Eglises d'Asie

LE XINJIANG N’EST PAS L’AFGHANISTAN

Publié le 18/03/2010




“Frapper fort, maintenir élevée la pression”. Par ce slogan, Pékin ne cache rien de la pression exercée sur les musulmans séparatistes ouïgours dans la Région autonome ouïgoure du Xinjiang, située au nord-ouest du pays. Pékin a très rapidement réagi aux attaques du 11 septembre aux Etats-Unis pour justifier la campagne menée à l’encontre des Ouïgours, apparentés ethniquement au monde turque, qui sont opposés à l’emprise de la Chine au Xinjiang. Publiquement et de manière répétée, les autorités chinoises ont associé ces Ouïgours au terrorisme international et au mouvement de Ben Laden, Al Qaida. En même temps que Pékin apportait son soutien à la guerre américaine contre le terrorisme, la Chine soulignait à l’envie la nécessité de combattre tous les “terroristes”, y compris les Ouïgours, et montait sa propre opération Frapper fort au Xinjiang.

Les organisations de défense des droits de l’homme affirment que le problème des séparatistes du Xinjiang n’a pas grand chose à voir avec le terrorisme international, et est largement la conséquence de tensions ethniques et économiques entre les Han et les Ouïgours. Ces organisations et les militants ouïgours accusent Pékin d’utiliser la campagne américaine en Afghanistan comme prétexte pour écraser le sentiment séparatiste dans cette région. Ce sont les pressions de Pékin au Xinjiang, et non le terrorisme étranger, qui font croître le sentiment séparatiste des Ouïgours et la recherche d’identité islamique, expliquent-ils.

Depuis le début des frappes américaines en Afghanistan, les appels du président américain George W. Bush et du Haut Commissaire des Nations Unies pour la défense des droits de l’homme, à l’égard de Pékin et relatifs à la protection et des droits des minorités, sont ignorés. “Il y a une intensification des violations des droits de l’homme (au Xinjiang) et une répression des séparatistes depuis le 11 septembre”, relevait la porte-parole International à Londres.

Le calcul du gouvernement est qu’en faisant passer les Ouïgours favorables à l’indépendance pour des terroristes islamistes, cela lui permettrait de faire passer au second plan les critiques des pays occidentaux relatives à la situation des droits de l’homme dans cette région, le Xinjiang ou Turkestan oriental ainsi que les groupes indépendantistes l’appellent. A la décharge de Pékin, certains analystes disent que la Chine craint réellement de faire face à des attaques similaires à celles du 11 septembre. “J’ai rencontré des spécialistes chinois de stratégie à ce sujet. Aucun ne pense que les Ouïgours sont capables de déstabiliser la Chine mais ils craignent sincèrement qu’ils soient à même d’organiser des attaques semblables à celles du 11 septembre”, rapporte Dru Gladney, spécialiste de l’Asie et professeur à l’Université de Hawaï.

Mais les représailles lancées par les Etats-Unis étant loin d’avoir produit toutes leurs conséquences, les risques que Pékin a pris ne sont pas minces. Tout d’abord, et comme toujours, une pression accrue sur le Xinjiang pourrait lui aliéner encore davantage les Ouïgours. Ensuite, la décision de Pékin d’attirer l’attention internationale sur la situation du Xinjiang pourrait se retourner contre la Chine et réveiller les esprits dans certains pays musulmans qui se prendraient de sympathie pour la cause des Ouïgours. Enfin, si l’Afghanistan venait à perdre son rôle d’exportateur de subversion, les intérêts communs en matière de sécurité qui commencent tout juste à lier la Chine à ses voisins situés sur sa frontière occidentale pourraient bien disparaître.

Pékin a beaucoup travailler à renforcer son arsenal anti-soulèvement cette année en mettant sur pied l’Organisation de coopération de Shanghai, organe qui réunit la Chine, la Russie et quatre pays d’Asie centrale. Ces six pays se sont garanti un soutien et une coopération mutuels contre les guérillas ethniques et religieuses. Si ce problème devait se dissiper avec une victoire américaine, Pékin pourrait bien se retrouver avec un problème d’insurrection domestique qui ne disparaîtra pas de sitôt du fait que les séparatistes ouïgours n’ont jamais réellement dépendu de l’étranger pour mener leur combat.

Le 14 novembre a eu lieu la plus importante intervention d’un officiel chinois, accordée aux médias étrangers, au sujet du séparatisme ouïgour. Le porte-parole du ministre des Affaires étrangères, Zhu Bangzao, a dressé la liste à cette occasion de dix organisations basées en Afghanistan, en Asie Centrale ou au Xinjiang, qu’il accuse de combattre la souveraineté de la Chine dans cette région. “La Chine essaie maintenant de présenter les Ouïgours comme désireux d’édifier un Etat islamique, mais notre objectif est en fait de mettre en place un gouvernement démocratique laïque”, a déclaré un porte-parole basé aux Etats-Unis du Centre d’information pour le Turkestan oriental. Les organisations de défense des droits de l’homme affirment également que la vaste majorité des Ouïgours opposés à la Chine, et qui veulent l’indépendance, ne sont pas favorables à un Etat construit sur une base religieuse.

A long terme, estiment des militants des droits de l’homme, le danger existe que, en recourant à la force et en agitant le spec-tre d’extrémistes islamistes étrangers apportant la terreur en Chine, les autorités chinoises puissent finir par réellement faire face au problème qu’elles cherchent si obstinément à écarter.