Eglises d'Asie

FAIRE AVANCER LE POINT DE VUE MARXISTE SUR LA RELIGION AVEC LE TEMPS

Publié le 18/03/2010




Marx a déclaré : « La religion est l’opium du peuple ». En expliquant cette phrase, Lénine y a ajouté le mot « anesthésie ». Cette phrase est conclue ainsi : « Le marxisme sur la question religieuse – pierre de fondation de toute la conception du monde ». Aux yeux de Marx, la religion est le produit de l’existence et du développement de la société humaine. Elle est une vision du monde spontanée et naturelle. Elle est raisonnable dans un sens historique. Elle n’est pas complètement négative ni forcément réactionnaire et ignorante, et encore moins une force nécessairement aliénante de la société socialiste. Cependant, après avoir saisi le pouvoir politique, nous n’avons pas tenu compte des interprétations diverses données par Lénine en fonction des différentes étapes de l’histoire. Nous nous sommes appuyés constamment sur cette notion d' »opium » comme critère de connaissance de la religion de sorte que la politique religieuse de l’Etat s’en est trouvée altérée et nous en payons aujourd’hui le prix.

La religion n’est pas un produit de la lutte des classes. Elle n’est pas non plus le monopole d’une société fondée sur le système de la propriété privée. Par rapport à tous les systèmes socio-politiques, la religion ne se définit ni comme féodale, ni comme capitaliste, ni comme socialiste.

L’athéisme est une exigence de pureté doctrinale pour un membre du Parti communiste. Il n’est pas exigé du grand public. Quant au combat entre le matérialisme et l’idéalisme, c’est une question philosophique aux yeux des gens ordinaires. Pour eux, ce n’est pas une question politique.

1. La religion est-elle un « opium » ?

N’importe quel gouvernement doit affronter des religions. Dans le monde, il y a beaucoup de choses qui sont liées à la religion. Dans le but d’achever vraiment le passage d’un parti de la révolution à un parti au pouvoir, nous devons nous forger une nouvelle forme de conscience gouvernementale pour réexaminer le rôle de la religion Nous devons résoudre de façon rationnelle les questions politico-religieuses urgentes. Nous devons faire une enquête scientifique rationnelle d’un point de vue moderne sur les relations du politique et du religieux. C’est pourquoi, dans un contexte de développement accéléré, la conception marxiste de la religion doit être prioritairement mise à jour.

La religion relève du domaine de la foi. Elle répond à la question fondamentale sur la vie, question à laquelle l’homme ne peut pas donner des réponses par la seule raison. Elle se différencie de la science. La science étudie le monde des faits, tandis que la religion étudie le monde du sens. Elle n’est pas identique à la philosophie non plus. La façon dont la philosophie explique le sens du monde est une logique rationnelle. La religion l’explique d’une façon supra-logique. En un mot, la religion existe en ce que l’homme n’arrive pas à penser ou à accomplir par sa propre force.

Dans son livre Introduction à la critique de la philosophie de Hegel, Marx a démontré que « la religion est le soupir de l’âme opprimée. Elle est l’affection du monde privé de sentiment. Comme elle est l’esprit du système sans esprit, elle est l’opium du peuple ». Sous cette forme rhétorique, Marx montre que la religion joue le rôle social important de « réconfort du peuple dans ses souffrances ». Dans le sens originel de Marx, cette fonction n’est jugée ni positive ni négative. D’ailleurs, cette évocation rhétorique ne peut pas faire la base d’un jugement substantiel. Pourtant, quand Lénine explique cette phrase, il y ajoute de son propre chef le mot « anesthésie ». La phrase devient ainsi l’expression bien connue : « La religion est l’opium qui anesthésie le peuple. » Ainsi, « le besoin que les peuples ont de la religion » devient « la classe au pouvoir profite de la religion pour anesthésier le peuple ». Le sujet a été tronqué, le sens de la phrase a été totalement changé. Ce qui est plus malheureux, c’est que Lénine prend la phrase « la religion est l’opium du peuple » pour en déduire que « l’explication marxiste de la question religieuse est la pierre de fondation de toute la vision du monde». (cf. article « Traité sur l’attitude du parti ouvrier pour la religion »). Ainsi, une autre conclusion est tirée d’ici : « Le marxisme considère toujours que toutes les religions et Eglises, toutes sortes de communautés religieuses modernes, sont les organismes que les réactionnaires de la classe bourgeoise utilisent pour opprimer et pour anesthésier la classe ouvrière. Nous devons lutter contre la religion. C’est la règle fondamentale du marxisme. » (cf. Recueil complet des ouvres de Lénine, vol. 17). Depuis, la phrase « La religion est l’opium que la classe capitaliste (la classe au pouvoir) utilise pour anesthésier le peuple » est devenue l’explication standard de la conception marxiste de la religion. Elle est aussi devenue la référence de base sur laquelle nous formulons la politique religieuse. La religion est regardée comme un « poison », un déchet de la société ancienne, une bizarrerie qui ne s’accorde pas du tout avec tout ce qui est avancé – la classe, le parti au pouvoir et le système. Elle est considérée comme une idéologie en contradiction avec le marxisme.

