourra compter sur l’appui de ses alliés, trois petits partis dont le Jamaat-e-Islami, parti islamiste qui a affiché son soutien à Oussama Ben Laden et qui a remporté 17 sièges (2). En vertu d’un accord antérieur à l’élection du 1er octobre, ce parti a obtenu que deux de ses membres – dont son chef, Matiur Rahman Nizami – fassent parti du nouveau gouvernement, fort de 59 ministres. Dans le contexte actuel, Mme Khaleda Zia, qui a prêté serment le 10 octobre en tant que nouveau Premier ministre, a promptement déclaré que le Bangladesh ne deviendrait pas une République islamique (3). Tout en remerciant Allah de lui avoir “donné une nouvelle fois l’opportunité de servir la nation” (4), elle a déclaré que sa tâche prioritaire serait le redressement économique du pays.

Selon plusieurs observateurs locaux, les chances de voir le Bangladesh devenir un second Pakistan, pays où les partis islamistes, tout en étant minoritaires, tiennent une place certaine sur la scène politique, sont faibles. “Il y a de très nombreuses personnalités influentes au sein du BNP qui sont opposées au Jamaat et à son programme politique”, a commenté Wahiduddin Mahmud, économiste connu. Dès son élection au poste de Premier ministre confirmée, Khaleda Zia a réitéré l’engagement pris auparavant par le gouvernement intérimaire de ranger le Bangladesh aux côtés des Etats-Unis dans la guerre que les Américains ont déclaré au terrorisme.