Eglises d'Asie

Au milieu de mille difficultés, les paysans catholiques d’un village tibétain ont gardé leur foi intacte

Publié le 18/03/2010




Dans les montagnes du sud-ouest de la Chine, quelques centaines de Tibétains d’un village lointain, isolé des tur-bulences du monde extérieur, ont su garder intacte la foi reçue de leurs ancêtres. Cette communauté vit à Yanjing, village entouré de hautes montagnes, séparées par d’importants torrents, à l’extrémité sud-est de la Région autonome du Xizang, nom officiel du Tibet en Chine ; le village est tout proche de la frontière avec les provinces du Yunnan et du Sichuan. La plupart des habitants de cette région sont bouddhistes et c’est pourtant dans ce village isolé que la semence de la foi apportée par des missionnaires il y a 150 ans a germé et fleuri. Aujourd’hui, malgré les difficultés et les vicissitudes de l’histoire, le tiers des 800 habitants de Yanjing est catholique (1).

Après plusieurs années de travail, au milieu du XIXe siècle, deux prêtres de la Société des Missions Etrangères de Paris purent établir dans ce village la première présence catholique (2). Ils furent remplacés plus tard par des missionnaires suisses, les Chanoines du Grand Saint Bernard. Ils bâtirent une église à Yanjing en 1856, la première et unique église de tout le Tibet. Par la suite, c’est tout le village qui se convertit au catholicisme. Au-jourd’hui, deux religieuses âgées, Sœur Anne, 78 ans, et Sœur Thérèse, 74 ans, résident près de l’église et témoi-gnent de l’histoire de cette communauté. La famille de Sœur Anne est catholique depuis trois générations et elle se souvient être entrée à l’école à l’âge de 14 ans, une école tenue par des religieuses. Sœur Thérèse, également issue d’une famille catholique, fut baptisée enfant et, raconte-t-elle : « Je suis entrée au couvent quand j’avais 11 ans. Le prêtre et les gens du village m’aimaient bien. Je voulais être religieuse parce que je croyais en Dieu ».

Aujourd’hui, la communauté catholique tibétaine de Yanjing et les 4 000 catholiques tibétains de la région sont desservis par le P. Laurence Lu Rendi, l’unique prêtre au Tibet et le seul prêtre tibétain de toute la Chine. Le P. Lu est né à Yanjing. Il y est retourné après son ordination, en 1996, à la fin de ses études au séminaire national de Pékin. Le P. Lu, dont la famille est catholique depuis quatre générations, se souvient : « Ma mère était une fervente catholique et mon grand-père était le bras doit de notre curé. C’est pourquoi j’ai voulu être prêtre depuis tout petit ». Mais si, à la faveur des réformes entreprises en Chine depuis le début des années 1980, la communauté catholique a pu se montrer à nouveau au grand jour, il n’en a pas toujours été ainsi. En 1949, l’année de la prise du pouvoir par les communistes, le dernier missionnaire étranger est mort au village. Après cette date, aucun prêtre n’a pris son relais. L’église de Yanjing fut ensuite confisquée, convertie en école et détruite en 1970 lors de la Révolution culturelle. Les activités paroissiales purent reprendre en 1982, mais c’est dans leurs maisons que les catholiques se réunissaient pour prier. Chaque année ou même tous les deux ans, un prêtre âgé et parlant tibétain venait leur rendre visite depuis le Yunnan. Finalement, les autorités locales ont fini par rendre le terrain de l’ancienne église et les catholiques ont été autorisés à rebâtir leur église en 1986, de leurs seules forces et sans autre argent que le leur.

Aujourd’hui, la seule chose qui différencie cette paroisse des autres paroisses chinoises, ce sont les évangéliaires et les livres des cantiques ; la plupart ont été traduits du latin en langue tibétaine par les premiers missionnaires et imprimés hors de Chine. Les premières publications datent de la fin du XIXe siècle et ont été imprimées à Hongkong. Yanjing compte maintenant 120 familles, la plupart paysannes. Au fil des ans, le village a changé et ne comporte pas que des catholiques. Un tiers de ses habitants est bouddhiste et les mariages mixtes ne sont pas rares. Les sept enfants de M. Niu, un bouddhiste âgé de 65 ans, sont catholiques parce qu’ils ont voulu suivre la religion de leur mère. « J’ai toujours dit à mes enfants qu’ils étaient libres de choisir le bouddhisme ou le catholicisme, a-t-il confié. En fait, c’est bien d’être catholique. Ils prient et aident les pauvres ».