Nous devons faire attention au contexte culturel et historique. En Europe, à l’époque de Marx, les gens ne regardaient pas l’opium comme nous le regardons en Chine après la guerre de l’opium. Dans son article « Débats du sixième colloque du parlement de la province de Rhin (1er traité) », Marx désigne « la religion, théorie de l’Autre Rive du monde ». Dans un autre article « Editorial du Quotidien de Cologne n°179 », il écrit aussi « la religion, sagesse de la vie à venir». En ce qui concerne la substance de la religion, Marx considère que « l’Etat et la société engendrent la religion. Ils renversent la conception du monde, parce qu’ils sont eux-mêmes le monde renversé ». « Les souffrances dans les religions sont les manifestations des souffrances du monde réel. Elles sont aussi la dénonciation des souffrances du monde réel. » Engels démontre davantage dans son Anti-Dühring que « toutes les religions ne sont qu’un reflet illusoire dans la tête des hommes. Elles sont la force extérieure qui soutient la vie quotidienne des hommes. Dans ce reflet, la force du monde humain prend la forme du monde surnaturel. » Aux yeux de Marx, la religion est le produit de l’existence et du développement de la société humaine. Elle est une conception spontanée et naturelle. Elle est raisonnable dans un sens historique. Elle n’est pas complètement négative ni forcément réactionnaire et ignorante, et encore moins une force nécessairement aliénante de la société socialiste. Marx et Engels considèrent que « la construction économique et sociale de chaque époque construit la base de la réalité. La loi, les organisations politiques, les points de vues religieux et philosophiques de chaque époque construisent la superstructure. » Ceci dit, la religion est l’une des parties de la construction de la superstructure. C’est nécessaire pour nous de comprendre le sens originel de Marx : une fois que le prolétariat a pris le pouvoir, il ne doit pas regarder la religion comme une ennemie. Au contraire, il doit prendre la religion comme un miroir où trouver l’aspect qu’il s’efforcera d’améliorer.

En outre, nous devons comprendre davantage que les positions de Lénine sur la religion se présentent en étapes successives. Quand la Révolution d’octobre se produisit, l’Eglise orthodoxe, alliée à la force réactionnaire, s’opposait vivement à la révolution. La description de la religion par Lénine est marquée par le vif de la situation. A la suite du succès, l’opinion de Lénine comporta de nouveaux éléments. Il requiert : « Ne pas proclamer dans notre propre programme du Parti que nous sommes athées » ; « Ne pas interdire aux chrétiens et aux croyants de joindre notre Parti. ». Il va jusqu’à donner cet exemple : « S’il y a des prêtres qui veulent venir vers nous pour travailler ensemble à la politique, qu’ils appliquent sincèrement les demandes du parti, qu’ils ne s’opposent pas au programme du parti, nous pouvons les accepter pour qu’ils joignent le parti de la démocratie socialiste. » ; « La racine moderne de la religion est la peur de ne pas pouvoir saisir le capital de façon assurée »,. quels que soient les livres éclairants, aucun ne peut forcer ces gens à ne pas croire. On voit ainsi que la pensée de Lénine sur la religion s’est modifiée en fonction des avancées concrètes de la lutte révolutionnaire. Ce n’est pas sur la base d’une conception rigide de la lutte révolutionnaire qu’il attribue à la religion un sens négatif mais c’est au gré des étapes formelles de la lutte que sa pensée progresse. On peut penser que si Lénine avait vécu plus longtemps et avait expérimenté le processus complet du passage d’un parti révolutionnaire à un parti détenteur du pouvoir, il aurait certainement produit une vision nouvelle et plus complète de la religion. Quant à nous qui avons saisi le pouvoir, nous ne pouvons nous appuyer sur Lénine et ses interprétations liées à des étapes historiques différentes pour maintenir sa théorie de l’opium comme critère de notre connaissance de la religion au point de causer les distorsions de notre politique religieuse, sauf à vouloir en payer le prix.

