Eglises d'Asie

Malgré les violentes manifestations souvent dirigées contre eux, les chrétiens continuent d’entretenir le dialogue et de se montrer solidaires

Publié le 18/03/2010




Depuis le début des bombardements américains sur l’Afghanistan, l’écart continue de se creuser entre le gouvernement pakistanais désormais engagé inconditionnellement dans le soutien de l’action américaine et une grande partie de la population musulmane restée solidaire du peuple afghan, quelquefois animée d’une idéologie très proche du régime taliban et exprimant son opposition dans des manifestations souvent très violentes. De leur côté, les catholiques, extrêmement minoritaires, pris entre deux feux, ont cependant choisi d’assumer le rôle d’intermédiaires et de travailler pour l’harmonie et la concorde sociale. Des institutions destinées à mettre en œuvre cet idéal ont été mis en place par eux, tel le Comité pour la paix nationale et l’harmonie sociale, créé dès le 24 septembre à Lahore (1), et qui, depuis, a étendu ses activités à une bonne partie du territoire. De nombreuses autres initiatives visant au dialogue social ont été prises.

Cependant cette position est souvent ardue à tenir et il arrive de plus en plus que certaines déclarations de responsables catholiques privilégient la solidarité avec la majorité musulmane de la population. C’est ainsi que Mgr Joseph Coutts, parlant à des catholiques et des musulmans une semaine après le commencement des bombardements américains, a accusé les Etats-Unis de se servir des attentats du 11 septembre comme prétexte à une intervention militaire dans la région. “Il pas prudent pour les Etats-Unis, a-t-il dit, le monde entier dans le seul but une seule personne”.

Une position semblable s’est dégagée d’un carrefour, tenu le 18 octobre à Karachi, qui rassemblait des représentants de onze organisations, parmi lesquelles se trouvaient une commission œcuménique Justice et paix’ ainsi qu’une section locale International. Les participants se sont dit consternés par les effets désastreux de la guerre sur le peuple afghan et ont appelé à l’arrêt immédiat des hostilités. Ils ont attribué à l’action militaire américaine contre le pays voisin la violence qui s’installe de plus en plus dans les rues des grandes villes pakistanaises.

Moins orienté a été le communiqué, paru le 20 octobre suivant et signé de représentants de l’Eglise catholique, de l’Eglise protestante du Pakistan, de l’Armée du salut et du Conseil national des Eglises (protestantes). Après avoir souligné l’unanimité de tous les dirigeants chrétiens dans la condamnation des terribles attentats terroristes du 11 septembre dernier, le communiqué déclarait que le rôle essentiel des disciples du Christ était de créer la paix et la réconciliation. Il appelait les Etats-Unis d’Amérique à user de modération dans leurs opérations militaires et d’éviter de porter atteinte à la vie et aux biens des civils innocents. En même temps, il invitait les chrétiens à se porter au secours des réfugiés afghans établis le long de la frontière du Pakistan. Le même communiqué assurait le soutien des chrétiens au chef de l’Etat, le général Pervez Musharraf, un soutien qui cependant n’était pas sans condition, puisque les dirigeants chrétiens déclaraient se tenir près de lui dans sa lutte contre les causes qui avaient engendré le terrorisme, à savoir l’extrême frustration, l’ignorance, l’injustice, empêchant l’accession des pauvres et des défavorisés à l’égalité des droits et au bien-être.

Les conclusions d’une réunion de la Commission épiscopale catholique pour le dialogue interreligieux, tenue à Multan le 15 octobre, avaient été, elles, plus tournées vers le dialogue avec les musulmans. Elles mentionnaient en premier l’appréhension des chrétiens devant les violentes émeutes, souvent dirigées contre les minorités chrétiennes, hindoues et autres. Pour la majorité des musulmans, a dit un des participants, les Etats-Unis, une nation chrétienne, ont attaqué le monde musulman. La tâche des chrétiens, selon la commission, devrait consister non pas à jeter de l’huile sur le feu, mais à désarmer, par le dialogue et la tolérance, les forces agressives actuellement en œuvre.