Eglises d'Asie

Les dirigeants chinois s’apprêteraient à reconnaître aux religions un plus grand rôle social tout en réaffirmant la nécessité d’exercer un strict contrôle sur elles

Publié le 18/03/2010




Les sept membres du Bureau politique du Parti communiste chinois, les plus hauts dirigeants du pays, se sont réunis entre les 10 et 13 décembre derniers à Pékin pour débattre de la question de la place et du rôle des religions dans la société chinoise actuelle. Aucun texte ou document n’a encore été publié à l’issue de cette réunion mais la presse chinoise a largement rendu compte de cet événement et les grandes lignes de la position du président Jiang Zemin peuvent en être déduites. Le président chinois a poursuivi l’élaboration de la vision du Parti qu’il a tracée en juillet dernier à l’occasion du 80e anniversaire du Parti communiste chinois. En juillet, il avait ouvert la porte du Parti aux entrepreneurs privés. Cette fois-ci, il n’a pas ouvert la porte du Parti aux croyants – l’appartenance au Parti est toujours synonyme d’athéisme – mais il a réaffirmé la nécessité vitale pour le Parti de contrôler toutes les organisations religieuses existant en Chine. Pour cela, il est indispensable que ces dernières soient enregistrées, que ce soit auprès des Associations patriotiques ou bien directement auprès des administrations de l’Etat, quitte à ce que leur utilité sociale soit reconnue, mais tous les éléments qui refuseront cet enregistrement seront pourchassés du fait des risques qu’ils présentent pour la “stabilité sociale”, synonyme du maintien au pouvoir du Parti communiste en République populaire de Chine.

Sur le fond, les observateurs s’accordent à dire que l’orientation donnée par les dirigeants chinois à la politique religieuse de la Chine ne varie pas de celle fixée il y a presque vingt ans par le “Document 19”, publié le 31 mars 1982 (1). L’idée sous-jacente – et qui n’est pas propre aux communistes chinois mais qui est inspirée par certaines théories confucéennes – est que les religions sont tolérées du fait de leur utilité sociale (et Jiang Zemin a souligné à Pékin en décembre le rôle dans la société des “grandes masses de croyants Ce qui n’est pas toléré est que les religions puissent se développer de manière autonome au sein de la société. Pour les communistes chinois, cette idée se traduit par le nécessaire enregistrement des croyants et des organisations religieuses auprès des administrations ad hoc. Le refus de cet enregistrement rejette les mouvements tels que le Falungong mais aussi les Eglises chrétiennes dans la catégorie des “sectes maléfiques” parce qu’opposés à la “stabilité sociale”.

La nouveauté apportée par les propos tenus à Pékin en décembre dernier, si elle est confirmée à l’avenir dans des discours à destination des cadres du Parti, est que l’enregistrement des croyants et des organisations religieuses ne paraît plus devoir être l’apanage des seules Associations patriotiques, ces mouvements mis en place par le régime communiste chinois pour servir de relais des volontés du Parti sur les religions. Cet enregistrement pourrait être fait, comme cela semble déjà être le cas dans certaines provinces du pays, directement auprès de l’administration de l’Etat. La volonté des dirigeants chinois semble ici d’offrir la possibilité aux mouvements religieux d'”échapper” aux Associations patriotiques tout en donnant au Parti un moyen de contrôle sur eux.

Selon le journaliste David Murphy de la Far Eastern Economic Review (2), les conséquences de cette nouvelle politique pour les Eglises protestantes seraient importantes. Jusqu’ici “fondues” dans le Mouvement des Trois autonomies, les différentes dénominations protestantes de Chine ont perdu leur personnalité propre. S’il leur était possible de s’enregistrer directement auprès de l’administration, elles auraient la perspective de le faire en leur nom propre et donc de recouvrer leur personnalité. Pour les catholiques, l’enregistrement direct auprès de l’administration, sans passer par l’Association patriotique, permettrait à certains des “clandestins”, très hostiles à l’idée de toute compromission avec l’Association patriotique, de gagner un statut légal. Pour certains observateurs, cette perspective permettrait petit à petit de vider de son sens et de son contenu cette Association, perçue comme étant un des obstacles à la normalisation des relations entre le Saint-Siège et Pékin. Mais, pour d’autres observateurs, pareille “marginalisation” progressive de l’Association patriotique est improbable et ne suffira pas à réduire les divisions qui existent au sein de l’Eglise catholique en Chine. En revanche, quelles que soient les formes que prenne l’enregistrement des croyants et des structures religieuses auprès de l’administration, l’objectif du Parti demeure : le contrôle de ceux qui sont enregistrés et la répression de ceux qui refusent l’enregistrement, quelle que soit sa forme.