2. La fonction de compensation spirituelle est irrempla-çable

Notre conception marxiste de la religion doit retourner sur une voie correcte. Il faut qu’on remplace le concept de l’« opium anesthésiant » de Lénine par la « théorie du reflet » de Marx et Engels. Quant à ce « reflet », il est doté de nécessité et de rationalité. En tant que reflet, les religions ont un caractère illusoire (leur théisme ou leur idéalisme). Mais le contenu de ce reflet comporte des aspects réalistes et spirituels (leur contenu social et leur idéalisme culturel). Nous y trouvons la lutte contre la souffrance du monde réel, la poursuite de la vérité, de la bonté et de la beauté. La religion réconforte l’âme de l’homme. Elle offre le courage à l’homme. Elle est une grande compensation spirituelle aux déficiences de la vie réelle. Aucune société ne peut éviter ces déficiences de la vie réelle. La fonction de compensation religieuse n’a pas trouvé de remplacement jusqu’à nos jours. La religion n’est pas le produit de la lutte des classes. Elle n’est pas non plus le monopole d’une société de propriété privée. Par rapport à tous les systèmes socio-politiques, la religion ne se définit ni comme féodale, ni comme capitaliste, ni comme socialiste. Et pourtant la religion peut être qualifiée de ces termes dans le cadre d’un système féodal, capitaliste, voire socialiste. Elle ne prospère ni ne meurt à cause de la prospérité ou de la mort d’un système social. C’est pourquoi elle s’étend de l’antiquité jusqu’à nos jours. C’est exactement à cause de sa propre continuité, de son indépendance et de sa capacité de transformation qu’elle crée la possibilité de s’accorder avec la société socialiste.

En 1993, au cours de la réunion de travail de la direction nationale du Front uni, le secrétaire général Jiang Zemin a fait une déclaration sur le sujet : « orienter diligemment les religions vers leur accord avec la société socialiste ». Il s’agit précisément de la nécessité de répondre aux besoins créés par le passage du parti révolutionnaire chinois à un parti de pouvoir. En tant qu’administrateurs d’un régime socialiste, il nous faut examiner à nouveau les relations entre religion et société socialiste, déterminer comment religion et société socialiste ont une base commune d’adaptation mutuelle, comprendre comment la qualité d’un marxisme unissant théorie et pratique du développement historique guide notre Parti dans l’étude de la question religieuse. Nous reconnaissons sans doute que religion et société socialiste divergent en nombre de lieux. C’est pourquoi il nous faut guider. Mais guider veut dire réaliser une union limitée avec notre partenaire, ce n’est en aucun cas lutter contre notre partenaire. C’est pourquoi le Parti communiste chinois ne traitera plus la religion de façon passive, mais changera tous les éléments négatifs en éléments positifs. Le discours de Jiang Zemin dépasse la théorie de « l’opium anesthésiant », c’est une nouvelle avancée de la théorie marxiste de la religion répondant à une nouvelle étape de la pratique historique.

Lors de la première époque révolutionnaire, les communistes ont fortement accentué leur pureté métaphysique. Ils ont fait de leur opposition à la foi religieuse la grande affaire visant à soutenir l’esprit de la classe ouvrière. Ils ont dépensé beaucoup d’énergie à montrer que la classe des propriétaires terriens et des bourgeois se servait de la religion pour droguer le peuple. C’était une nécessité de la lutte des classes. Aujourd’hui, le Parti communiste chinois est passé de la subversion à la direction de la société, d’une priorité d’initiative révolutionnaire à un objectif premier de stabilité sociale. C’est pourquoi la conception marxiste de la religion doit s’élargir sur la base de la théorie du reflet, conduire à des études sociologiques fructueuses de la religion et de la culture. Nous découvrirons que la religion est phénomène de culture sociale. Bien que le cour en soit la foi religieuse, elle comporte aussi une foule d’éléments culturels. Outre une fonction politique, elle remplit encore d’autres fonctions. En ce qui concerne le développement social, elle a un rôle négatif et aussi un rôle positif.

