Eglises d'Asie

Selon certains observateurs de l’Eglise en Chine, les autorités chinoises ne sont pas prêtes à fournir une réponse à la hauteur de la demande de pardon offerte par le pape Jean-Paul II

Publié le 18/03/2010




Selon certains spécialistes des questions relatives à l’Eglise catholique en Chine, la réponse que les autorités chinoises ont pour le moment donnée à la demande de pardon offerte par le pape Jean-Paul II à l’occasion de son discours pour le 400e anniversaire de l’arrivée du jésuite Matteo Ricci à Pékin (1) témoigne de l’incapacité des dirigeants actuels de la République populaire de Chine à se placer à la hauteur du geste du pape. Dès le 25 octobre, au lendemain du discours de Jean-Paul II, Sun Yuxi, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, tout en déclarant que son gouvernement avait besoin de temps pour examiner le texte, réitérait les conditions exigées par la Chine depuis des années pour la normalisation de ses relations avec le Vatican : rupture des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et Taiwan et non-ingérence du Vatican dans les affaires religieuses intérieures de la Chine. Cinq jours plus tard, le même porte-parole a ajouté à ces deux traditionnelles conditions une remarque supplémentaire. Selon lui, les excuses de Jean-Paul II sont un geste positif mais insuffisant car le pape n’a pas demandé pardon pour les canonisations du 1er octobre dernier (2), ce qui « heurte les sentiments du peuple chinois ». Interrogé sur le fait de savoir si la Chine demandait des excuses pour ces canonisations et en faisait une troisième condition à la normalisation de ses relations avec le Saint-Siège, Sun Yuxi s’est contenté de répondre que cette question était devenue un obstacle et que le Vatican « savait pertinemment ce qui devait être fait (pour améliorer les relations) ».

Selon le P. Gianni Criveller, chercheur au Centre d’études du Saint-Esprit à Hongkong et spécialiste de l’Eglise de Chine, les canonisations du 1er octobre 2000 sont devenues le nouveau prétexte qui sert à justifier l’inaction des autorités chinoises face au discours du pape. La demande de pardon de Jean-Paul II, par son humilité, met au défi les autorités chinoises de faire preuve de courage. La question des relations diplomatiques avec Taiwan est un faux problème car, explique-t-il, la Chine a su dérouler le tapis rouge pour le président américain Richard Nixon en 1972, à une date où les Etats-Unis entretenaient encore de pleines et entières relations diplomatiques avec Taiwan. De plus, depuis 1971, la nonciature apostolique à Taipei n’est plus occupée que par un simple chargé d’affaires et les autorités chinoises, poursuit-il, ont été informées il y a déjà de nombreuses années que la nonciature pouvait être transférée sans délai de Taipei à Pékin. Avec les récentes déclarations de Mgr Pittau indiquant que le Saint-Siège était prêt à négocier la question de la nomination des évêques, « la balle est entièrement dans le camp du gouvernement chinois », a-t-il encore ajouté.

Le P. Criveller estime qu’un véritable accord avec le Saint-Siège nécessiterait un changement de mentalité à Pékin qui se traduirait par des changements dans la gestion des affaires religieuses, tels que l’abolition ou la réduction drastique des structures de contrôle comme l’Association patriotique des catholiques chinois et l’Administration d’Etat des Affaires religieuses (ex-Bureau des Affaires religieuses). Toute la question est de savoir si les autorités chinoises sont prêtes pour un accord global et historique à un moment où une bonne partie des dirigeants chinois ont d’autres priorités, ne comprennent pas ou n’apprécient pas l’Eglise catholique et préfèrent par conséquent la maintenir à distance, conclue le P. Criveller.

Un autre spécialiste des questions de l’Eglise en Chine, qui a demandé à conserver l’anonymat, estime quant à lui que le gouvernement chinois a fini par réaliser que, bien que l’Eglise catholique ne représente finalement que peu de choses en Chine, il n’a pas réussi à la contrôler, aussi bien sa partie « officielle » que sa partie « clandestine ». Dans ce contexte, les canonisations sont utilisées comme un prétexte pour empêcher toute amélioration des relations avec le Vatican car, au sein du Parti communiste, existe un groupe de conservateurs qui ne veut pas de négociations ou de normalisation avec le Saint-Siège. Le fonctionnement du pouvoir chinois restant opaque, nul ne sait le poids exact de cette mouvance conservatrice. Certains observateurs constatent que c’est elle qui a sans doute réussi à faire capoter les contacts qui avaient été établis en 1999 et qui avaient été rompus à la suite des ordinations épiscopales de l’Epiphanie 2000 à Pékin (3). Une fois passé le Congrès du Parti communiste de l’automne 2002, qui devrait voir le vice-président Hu Jintao succéder au président Jiang Zemin à la tête du pays, ces mêmes observateurs estiment qu’une redistribution des cartes est possible entre « conservateurs » et « réformateurs » et que la Chine se montrerait alors peut-être prête à normaliser ses relations avec le Vatican afin d’améliorer son image sur la scène internationale, d’isoler diplomatiquement un peu plus Taiwan et trouver une solution au problème posé par l’existence de l’Eglise « clandestine ».