Eglises d'Asie

Malgré les nombreuses irrégularités constatées lors du référendum, les minorités religieuses sont plutôt satisfaites du maintien au pouvoir du général Musharraf

Publié le 18/03/2010




A l’issue du référendum du 30 avril que beaucoup qualifient de truqué et entaché de fraudes, le général Pervez Musharraf a obtenu une écrasante majorité de 97,5 % de votes en faveur de son maintien au pouvoir pour une période de cinq ans supplémentaires. Dans une allocution télévisée, le responsable de la Commission des élections, Irshad Hassan Khan, a affirmé que ces élections s’étaient déroulées dans le calme et la sérénité. La presse officielle a mentionné que 43,9 millions de bulletins ont été déposés dans les urnes, ce qui signifierait que 54,5 % du nombre des électeurs pakistanais ont accompli leur devoir électoral. Le ministre de l’Information, Nisar Memon, en a conclu : “Le peuple a donné son verdict et ceux qui ne l’acceptent pas ne sont pas des partisans de la démocratie.”

Aucune liste électorale n’avait été dressée et tous les Pakistanais de moins de dix-huit ans pouvaient voter sans qu’il leur soit nécessaire de fournir une pièce d’identité. Malgré cela, l’opposition considère que le taux de participation s’est situé entre 5 et 10 % seulement, ce qui donne une toute autre dimension au récent référendum. La première des instances indépendantes à faire connaître son opinion sur la nature du dernier vote a été la Commission des droits de l’homme du Pakistan qui, dans un communiqué publié tout de suite après le vote, a relevé que la précipitation avec laquelle la population avait été entraînée dans ce vote et l’irrespect des procédures électorales élémentaires empêchaient que ce référendum puisse être considéré comme un véritable choix démocratique. Les observateurs de la commission ont signalé de nombreux cas de bourrages d’urnes. Le président d’un bureau électoral a même été battu par des partisans du général Musharraf pour avoir refusé d’ajouter des bulletins dans l’urne. Les articles de presse laissent entendre d’une façon générale que la participation a été très faible et que ce sont les employés et des personnes payées pour cela qui ont rempli les urnes. Les partis d’opposition avaient, durant la campagne électorale, appelé au boycott et considèrent aujourd’hui que les citoyens pakistanais ont répondu favorablement à leur invitation. Raza Rabanni, l’actuel secrétaire du Parti du Peuple Pakistanais, le parti de Benazir Bhutto, a félicité le peuple pakistanais d’avoir obéi aux mots d’ordre de l’opposition et boycotté le référendum.

Les milieux minoritaires du Pakistan, parmi lesquels les catholiques, bien que témoins des nombreuses irrégularités du vote et des pressions exercées sur les électeurs, ont plutôt manifesté de la sympathie pour l’initiative du chef d’Etat. Au lendemain du référendum, Mgr Alexander John Malik, de l’Eglise (anglicane) du Pakistan, qui avait déjà accroché à sa cathédrale des calicots en faveur du général Musharraf, lui a envoyé ses félicitations pour le “soutien historique” qu’il a ainsi reçu du peuple. Une chrétienne, Inayatan Mukhtar, a confié à un proche : “Pour nous chrétiens et pour les autres minorités religieuses, la présence de Musharraf au pouvoir est une bonne chose. Il a stoppé la montée de l’extrémisme musulman dans le pays… Nous n’avons qu’une crainte, c’est de devenir un Etat Al- Qaida’ se référant au groupe terroriste qui ne manque pas de sympathisants au Pakistan. Faisant preuve de lucidité, elle a cependant ajouté qu’elle espérait que le président saurait promouvoir les valeurs démocratiques… Un juriste hindou, rencontré par l’agence Ucanews (1), estime lui aussi que depuis son arrivée au pouvoir, le général Musharraf a grandement soulagé le fardeau des minorités : “Il a supprimé le système des électorats séparés, dénationalisé les anciennes école privées, sauvé les minorités des forces fanatiques.”

Il existe pourtant quelques personnalités chrétiennes qui ne partagent pas l’indulgence des minorités pour les fraudes électorales du pouvoir en place. Le P. Zafar Iqbal, dominicain de Faisalabad, se référant au rôle prophétique de l’Eglise, a déclaré que les chrétiens n’auraient pas dû participer à un scrutin aussi peu démocratique. Par ailleurs, lors de leur assemblée biannuelle, le 27 avril dernier, les supérieurs majeurs avaient refusé de se prononcer sur le référendum, laissant à chaque chrétien leur libre choix.