Lénine jadis a tranché : « Les avancées du développement économique jetteront rapidement la religion dans les poubelles de l’histoire ». Mais dans le développement accéléré actuel des sciences et de l’économie, la religion n’est pas morte du tout. La raison en est que la religion joue un rôle spécial dans la vie sociale qu’aucune science ou richesse matérielle ne peuvent remplacer. Tous les matérialismes du passé, y compris celui de Marx, dans leur interprétation de la religion, ont utilisé la méthode « structuraliste » d’analyse et ont défini les caractéristiques de la religion à partir de sa genèse. Ils ont déclaré à partir de là que la religion est une aliénation de la connaissance de soi et de la connaissance du monde. Mais pour notre part, nous devrions ouvrir une nouvelle perspective « fonctionnaliste » : partir de la pratique et du rôle social et chercher la vérité dans les faits pour expliquer le phénomène religieux.

3. Fonction particulière de la religion

C’est d’abord une fonction psychologique. La religion obtient l’adhésion des multitudes au cours des âges parce que, comme Marx l’a dit, « la religion est le soupir de l’âme opprimée, c’est le sentiment d’un monde sans cour. » L’homme n’a pas qu’une existence matérielle, il a aussi une existence spirituelle ; il n’est pas qu’un être rationnel, il est aussi un être doté de sentiments. Oppression et peine, bonheur et joie sont tous des réactions subjectives à la réalité. Face à toutes sortes de malheurs et de fardeaux dans la vie humaine, de nombreuses personnes ont besoin d’emprunter la voie de la religion pour trouver le réconfort. Marx a dit : « Le sens religieux de la souffrance est l’expression de la souffrance réelle en même temps qu’une protestation face à cette souffrance. » Parfois, l’athéisme et la science sont impuissants à vaincre la crainte de la mort dans le peuple. La religion, elle, y parvient. Le révolutionnaire peut affronter courageusement la mort pour la tâche communiste, mais le commun des mortels veut croire à la transmigration et à une rétribution. Nous devrions le comprendre. Car la pensée directrice du Parti au pouvoir devrait faire place à une diversité d’intérêts des groupes humains et à la coexistence des croyances religieuses. Aujourd’hui, l’inversion de l’illusion religieuse est riche de contenu. L’autodiscipline et l’intégrité de la religion sont de solides atouts au service du socialisme.

En second, il y a la fonction morale. Dans le cadre d’un recul général de l’idéalisme, à une époque où l’utilitarisme engloutit tout, la religion offre un mode de vie qui préserve une foi morale. C’est ainsi qu’au XVIe siècle, lorsque la civilisation industrielle de l’Occident s’accélérait outre mesure, générant un flot de désir matériel, la morale protestante a su restaurer la civilisation morale de l’Occident. La société ne peut se passer de loi. Encore moins peut-elle se passer de morale. Loi et morale sont comme les deux ailes d’un oiseau. En couper une est impossible. La morale est la base de la loi. Elle est préventive des comportements coupables. La loi est garante de la morale. Elle sanctionne les comportements coupables après coup. L’homme vient d’une évolution de l’animal, comportant une nature sauvage et égoïste. S’appuyer sur les seuls sentiments de la nature est insuffisant pour maîtriser le comportement. Par crainte, l’homme a recours à l’autorité d’un Esprit qui lui impose des limites. C’est la fonction qui a l’impact le plus important sur la vie sociale. Si on lui retire sa doctrine morale, la religion n’est plus qu’une coquille vide. L’esprit d’un peuple est produit par la culture, l’âme de la culture s’incarne dans la morale, le soutien de la morale est la foi religieuse. Un peuple qui n’a pas de foi religieuse ne peut tenir debout dans la forêt des peuples. C’est encore plus le cas de la Chine. Pour générer un accord entre la religion et la société socialiste, il ne faut pas rejeter de façon simpliste l’élément rationnel de la morale religieuse. Nous devrions tout particulièrement respecter la morale religieuse de l’égalité dans la paix, du rejet du mal et de la poursuite du bien, etc. Dans la phase initiale du socialisme, la culture avancée du socialisme doit englober les éléments rationnels représentatifs de courants de pensée différents. La pureté d’une couleur unique est dictature spirituelle, ce n’est pas le socialisme.

