Eglises d'Asie – Chine
Le pape Jean-Paul II a demandé pardon pour les « erreurs » commises par l’Eglise catholique en Chine et appelé à la normalisation des rapports entre la Chine et le Saint-Siège
Publié le 18/03/2010
Le 24 octobre, à Rome, à l’université grégorienne des jésuites, où se tenait le colloque international « Matteo Ricci : pour un dialogue entre la Chine et l’Occident », le pape s’est excusé au nom de l’Eglise catholique pour toutes « les erreurs passées et présentes » commises par des membres de l’Eglise catholique. Au sujet des erreurs du passé, il a déclaré « ressentir un regret profond ». « Je suis désolé que celles-ci aient entraîné l’impression d’un manque de respect et d’estime de l’Eglise catholique envers le peuple chinois. Je demande pardon et compréhension à ceux qui se sont sentis blessés par ce genre d’actions de la part de chrétiens », a-t-il notamment ajouté. Après ceci, le pape a rappelé à quel point la valeur de l’amitié avait été centrale dans l’approche que le jésuite Ricci avait eu du monde chinois. « Avec ce sens de l’amitié renouvelé et profondément éprouvé envers le peuple chinois », Jean-Paul II a exprimé « l’espoir que des formes concrètes de communication et de coopération entre le Saint-Siège et la République populaire de Chine soient rapidement établies ».
Dès le lendemain, 25 octobre, Mgr Giuseppe Pittau, responsable de la Congrégation pour l’éducation catholique au Vatican, intervenant lors de la conclusion du colloque, a réitéré ce que beaucoup de commentateurs ont qualifié de « main tendue » à la Chine populaire. « Le pape veut dépasser les divisions, il veut unir », a déclaré ce haut responsable de l’administration pontificale qui a précisé que le désir du pape « de dépasser les divisions existant entre la Chine et le Saint-Siège » est très grand. Selon lui, le pape est prêt à se rendre en Chine « demain matin » pour combler ces divisions, « si les autorités chinoises l’invitent » et il n’est pas de problème entre les deux entités qui ne puisse être résolu dès aujourd’hui. « Pour ce qui concerne la nomination des évêques, des solutions techniques seront proposées aux autorités chinoises dès qu’une opportunité adéquate se présentera au Saint-Siège », a aussi précisé Mgr Pittau.
Face à tant de bonne volonté exprimée publiquement, les commentateurs ont été prompts à déclarer que la balle était désormais dans le camp de la Chine. A Pékin, les responsables de la partie « officielle » de l’Eglise catholique se sont félicités des excuses du pape au sujet des erreurs de l’Eglise. Mgr Joseph Liu Yuanren, évêque « officiel » de Nankin et président de la Conférence des évêques « officiels », a déclaré le 26 octobre que le geste du pape était « une bonne chose pour la paix dans le monde et pour l’Eglise en Chine ». Anthony Liu Bainian, vice-président de l’Association patriotique des catholiques chinois est allé dans le même sens, précisant que la demande de pardon papale était « certainement une initiative positive ». Cependant, du côté des autorités gouvernementales, il a semblé qu’il était encore trop tôt pour obtenir un commentaire. Ye Xiaowen, directeur de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses, n’a pas fait de déclaration et un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, tout en précisant que le gouvernement chinois étudiait le discours du pape, s’est contenté de rappeler les conditions que la Chine mettait à l’établissement de relations diplo-matiques entre Pékin et le Vatican : rupture dans un premier temps des liens diplomatiques entre le Vatican et Taiwan (2), et non-ingérence du Vatican dans les affaires religieuses intérieures de la Chine, périphrase faisant référence à la question de la nomination des évêques par le pape.
Dans l’article publié dans la Far Eastern Economic Review, datée du 4 octobre 2001, le journaliste de l’hebdomadaire hongkongais annonçait la reprise des relations diplomatiques dans un proche avenir. Citant une source bien informée du Vatican, il décrivait un processus en trois étapes : la visite en Chine d’un cardinal à l’occasion du colloque de Pékin sur Matteo Ricci, celle de l’évêque « officiel » de Pékin, Mgr Michael Fu Tieshan à Rome et la demande de pardon du pape. Des trois étapes, seulement celle dépendant de la seule volonté du pape et de l’Eglise catholique a été vérifiée. Les deux autres, faisant appel d’une façon ou d’une autre à la volonté du pouvoir politique chinois, n’ont pas été – à ce jour – réalisées. Selon certains observateurs, l’actuelle direction suprême chinoise, qui doit passer le relais l’an prochain à un noyau de dirigeants un peu plus jeunes, peut difficilement se permettre un coup d’éclat tant sont grandes ses craintes de voir des groupes religieux alimenter l’instabilité de la société ou remettre en cause le monopole que le Parti communiste exerce sur la vie politique chinoise.
A Rome, les cinq chercheurs de Chine populaire qui ont pris part au colloque sur Matteo Ricci ont tous été applaudis pour leurs contributions respectives. Ren Yanli, directeur de l’Institut pour la recherche sur les religions dans le monde, institut rattaché à l’Académie chinoise des Sciences sociales de Pékin, s’est exprimé en italien pour expliquer que les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et Pékin depuis 1949 n’allaient nulle part en raison d’une « confrontation politique ». Selon lui, « plus de temps et de sagesse » sont nécessaires pour sortir de l’impasse actuelle. Revenant sur l’histoire de ces dernières vingt années, il a noté que les autorités chinoises font semblant de ne pas remarquer quand un nouvel évêque est nommé en Chine avec l’accord du pape. « Nous constatons que les relations religieuses sont meilleures aujourd’hui – les meilleures depuis 1949, même si elles ne sont pas parfaites », a-t-il souligné. A « l’hostilité » a succédé « la collaboration » entre le gouvernement et l’Eglise, a-t-il poursuivi. Pour ce qui est des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Chine, elles sont « dans l’intérêt des deux parties », a-t-il conclu.