Eglises d'Asie

Hongkong : la révélation par la presse de plusieurs cas d’abus sexuels commis par des prêtres catholiques sur des mineurs secoue le diocèse et la société de Hongkong

Publié le 18/03/2010




Le 2 mai 2002, le quotidien de langue anglaise South China Morning Post a publié dans ses colonnes un article dans lequel on pouvait lire que le cardinal John Baptist Wu Cheng-chung, évêque de Hongkong, admettait que trois prêtres de son diocèse avaient, au cours des 27 dernières années, été reconnus coupables d’abus sexuels sur des mineurs. Selon le cardinal, ces trois prêtres ont été reconnus coupables par les instances judiciaires internes à l’Eglise mais aucun des cas n’a été porté à la connaissance de la police. A Hongkong, où il n’existe pas d’obligation légale enjoignant à une personne qui a connaissance d’un crime d’en avertir la police, la nouvelle a néanmoins fait scandale.

Le jour même où le quotidien anglais publiait son article, le diocèse faisait savoir qu’“aucune pratique pédophile, sous quelque forme que ce soit (qu’elle soit accidentelle ou revête un caractère répété), ne serait tolérée, encore moins de la part de prêtres”. Dans le communiqué publié par le diocèse, on pouvait lire que les autorités diocésaines adoptaient une “politique de tolérance zéro et qu’à l’avenir, si des prêtres étaient reconnus coupables d’abus sexuels, ils seraient immédiatement “retirés du ministère public”. Afin de renforcer les mesures de prévention déjà en vigueur, une commission interdisciplinaire va être formée, réunissant des experts dans les domaines médicaux, éducatifs et juridiques, et sera chargée de proposer des mesures allant dans le sens d’une plus grande information et prévention des abus sexuels sur la personne de mineurs. Toujours dans ce même communiqué, au sujet des trois prêtres impliqués dans ces scandales, les responsables de l’Eglise de Hongkong ont indiqué qu’il leur avait été demandé de faire pénitence, d’entreprendre un discernement spirituel et de recevoir une aide et un suivi psychiatriques. Le communiqué précisait enfin que l’Eglise s’était excusée auprès des victimes et de leurs familles et qu’une aide en terme de conseils, de suivi psychiatrique et de soutien financier leur avait été proposée.

L’article du South China Morning Post et la réaction de l’Eglise catholique ont fait grand bruit à Hongkong. Le jour même et les jours suivants, les commentaires ont fusé, des éditorialistes reprochant à la hiérarchie de l’Eglise de se montrer très en pointe sur certains dossiers, tels que l’affaire des ressortissants chinois interdits de permis de résidence à Hongkong (1), mais beaucoup plus discrète sur cette affaire. Face au scandale et étant donné le contexte international actuel où l’Eglise catholique aux Etats-Unis et dans plusieurs autres pays doit faire face à des situations similaires, les responsables catholiques de Hongkong ont désigné le P. Lawrence Lee Len, chancelier du diocèse, comme seule personne habilitée à se prononcer sur ce dossier. Ce dernier a répondu point par point aux critiques qui ont été adressées à l’Eglise. Selon lui, l’Eglise n’a pas cherché à acheter le silence des victimes en leur versant “une aide financière” ou en les menaçant d’expulsion de la communauté catholique s’ils dénonçaient publiquement les atteintes subies par eux. L’Eglise a simplement offert de prendre en charge les frais des éventuels traitements médicaux ou thérapies entrepris par les victimes – une offre d’ailleurs déclinée par ces dernières – et n’a jamais versé de sommes d’argent. L’Eglise ayant été vivement critiqué pour ne pas avoir rapporté les cas de pédophilie dont elle a eu connaissance à la police ou aux autorités civiles responsables des affaires sociales, le P. Lee a précisé que c’étaient les victimes elles-mêmes qui avaient demandé à l’Eglise de garder le silence. Cependant, depuis que ces affaires sont devenues publiques, le P. Lee a ajouté que le diocèse demandait à toute “nouvelle victime” éventuelle de s’adresser directement à la police. L’Unité de protection de l’enfance de la police a de son côté fait savoir qu’elle avait ouvert une ligne de téléphone spéciale, ouverte 24 h sur 24, pour recueillir d’éventuels témoignages sur ces affaires.

Le 4 mai, le P. Lee et le vicaire général du diocèse, le P. Dominic Chan Chi-ming, ont été entendus par la police au sujet des cas de trois prêtres s’étant rendus coupables d’actes de pédophilie et dont le cardinal Wu a admis l’existence dans son courrier au South China Morning Post. Le 6 mai, selon un journal de langue chinoise de Hongkong, le Ming Pao, trois autres cas, impliquant deux prêtres et un religieux non prêtre, ont été rendus publics, toujours pour des affaires de pédophilie.

A ce jour, six cas ont donc été rapportés, que ce soit par l’Eglise ou directement à la police, voire par les médias. Les trois premiers cas portés à la connaissance de l’Eglise sont les suivants : – le premier implique un prêtre étranger et s’est produit en 1974 en dehors de Hongkong ; la victime, de sexe féminin, ne s’est fait connaître qu’en 2000 et, depuis, le prêtre en question a été rappelé dans son pays d’origine où il n’exerce plus de ministère en contact avec des enfants ; – les deux autres cas impliquent des prêtres locaux et se sont produits l’un en 1991, l’autre en 1995 ; les deux prêtres ont été interdits de ministère public et l’un d’eux a depuis quitté le sacerdoce ; la police de Hongkong enquête en ce moment sur leurs cas. Le quatrième cas a été révélé par le Ming Pao et impliquerait un religieux salésien ; selon le P. Savio Hon Tai-fai, provincial des salésiens à Hongkong, l’accusation est infondée et il est envisagé de poursuivre le journal en diffamation. Le cinquième cas a été porté à la connaissance de l’Eglise le 3 mai et la victime aurait été abusée par un prêtre dans les années 1970 ; comme prévu par la ligne de conduite adoptée par l’Eglise, la police a été immédiatement informée et celle-ci a choisi d’ouvrir une enquête. Le sixième et dernier cas a été directement rapporté à la police le 3 mai par un ancien enseignant d’une école catholique qui affirme avoir vu un prêtre abuser sexuellement d’un garçon, mais la victime n’a pu être localisée.