Eglises d'Asie

Bahawalpur : des chrétiens massacrés dans leur église à l’heure de l’office

Publié le 18/03/2010




Tôt dans la matinée du dimanche 28 octobre, plusieurs agences de presse ont annoncé le massacre perpétré par des inconnus à l’intérieur de l’église Saint-Dominique de Bahawalpur, située dans l’est du pays, à l’heure de l’assemblée dominicale. « Vers 9 heures (heure locale), a déclaré un officier de police, Mohammad Khalid, six personnes sont arrivées sur deux motos et ont fait irruption dans Les agresseurs étaient équipés d’armes automatiques (des kalachnikov) et ont ouvert le feu sur l’assemblée des fidèles. Les premières dépêches d’agence annonçaient que la fusillade avait fait 12 morts, ainsi que de nombreux blessés, parmi lesquels une fillette de deux ans. Dans l’après-midi, le bilan s’est alourdi de six nouvelles victimes qui ont succombé à leurs blessures après avoir été hospitalisées. Parmi les morts, se trouvaient quatre membres de la même famille ainsi que le policier en faction devant l’église. Le 29 octobre, 10 000 chrétiens participaient au service religieux célébré en l’église Saint-Dominique aux intentions des 17 victimes chrétiennes de la tuerie. Elles ont été enterrées à la périphérie de la ville à l’exception de quelques-unes transportées dans leur ville natale pour y être inhumées.

L’église qui appartient aux catholiques se trouve dans un quartier de la ville, nommé Gulzar-e-Sadiq. Elle est utilisée par les deux communautés chrétiennes du lieu, catholique et protestante. L’attentat a eu lieu vers la fin de l’office protestant alors qu’environ 150 fidèles s’apprêtaient à sortir du lieu de culte, ce qui explique que les victimes sont en presque totalité de confession protestante. Le pasteur Emmanuel Mamih, responsable de la communauté protestante locale, est au nombre des morts. Cependant les chrétiens de la ville pensent que c’est la communauté catholique qui était visée. Leur assemblée, la plus nombreuse, célèbre généralement la messe à l’heure où a eu lieu la fusillade. Mais, un changement d’horaire était intervenu, annoncé seulement dans les jours précédents. Quelques heures après le carnage, au début de l’après-midi du dimanche, quelque 2 000 chrétiens, rassemblés auprès des corps des personnes décédées encore alignés à l’intérieur de l’église, disaient ne pas comprendre la raison du massacre. « Nous sommes Pakistanais, disait une religieuse des environs. Nous rien à voir avec les frappes américaines ».

Pour le moment, aucun renseignement n’a été donné sur l’identité des agresseurs et la nature du groupe auquel ils appartenaient. Par ailleurs, personne n’a encore revendiqué cette attaque. Selon plusieurs témoignages, les auteurs du massacre ont tiré sur l’assemblée aux cris de « Le Pakistan et l’Afghanistan seront le cimetière des chrétiens ». Depuis les attentats terroristes du 11 septembre et le début des bombardements, les menaces et les vexations s’étaient multipliées contre les chrétiens. Le groupe de chrétiens du quartier, lui-même, avait reçu de sérieuses menaces, menaces qui l’avaient amené à solliciter la protection de la police. La présence de l’agent mis en faction devant le lieu de culte à l’heure des offices, et qui a trouvé la mort au cours de la fusillade, paraissait très insuffisante aux fidèles de la paroisse Saint-Dominique, située dans le diocèse de Multan.

Le carnage a été rapidement connu dans le monde et les réactions officielles n’ont pas manqué. Le chef de l’Etat, le général Pervez Musharraf s’est dit profondément attristé ; il a « fermement condamné » le crime, envoyé deux ministres sur les lieux et promis de trouver les coupables. Selon lui, l’action vise à créer la division au Pakistan où chrétiens et musulmans ont toujours vécu en paix et dans le respect mutuel. Le jour même, le pape Jean-Paul II a exprimé « sa condamnation absolue de ce nouvel acte tragique Plus tôt, au cours de l’Angélus dominical, le souverain pontife avait dit « confier de manière spéciale à la protection de la Très Sainte Vierge les populations ».

Depuis les événements du 11 septembre et les bombardements américains sur l’Afghanistan qui ont suivi, c’est la première fois qu’un massacre sanglant de ce type est commis contre la communauté chrétienne. Il rend encore plus fragile et périlleuse la tâche que se sont donnée les chrétiens au Pakistan, à savoir d’être des agents de concorde et d’harmonie sociale, dans la non-violence et le dialogue. Il faut dire que la violence des manifestations animées par l’opposition au gouvernement ne cesse de s’amplifier et que la solidarité religieuse des musulmans pakistanais avec la population afghane s’intensifie de jour en jour. Le jour de l’attentat, une dizaine de milliers de Pakistanais en armes, volontaires pour la guerre sainte en Afghanistan, s’étaient rassemblés sur la frontière nord-ouest du pays, dans l’intention d’aller combattre aux côtés des talibans contre les Etats-Unis.