Eglises d'Asie

Dans un Pakistan divisé par les derniers événements, les catholiques ont choisi de travailler pour la concorde et l’harmonie sociale

Publié le 18/03/2010




Alors que les militants fondamentalistes ne cessent de faire monter la pression qu’ils exercent sur le gouvernement pour que celui-ci retire son soutien aux Etats-Unis dans ses préparatifs de guerre contre le terrorisme, les dirigeants de l’Eglise catholique ont, au contraire, choisi de se lancer dans une entreprise pacifique visant à rétablir la concorde à l’intérieur de la société pakistanaise. Le Comité pour la paix nationale et l’harmonie sociale qu’ils ont créé, dès le 24 septembre à Lahore, avait pour objectif d’anticiper, en quelque sorte, la situation de crise qui ne manquerait pas d’être créée par les représailles américaines contre l’Afghanistan pour les attentats terroristes du 11 septembre à New York et à Washington, représailles qui, dès la fin du mois de septembre, apparaissaient inévitables. Composé actuellement de délégués catholiques, le Comité projette d’élargir sa représentativité en intégrant des membres des diverses dénominations chrétiennes, ainsi que des personnalités de religion musulmane.

« Les fondamentalistes islamistes ont créé une telle tension dans le pays que nous devons nous préparer à affronter une situation de crise a déclaré un des membres du nouveau comité. Aux dires des participants de la réunion inaugurale du Comité, cette crainte est loin d’être imaginaire. Parvaiz Masih, un conseiller de l’Union chrétienne de Multan, a révélé que le clergé musulman de sa région a encouragé la population musulmane à attaquer les chrétiens au où les Etats-Unis, perçus comme une nation chrétienne, s’en prendrait à l’Afghanistan, pays musulman voisin du Pakistan où se trouve Oussama Ben Laden dont la culpabilité est, d’après les enquêteurs américains, irréfutable. Selon un rapport du P. Emmanuel Yousaf, président de la Commission locale Justice et paix’, lors des manifestations anti-gouvernementales du 21 septembre (1), un groupe musulman a jeté des pierres contre des habitations chrétiennes à Pahar Ganj (Karachi), brûlé deux boutiques, mais épargné l’église catholique. Une autre source rapporte que de jeunes musulmans ont également jeté des pierres contre une église catholique à Peshawar à quelque trente kilomètres à l’est de la frontière afghane. Diverses agences de presse ont décrit la crainte dans laquelle vivent les quartiers chrétiens des grandes villes depuis le 11 septembre. A un reporter de Reuters, un chrétien vivant dans un quartier d’Islamabad, appelé « French Colony », a répondu : « Tous les chrétiens craignent d’être attaqués par les musulmans en cas de raids américains en Afghanistan » (2). Une même situation a été décrite à Quetta où le correspondant de Press a recueilli cette déclaration : « C’est tous les jours que nous sommes menacés par les musulmans » (3).

Diverses décisions ont été prises au cours de la réunion du 24 septembre. L’une d’entre elle prévoyait d’organiser des séminaires régionaux dans chaque diocèse du pays. Ils ont eu lieu le 29 septembre et ont permis aux participants de recevoir des instructions et des directives sur la façon de réagir aux attaques des extrémistes musulmans, de promouvoir l’harmonie sociale et d’empêcher la naissance de troubles sociaux. Jusqu’ici, en effet, selon le P. Yousaf, l’Eglise locale a peu fait pour atténuer le sentiment d’insécurité qui règne chez les chrétiens qui se sentent menacés par les divers mouvements sociaux survenus à la suite des récents attentats. « Nous devons encourager notre peuple et lui redonner l’espoir a-t-il dit. Mgr Joseph Couts, évêque de Faisalabad, a précisé l’objectif poursuivi par l’Eglise catholique en mobilisant les chrétiens : « Nous sommes un peuple de paix. Dans une situation aussi critique, nous devons promouvoir la paix sociale Il a ajouté que cette paix était nécessaire non seulement aux chrétiens mais aussi aux musulmans qui sont divisés à propos du conflit qui oppose les Etats-Unis à l’Afghanistan. Les uns soutiennent l’Afghanistan et Oussama Ben Laden tandis que beaucoup d’autres apportent leur appui à la ligne adoptée par leur gouvernement.

A une délégation de dirigeants ouvriers venus le rencontrer le 24 septembre, le général Pervez Musharraf, président du Pakistan, a fait remarquer que la guerre imminente n’opposerait pas des chrétiens à des musulmans mais qu’elle serait engagée contre le terrorisme. Les évêques catholiques ont une position plus nuancée. Mgr Coutts a précisé : « Nous ne pouvons pas soutenir une guerre même venant d’Amérique. Cette question peut être réglée par la voie du dialogue L’évêque de Lahore, Mgr Lawrence Saldanha, a suggéré, lors d’une réunion publique, que le dialogue devait être poursuivi non seulement avec les musulmans « libéraux » mais aussi avec les « conservateurs C’est une nécessité de l’heure, a-t-il dit, que de tenir des réunions communes avec ces derniers qui exercent une grande influence sur notre peuple.