Eglises d'Asie

Selon le Quotidien du Peuple, un « Bouddha vivant », moine tibétain de la secte des « Bonnets jau-nes », mort le 21 novembre 2001 à Pékin, a vécu, toute sa vie durant, en « inébranlable patriote »

Publié le 18/03/2010




Agé de 67 ans, Cheoshi Lobsang Palten Lunrik Gyatso, un des quelque 1 000 « Bouddhas vivants » de Chine, s’est éteint le 21 novembre dernier dans un hôpital de Pékin. Le Quotidien du Peuple, qui rapporte la nouvelle, n’a pas révélé les causes de sa mort, précisant seulement que le moine tibétain, membre de la secte des « Bonnets jaunes », souffrait d’une grave maladie. Vice-président de l’officielle Association des bouddhistes chinois, Cheoshi, qui résidait habituellement au monastère de Kumbum, dans la province du Qinghai, a été qualifié par le quotidien chinois d' »inébranlable patriote » qui, « tout au long de sa vie », a « préservé l’unité de la mère patrie » et s’est « résolument opposé à ceux qui cherchent à diviser la nation » (1).

A certains égards, la vie de Cheoshi est révélatrice des ingérences que les autorités chinoises communistes n’ont cessé depuis 1949 d’exercer sur le bouddhisme tibétain. Sa vie est inséparable de l’histoire de Kumbum, monastère dont la fondation remonte à 1560 et qui est un des six principaux monastères de la secte des « Bonnets jaunes ». Le Dalai-Lama, qui vit en exil en Inde depuis sa fuite de Chine en 1959, a vécu dans ce monastère alors qu’il était enfant. Cheoshi, pour sa part, fut désigné « Bouddha vivant » à l’âge de deux ans par la neuvième réincarnation du Panchen Lama, seconde plus haute personnalité du bouddhisme tibétain.

En 1958, l’armée chinoise procéda à la fermeture du monastère et à l’arrestation de 500 moines. Lors de la Révolution culturelle (1966-1976), les Gardes rouges y saccagèrent ou brûlèrent écritures saintes et objets de culte. A partir des années 1980, au fur et à mesure que la situation s’améliorait, Kumbum a retrouvé une certaine activité, Cheoshi étant placé à la tête du comité, sanctionné par les autorités, chargé d’administrer l’édifice. Avant l’arrivée des communistes au pouvoir à Pékin, 3 000 moines vivaient à Kumbum. Il ne sont plus que 600 environ aujourd’hui. En 1998, le monastère connut une grave crise avec la fuite aux Etats-Unis de son abbé, Arjia Rimpoche, qui justifia son départ par les pressions croissantes exercées sur lui par les autorités chinoises « pour compromettre ses croyances religieuses » (2). Depuis cette date, des moines de Kumdum ont rapporté que la surveillance des autorités s’est encore accrue et qu’il y règne un climat de peur.

Le 24 novembre, jour où est paru l’article du Quotiden du Peuple rapportant la nouvelle du décès, il n’avait pas encore été décidé quelle forme prendraient les funérailles de Cheoshi : crémation du corps comme il est désormais d’usage en République populaire de Chine ou « funérailles célestes » selon la tradition tibétaine où des vautours viennent déchiqueter le corps du défunt afin de faciliter la migration de son âme. « Les autres Bouddhas vivants [de Kumbum (au nombre de dix)] pratiquent les divinations rituelles et chantent les soutras pour déterminer la meilleure façon de faire », a précisé un moine du monastère, situé au pied de la Montagne du Lotus, à proximité de la ville de Xining. Selon la tradition, il faudra attendre encore trois ou quatre ans avant que le successeur du « Bouddha vivant » Cheoshi soit choisi parmi les enfants vivant aux alentours de Kumbum.