Eglises d'Asie

Des tests obligatoires de dépistage du sida pour les candidats musulmans au mariage posent le problème de l’éducation sexuelle dans les écoles

Publié le 18/03/2010




Une polémique provoquée par une fatwa (décret religieux des docteurs de la loi musulmans) demandant aux futurs mariés de religion musulmane de se soumettre à des tests de dépistage du sida a déclenché une controverse au sujet de l’épineuse question de l’éducation sexuelle à l’école. Depuis plusieurs années, le gouvernement étudiait différents plans visant à introduire l’éducation sexuelle à l’école, une question largement taboue dans ce pays à majorité musulmane. Une proposition du gouvernement de l’Etat de Johor, datée du 13 novembre et rendant obligatoire un examen pré-marital pour les musulmans, a mis en lumière la nécessité d’informer la société sur le danger des maladies sexuellement transmissibles en particulier et sur l’éducation sexuelle de façon générale.

La fatwa de Johor ordonne aux futurs couples musulmans de se plier aux tests de dépistage du sida pour éviter la transmission du virus à leurs enfants. Les couples doivent se faire tester dans un hôpital d’Etat trois mois avant leur mariage. Si l’un d’eux est déclaré positif, ils ne pourront se marier que si l’autre conjoint est consentant. Face à l’accroissement du nombre des malades du sida dans le pays, plusieurs autres Etats de la Fédération ont indiqué vouloir suivre l’exemple de Johor. Mais différents militants et des experts des questions de santé se sont élevés pour dire que la généralisation des tests obligatoires ne ferait que retarder la bataille contre le sida et que l’éducation était la meilleure des préventions.

Ivy Josiah, secrétaire générale de l’Organisation d’aide aux femmes, explique que l’éducation sexuelle n’a pas jusqu’à ce jour été introduite dans les écoles parce que considérée “culturellement incorrecte”. “La volonté politique n’existe pas parce que les responsables croient que parler d’éducation sexuelle revient à parler de comment avoir des relations sexuelles”, explique-t-elle. Josiah demande au gouvernement de ne pas se montrer “ombrageux et affecté” sur cette question de l’éducation sexuelle. Elle lui fait remarquer que les Malaisiens sont parmi les plus grands consommateur de Viagra et que les abandons d’enfants et le nombre des mères célibataires sont en constante progression. “Les gens trouvent leurs informations dans les revues et les vidéos pornographiques. Nous devons apprendre à nos jeunes à connaître leur corps et à ne pas faire du sexe quelque chose d’encore plus insaisissable ou plus séduisant qu’il n’est. Il est temps que nos responsables politiques changent d’attitude et abandonnent leurs préjugés”, affirme-t-elle.

Christopher Lee, directeur du Centre médico-social des maladies infectieuses de l’hôpital gouvernemental de Kuala Lumpur, lui fait écho. Selon Lee, le ministère de la Santé en 1992 avait produit et distribué des films vidéo destinés à sensibiliser à la menace du sida dans les lycées mais qu’ils avaient très peu été utilisés parce que “les professeurs eux-mêmes jugeaient que parler du sida était tabou”. Il dit aussi que le gouvernement, il y a quelques années déjà, avait mis sur pied des clubs de formation dans les écoles pour prévenir les adolescents du danger du sida mais que cela n’avait pas été une réussite. Dans son centre médico-social, le docteur Lee soigne quelque 2 000 malade du sida dont 60 % ont été infectés lors de rapports sexuels, les 40 % restant l’ayant été par des seringues contaminées du fait de la consommation de drogue. La plupart ont une vingtaine d’années. La plus jeune est une étudiante de 16 ans et le plus vieux, âgé de 74 ans, marche avec une canne et consomme régulièrement du Viagra. Tout ceci n’est que la partie émergente de l’iceberg, dit-il.

En avril dernier, la Malaisie comptait officiellement 40 049 séropositifs et environ 5 000 nouveaux cas sont détectés chaque année. Le gouvernement dépense 5,8 millions de dollars US par an pour la prévention. Mehrun Siraj, juriste de confession musulmane, affirme que ni la religion ni la culture ne sont des barrières à l’éducation sexuelle à l’école puisque l’islam le demande. Elle révèle que le gouvernement avait jadis retardé sa décision par crainte des représailles des autorités religieuses. Celles-ci ont fini par donner leur accord. Pourtant, les autorités s’inquiètent toujours non seulement du contenu de la matière enseignée mais du titre à lui donner. “L’éducation sexuelle est extrêmement importante dans l’islam. Le gouvernement devrait l’introduire dans le programme des matières à étudier dès l’école primaire”, confie-t-elle, ajoutant que le titre pourrait être : “Connaissance de la vie”.