La troisième fonction, c’est la fonction culturelle. Dans de nombreux pays, la religion s’identifie à la tradition culturelle. Il n’y a aucune culture s’il n’y a pas de religion. Le christianisme sculpte la civilisation européenne et américaine. Là-bas, les domaines de la littérature, de l’art, de la peinture, de la sculpture, de la musique, du théâtre, de l’éthique et de la philosophie se manifestent sous la forme chrétienne. Il en est également ainsi de la culture chinoise. Pensons aux trois grandes grottes bouddhiques, aux fresques taoïstes du palais de Yongle, et même à de multiples expressions de la langue chinoise : « le monde », « la réalité », « se rendre compte », « éveil », « égalité », « se libérer », « se bercer d’illusions », « incroyable », « urgent comme un feu qui brûle les sourcils », « il suffit de se retourner pour voir le rivage », etc. Ce sont des expressions nées du bouddhisme. La culture religieuse est partie prenante de la tradition culturelle chinoise. Elle fait partie de la culture socialiste chinoise avancée. La culture avancée nous invite à administrer notre pays par la vertu, afin de rétablir notre système de vertu et de croyance. L’idéologie « la religion est culture » dessillera une lutte métaphysique insensée. Elle fera connaître au peuple le riche contenu des religions. Elle fournira la scène sur laquelle les croyants, les chercheurs et les administrateurs pourront travailler ensemble et coopérer. Parce que la religion ne manifeste pas simplement la doctrine divine, elle influence aussi la société par sa philosophie, sa vertu, son art et ses coutumes.

A part les fonctions mentionnées ci-dessus, la religion a d’autres fonctions comme celle du service, de l’apport au bien public, etc. En nos jours où le pays s’améliore et se développe, si le Parti gouvernemental veut que la religion rende service à la société socialiste, qu’elle s’accorde avec cette société, il n’y a pas d’autre façon que de repositionner la religion par rapport à l’athéisme, à la lutte des classes, à la science et aux techniques.

4. Construire une relation scientifique et raisonnable entre politique et religion

Nous ne pouvons plus simplement regarder les fonctions religieuses sous l’angle de l’athéisme. Sinon, les fonctions religieuses seront toujours négatives à nos yeux. La religion est un phénomène social et culturel. Elle nous oriente vers les valeurs. Elle nous fait connaître la vie humaine et le monde. Il ne convient pas de schématiser brutalement un système grandiose constitué par la quintessence des pensées de l’humanité pendant des milliers d’années. Outre l’épistémologie, nous devons employer aussi la sociologie, la psychologie et la science politique pour connaître mieux – entièrement, dynamiquement et réellement – les fonctions sociales de la religion. L’athéisme est une requête de pureté doctrinale pour un membre du Parti communiste. Il n’est pas exigé du public. Quant au combat entre le matérialisme et l’idéalisme, c’est une question philosophique aux yeux des gens ordinaires. Pour eux, ce n’est pas une question politique.

Nous ne pouvons plus regarder la religion comme un outil pour la lutte des classes. La religion n’appartient à aucune classe. Dès qu’elle est produite, la religion se lie intimement avec la lutte des classes. Elle a été utilisée par la classe au pouvoir pour contrôler les pensées, par la classe opprimée comme drapeau sous lequel les foules se sont révoltées. Tout cela est à cause de la grande force cristallisante et provocante de la religion. Le caractère politique de la religion est décidé par celui qui détient le pouvoir.

Nous ne pouvons plus opposer de façon simpliste la religion à la science. La religion relève d’une foi en des valeurs. La science relève d’une logique instrumentaliste. La relation entre la religion et la science est parfois conflictuelle, parfois fécondante l’une de l’autre. Nous affirmons que la science est l’explication correcte de la nature, de la société et du phénomène de la pensée humaine. Nous croyons que l’homme est un animal doué de raison et qu’il s’avance toujours vers le futur. Le caractère illusoire de la religion est dû précisément à l’incapacité temporaire de la science à résoudre toutes les questions posées et à l’insuffisance des réponses aux besoins matériels. Sous cet angle, on voit que la vérité de science et la croyance religieuse sont toutes les deux les produits de la pratique humaine, toutes deux nécessaires pour la vie sociale de l’homme. Dès que l’opposition entre religion et science est mentionnée, on se souvient du fait que l’Eglise catholique a persécuté Copernic et Galilée au Moyen-Age. En fait, la religion a joué aussi un rôle positif en poussant les sciences et les techniques à progresser. En Europe, presque tous les écrits scientifiques du Moyen-Age sont conservés dans les monastères. C’est dans l’Eglise que la science a commencé à germer. Grâce aux statistiques conservées dans les monastères, Copernic a achevé son traité De la révolution des orbes célestes, proclamé une théorie des astres révolutionnaire qui a marqué une nouvelle époque. La théorie de la Mécanique céleste de Kepler et la théorie de du corps humain d’André Vésale (1514-1564) sont toutes deux intimement liées à la croyance religieuse. Einstein et Newton étaient croyants. Ils savaient qu’il n’y a pas Dieu dans la lune. Ils croyaient en Dieu, parce qu’ils prenaient l’éthique religieuse comme repère d’action et comme moteur de leurs recherches. Certes, quand on respecte la science et la religion, on doit bien se garder de ne pas tomber dans deux extrêmes : se passionner pour une « pseudo science», ou sombrer dans un déviationnisme religieux.

