Eglises d'Asie

En dépit de la publication récente de plusieurs articles de presse, des responsables de l’Eglise catholique et du gouvernement chinois démentent tout progrès dans les relations sino-vaticanes

Publié le 18/03/2010




Périodiquement, la presse se fait l’écho de ce que d’aucuns nomment des manœuvres en coulisses pour aboutir à une normalisation des relations diplomatiques entre le Vatican et la République populaire de Chine et, partant, une normalisation de la situation de l’Eglise catholique en Chine, marquée par une division entre une partie “clandestine” et une autre “officielle”. Le dernier article sur ce sujet remonte au 19 mars dernier, date à laquelle le Nihon Keizai Shimbun ( Nouvelles économiques du Japon’), premier quotidien économique japonais, a attribué certains propos à Mgr Giuseppe Pittau, secrétaire de la Congrégation pour l’Education catholique au Vatican. En substance, le responsable catholique a déclaré que le Vatican était prêt à établir des relations diplomatiques avec Pékin à tout moment et que la délicate question de la nomination des évêques pouvait être résolue en adoptant un compromis : le gouvernement chinois choisirait un nom sur une liste de candidats désignés par le Saint-Siège. Toujours selon le prélat romain, il fallait s’attendre à ce que les relations entre le Vatican et la Chine franchissent une étape nouvelle après la mi-mars et la fin de la session de l’Assemblée nationale du peuple, période que tous les spécialistes du pouvoir chinois s’accordent à qualifier d’importante en regard de la mise en place de l’équipe dirigeante qui doit succéder à l’automne prochain à celle actuellement en place autour du président Jiang Zemin. Enfin, le quotidien japonais rapportait encore que, selon Mgr Pittau, la Chine et le Vatican ont de plus en plus de liens en commun, la moitié au moins des quelque 90 évêques “officiels” ayant été reconnus par le Saint-Siège.

Sans que l’on puisse parler de “réponse” à cet article paru au Japon, une interview est parue le 29 mars dans le South China Morning Post, principal quotidien de langue anglaise de Hongkong. Wang Zuoan, directeur général adjoint de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses (ex-Bureau des Affaires religieuses), y a déclaré que, bien que l’Eglise catholique eût pris des mesures en vue d’améliorer ses relations avec la Chine, le Saint-Siège devait faire plus afin de prouver la sincérité de ses intentions. Tout en répétant les deux traditionnels préalables que Pékin pose à l’établissement de relations diplomatiques entre la Chine et le Vatican (rupture des relations diplomatiques entre le Vatican et Taiwan et arrêt des ingérences dans les affaires internes de la Chine), Wang Zuoan a redit ce que le pouvoir chinois dit depuis les canonisations de 120 martyrs de l’Eglise en Chine le 1er octobre 2000, à savoir que “le pape nous doit des excuses” (1). Selon lui, la demande de pardon formulée par le pape en octobre 2001 à Rome au sujet des “erreurs” commises dans le passé par des membres de l’Eglise ne comportait pas les excuses attendues (2). Le responsable chinois a poursuivi en déclarant que le Vatican avait toujours adopté une attitude d’hostilité envers la Chine et que c’était le pape qui, en nommant secrètement des évêques en Chine, avait provoqué la division de l’Eglise catholique dans le pays.

Le 30 mars, dans un entretien à l’agence Ucanews (3), Mgr Aloysius Jin Luxian, jésuite tout comme Mgr Pittau et évêque “officiel” du diocèse de Shanghai, a déclaré que, étant donné que “le Vatican et la Chine ne se comprennent pas l’un l’autre”, les chances de voir l’établissement de relations diplomatiques étaient “très minces”. Agé de 86 ans, Mgr Jin a précisé que, selon lui, les dirigeants chinois ont peur du Vatican qu’ils perçoivent comme une menace pour leur pouvoir. Au sujet de la controverse sur la canonisation des martyrs de Chine, il a ajouté que le Vatican n’aurait pas dû célébrer cet événement le 1er octobre, les autorités chinoises ayant été courroucées par le choix de cette date qui est aussi le jour anniversaire de la prise du pouvoir par Mao Zedong, en 1949.

Enfin, et peut-être de façon plus significative, un hebdomadaire dépendant du très officiel Quotidien du peuple a publié le 25 mars un article retraçant l’histoire des relations entre le Saint-Siège et la Chine depuis 1929 jusqu’à nos jours, mettant l’accent sur les efforts du Vatican pour l’établissement de ces relations. L’auteur de l’article, appelant le Vatican à rompre avec Taiwan, y écrivait que les diplomates de Taipei en poste au Vatican se tenaient prêts à fermer leur représentation diplomatique à tout moment. Selon Bao Rong, spécialiste des questions relatives à l’Eglise catholique en Chine, interrogé par Ucanews, la publication de cet article ne signifierait cependant pas qu’un changement dans l’attitude de la Chine est à prévoir prochainement ; il s’inscrirait plutôt dans le cadre de manœuvres internes à l’appareil de pouvoir et de propagande chinois et viendrait contrer des articles favorables à Taiwan parus récemment en Chine.