Eglises d'Asie

La communauté chrétienne a été profondément choquée par l’attentat du 17 mars dans l’église internationale d’Islamabad

Publié le 18/03/2010




Plus d’une semaine après l’attentat meurtrier commis, le dimanche 17 mars dernier, dans une église d’Islamabad fréquentée par des étrangers, la petite communauté chrétienne pakistanaise reste encore sous le choc. Pendant ce temps, le nouveau chef de la police, dont le prédécesseur a été suspendu pour avoir laissé commettre cet attentat dans l’enclave diplomatique, lieu normalement le plus protégé de la ville, reconnaissait n’avoir fait aucun progrès dans l’enquête à laquelle collabore la police fédérale américaine. Aucun suspect n’avait été appréhendé et les points obscurs contenus dans la première version des faits n’avaient pas été éclaircis.

Dès le soir du 17 mars, une première version des faits avait été établie, qui depuis n’a guère changé. L’attentat a été perpétré vers 10 h 50 dans l’église protestante internationale, située entre les ambassades du Canada et des Etats-Unis. Une petite assistance de 60 à 70 personnes, en majorité des étrangers, y assistait à un office. Décrit par un témoin comme “un jeune homme à l’allure pakistanaise et à la chemise brune l’auteur de l’attentat est entré dans le lieu de culte et a lancé sept ou huit grenades. Quatre ou cinq ont explosé faisant cinq morts et 46 blessés (1). Parmi les morts se trouvent trois étrangers parmi lesquels, Barbara et Kristin Green, l’épouse et la fille d’un diplomate américain, Milton Green, lui-même grièvement blessé dans l’attentat. Les trois autres personnes mortellement atteintes sont un Afghan, une Pakistanaise et un homme dont la nationalité n’était pas encore identifiée une semaine après les faits. Dès le lendemain de l’attentat, on a pensé que cette dernière victime pourrait avoir été l’auteur d’un attentat suicide. Les 46 personnes blessées font partie pour la plupart du monde diplomatique d’Islamabad et appartiennent à au moins treize nationalités différentes. On comptait en effet parmi les blessés un Afghan, un Allemand, neuf Américains, deux Australiens, cinq Britanniques, un Canadien, un Ethiopien, un Irakien, sept Iraniens, une Japonaise, huit Pakistanais, trois Sri-Lankais, un Suisse, et cinq autres personnes dont la nationalité n’a pas tout de suite été identifiée.

Les chrétiens du pays ont été les premiers à faire entendre leur indignation après l’attentat du 17 mars. Dans une conférence de presse tenue le 19 mars, les dirigeants d’un certain nombre d’associations chrétiennes ont reproché aux autorités du pays leur impuissance à protéger les Pakistanais non musulmans. “Nous éprouvons plus que jamais un sentiment d’insécurité, ont-ils dit. Nous n’avons jamais été aussi dépourvus de protection.” Plus tôt, la Commission Justice et paix’ du diocèse de Karachi avait lancé des appels à la compréhension mutuelle et à la tolérance à l’égard des traditions religieuses différentes. Enfin, le 24 mars, dans la discrétion, l’ensemble des chrétiens du pays a observé une journée de deuil, au cours de laquelle le gouvernement a été invité à prendre des mesures plus énergiques contre le terrorisme. Le chef du parti politique, Le Front de libération chrétienne, y a déclaré : “Le sang des pèlerins innocents et les pleurs des victimes appellent le gouvernement à prendre des mesures concrètes, rapides et radicales.”

Cependant, beaucoup d’observateurs considèrent que les motivations des responsables de l’attentat de l’église internationale d’Islamabad ont été plus politiques qu’anti-chrétiennes. L’attentat du 17 mars, même si ses victimes sont en majorité des ressortissants étrangers chrétiens, s’inscrit surtout dans le bras de fer qui oppose le président Musharraf et l’opposition islamique de son pays, opposition que sont venus renforcer les volontaires de retour au pays après leur collaboration avec les Talibans afghans dans leur lutte contre les Etats-Unis. Comme l’a fait remarquer le P. Emmanuel Yousaf, directeur de la Commission nationale Justice et paix’, c’est un message au gouvernement qui a été envoyé par les terroristes, auteurs ou commanditaires du massacre. “Nous sommes toujours vivants, lui ont-ils rappelé, et nous pouvons frapper n’importe où et à n’importe quel moment message répondant à la tentative d’élimination totale de l’opposition terroriste entreprise par le gouvernement. De son côté, à l’issue de l’attentat, le pouvoir pakistanais a pris une série de mesures sévères, en particulier le renouvellement complet de l’appareil policier du pays. Dans un discours prononcé le samedi 23 mars, le général Musharraf a déclaré : “Je suis sûr que le gouvernement et le peuple sont d’accord sur la nécessité de sauver le pays du fléau du terrorisme et de la violence sectaire, quel qu’en soit le prix.”

L’attentat du 17 mars est le troisième à être perpétré contre une église du Pakistan depuis l’attaque des Etats-Unis contre l’Afghanistan du 7 octobre dernier. Le 28 octobre, à Bahawalpur, 17 fidèles protestants étaient morts sous les balles des terroristes (2). Le 14 janvier dernier, une bombe avait explosé dans l’église internationale du Pakistan à Islamabad sans qu’il y ait de victimes.