Dirigé par une conception marxiste correcte de la religion, notre Parti nouera certainement une relation scientifique et raisonnable avec la religion. Depuis l’époque des Printemps et des Automnes, l’esprit humaniste nous a guidés, le pays a longtemps pratiqué un absolutisme totalitaire de sorte que la relation entre le politique et la religion dans notre pays est différente de celle qui prévaut dans d’autres pays. Sous le slogan « Il n’y a aucune terre sous le ciel qui n’appartienne à l’empereur, aucun pouvoir sur terre qui ne relève de l’administration impériale », la tradition culturelle oblige toutes les religions à se soumettre au pouvoir souverain, à rendre service à ce pouvoir. Le bouddhisme et le taoïsme dans l’histoire chinoise sont contrôlés par le gouvernement. Il en va tout autrement dans l’Europe du Moyen-Age où le pape possède le pouvoir du roi des rois. Dans l’histoire chinoise, il n’y a eu aucun moment où une religion suprême ait contrôlé tout et où religion et politique se soient identifiées – comme ce fut le cas pour le christianisme ou l’islam. Et cela du fait de son propre système culturel et éthique. Depuis la dynastie des Han, l’éthique politique du confucianisme, fondée sur les liens du sang de la société patriarcale, a été le repère pour les cours impériales dans leur gestion de la société. Le gouvernement formula toutes sortes de lois pour contrôler et limiter la religion. Par exemple : la distribution des cartes d’identité (pour les moines bouddhistes) ; la construction des temples bouddhistes et taoïstes ; le contrôle du nombre des moines bouddhistes et des prêtres taoïstes, etc. Cette relation entre le politique et la religion n’a jamais fourni d’occasion pour qu’une guerre de religion explose. L’existence de la religion n’est pas d’abord de nature politique, mais de nature sociale et culturelle. Le bouddhisme et le taoïsme ont toujours été les éléments et les forces rendant la société stable de dynastie en dynastie. Dans l’histoire religieuse de Chine, le taoïsme est la religion indigène, le bouddhisme a été invité de l’étranger, l’islam s’est propagé de l’étranger en Chine et le christianisme est entré par la force du canon. En ce qui concerne le niveau de l’assimilation des religions étrangères et la culture chinoise, le bouddhisme a connu une grande réussite. Quelle que soit la prépondérance obtenue par les religions étrangères, toutes celles qui sont entrées en Chine ont dû s’assimiler à la culture de la grande Chine. Aucune n’y a échappé.

Etant une croyance, une pensée et une culture, la religion ne se sépare jamais du champ du politique même si elle ne s’identifie pas simplement avec ce dernier. L’idée des « trois représentants » et la déclaration « guider les religions vers un accord avec le socialisme » du président Jiang Zemin, enrichira et développera les théories spirituelles marxistes. Ce sont les guides de nos travaux religieux et nos tâches nationales futures. Elles amélioreront nos conceptions traditionnelles de la gestion des affaires religieuses, afin de fonder la relation scientifique et raisonnable entre politique et religion. Une fois que la nouvelle relation entre politique et religion sera établie, l’amélioration et la programmation correspondantes du système pourront être rapidement proposées. La base de cette proposition se trouve dans la loi. Une fois la nouvelle relation entre politique et religion établie, les questions difficiles de croyances populaires et de sectes seront résolues de façon ordonnée. L’unité du peuple et le rayonnement de religions justes ont toujours été l’ennemi juré des sectes et du fractionnisme. Une fois la nouvelle relation entre politique et religion établie, le processus du changement de parti révolutionnaire en parti gouvernemental en bénéficiera, grâce à une nouvelle conscience gouvernementale dans la gestion du gouvernement, de la société et de la religion. La clé de cette réussite est ceci : le point de vue marxiste sur la religion devrait avancer avec le temps.