Eglises d'Asie

Des difficultés de traduction retardent la publication d’une Bible œcuménique en langue chinoise

Publié le 18/03/2010




Le 24 mars dernier, à l’occasion du 30e anniversaire de la fondation de la Faculté des arts de l’Université baptiste de Hongkong, les principaux experts catholiques et protestants responsables du projet d’une traduction œcuménique de la Bible en chinois ont fait le point sur leur travail, soulignant que le retard pris par ce projet était dû à des divergences sur les principes de traduction retenus par les uns et les autres. Simon Chau Siu-cheong, chef du programme de traduction de la Bible de l’université protestante, a rappelé que la dernière réunion des experts biblistes catholiques et protestants datait de quinze ans et qu’il était donc temps de faire le point sur le travail accompli et les éléments nouveaux apparus depuis au sein des cercles biblistes.

La commission œcuménique responsable de la traduction de la Bible en chinois, financée par l’Alliance biblique universelle, est formée des experts du Studium Biblicum, l’institut biblique de Hongkong animé par les franciscains, pour la partie catholique, et par l’Eglise protestante de Hongkong. Selon Stanislaus Lee Tze-chung, expert bibliste catholique, la Bible catholique en chinois diffère aujourd’hui de celle des protestants principalement du fait des principes posés par le Bienheureux Gabriele Allegra, véritable fondateur de la traduction de la Bible catholique telle qu’elle est utilisée aujourd’hui.

Le P. Allegra, mort en 1976, a commencé la traduction de Bible en chinois en 1935 et a fondé une décennie plus tard le Studium Biblicum pour encadrer ce qui allait devenir l’œuvre de toute une vie (1). A l’époque, le prêtre franciscain avait pris comme textes de base la troisième version de la Biblia Hebraica de Rudolph Kittel pour l’Ancien Testament et le Codex Vaticanus pour le Nouveau Testament, soit, a précisé Stanislaus Lee, les deux textes de référence d’alors. La Bible en chinois publiée ensuite par le Studium Biblicum est devenue le texte de base utilisé par les catholiques chinois à travers le monde, y compris en Chine populaire. Toutefois, depuis ce travail, de nombreuses traductions de la Bible en d’autres langues sont apparues, venant des milieux protestants mais aussi catholiques et utilisant la Biblia Hebraica Stuttgartensia et le Nouveau Testament grec de l’Alliance biblique universelle comme références. Aujourd’hui, de ce fait, la Bible en chinois utilisée par les catholiques présente des variations par rapport à d’autres versions apparues depuis.

Selon Stanislaus Lee, le principe de travail du P. Allegra était qu’il fallait rester le plus près possible du texte original et tenter d’en conserver le style, la sémantique et le ton. La fidélité au texte étant la priorité, le P. Allegra insistait pour que les traducteurs ne complètent pas les éventuelles obscurités du texte original par des reconstructions, aussi intelligentes puissent-elles être, mais se contentent d’en préciser le sens par des notes. Pour la traduction de la Bible mise en chantier par les protestants, le projet était au contraire de faire “une Bible en trois versions”, a expliqué Simon Wong Sek-muk, professeur de théologie à l’Université chinoise de Hongkong. Cependant, du fait des évolutions très importantes de la langue chinoise à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, le projet n’a pas abouti et seule la “version en mandarin” de la Bible des protestants, traduite à partir de la version révisée en anglais de la Bible, fut finalement adoptée en 1919. Depuis, a encore ajouté Simon Wong, une nouvelle version a été publiée dans les années 1980, texte qui est à son tour en cours de révision par l’Alliance biblique universelle.

Du fait de ces trajectoires parallèles, les versions catholique et protestante de la Bible diffèrent. La traduction œcuménique de la Bible, mise en chantier dans les années 1980 par l’Eglise catholique et les Eglises protestantes, avance lentement du fait d’autres priorités plus urgentes et aussi du fait de difficultés sémantiques. Simon Wong a ainsi rappelé qu’une traduction commune devra résoudre le problème du choix des noms. Ainsi, chacun sait que les protestants connaissent le nom de Dieu sous les termes de shen ( l’Esprit’) ou shangdi ( le Souverain d’en-haut’) et que les catholiques utilisent tianzhu ( le Maître du Ciel’). Même si la commission œcuménique se met d’accord sur une terminologie commune, les fidèles ne l’accepteront pas aisément, a prévenu Simon Wong. D’autre part, si les traducteurs catholiques comme protestants sont d’accord sur le fait qu’une nouvelle traduction de la Bible doit être soucieuse de la langue utilisée par les Chinois d’aujourd’hui, ils soulignent également l’impact culturel que le texte de la Bible possède. Dans ce domaine, les experts catholiques et protestants diffèrent sur le recours à un langage dit “inclusif” ou non, tout particulièrement en ce qui concerne les termes employés. Ainsi, Stanislaus Lee a insisté pour dire que si le texte original de la Bible utilise le masculin pour Dieu et l’image de la paternité pour exprimer l’amour de Dieu pour sa création, le traducteur du XXIe siècle ne doit pas se donner la liberté d’ajouter un élément lié à la maternité pour exprimer Dieu. Une note en bas de page doit suffire à expliquer ce point et, a ajouté Lee, le Studium Biblicum révise actuellement tout son travail pour qu’il soit conforme à l’herméneutique adoptée par l’Eglise catholique.

Outre ce projet de Bible œcuménique et les versions récentes de la Bible publiées par les protestants, il convient de signaler la publication en chinois de la Bible pastorale (Muling Shengjing), dite “Bible des peuples” dans sa version française, des frères Hurault (2). Cette Bible, publiée en 1988 en langue commune actuelle avec notes et commentaires, est imprimée depuis cette date sur les presses de l’imprimerie protestante Amity de Nankin, en Chine populaire. Imprimée dans un premier temps en caractères classiques à l’attention des communautés catholiques chinoises vivant hors de Chine populaire, elle est depuis l’an 2000 éditée en caractères simplifiés à l’attention des catholiques du continent.