Eglises d'Asie

Un représentant du gouvernement qualifie d’irréalistes les demandes des minorités religieuses visant à l’abolition de la loi sur le blasphème

Publié le 18/03/2010




Le 20 avril dernier, à Karachi, trois associations, la Fondation Alam, les Marcheurs de la paix et les Jeunes chrétiens de Karachi, avaient organisé un séminaire sur le thème : “Le rôle des minorités dans le développement du Pakistan Environ 2 000 chrétiens, hindous, musulmans, parsis et sikhs étaient venus participer aux débats. Ceux-ci, entre autres sujets, ont porté sur le si controversé article 295, alinéas B et C, du Code pénal pakistanais punissant de mort le blasphème contre le prophète et de prison à vie le blasphème contre le Coran. Alors que les représentants du gouvernement, présents au séminaire, ont plaidé pour le maintien du statu quo, la plupart des délégués des minorités ont au contraire souligné l’urgence de l’abolition de ces dispositions législatives redoutables aussi bien pour les musulmans que pour les adeptes des autres religions.

Le ministre fédéral des Minorités, S. K. Tresslor, de religion chrétienne, a plaidé pour le réalisme : “La demande des minorités religieuses visant à abolir la loi contre le blasphème, a-t-il dit, ne tient pas compte de la situation du pays.” Selon lui, personne n’a la possibilité, d’un trait de plume, de supprimer cette disposition législative dans un pays dont la population est en majorité musulmane. Le ministre a expliqué ensuite que le véritable problème était de faire en sorte d’empêcher qu’il en soit fait mauvais usage. En effet, cette loi est utilisée d’une façon perverse non seulement contre les minorités religieuses mais également contre les musulmans eux-mêmes. 80 % des plaintes portées au nom de cette loi visent en effet des adeptes de l’islam. Pour mettre un terme aux usages abusifs de la loi sur le blasphème, le ministre a préconisé de travailler à la naissance d’une société de tolérance mutuelle. La restauration du système électoral unique (1) a déjà changé les perspectives d’avenir et devrait aider à plus de dialogue et de collaboration entre les minorités et l’islam. Le ministre a souligné par ailleurs que, malgré les nombreuses plaintes portées, jusqu’à présent, aucun des inculpés au nom de la loi sur le blasphème n’avait encore été condamné à la peine suprême.

Les opinions qui ont été exprimées ensuite par les différents représentants des diverses religions non musulmanes étaient, pour la plupart, en désaccord avec les vues du représentant du gouvernement. Naveed Amir, le président du Front chrétien de libération, a fait remarquer qu’il y avait davantage de musulmans que de membres des minorités pour réclamer l’abrogation de la loi. Ce qu’a confirmé ensuite Jam Saqi, un dirigeant politique de la province de Sindh, qui s’est prononcé en faveur de l’abolition, citant l’exemple d’un responsable musulman mis à mort par des coreligionnaires après avoir été accusé par eux de blasphème. “Si cette loi met en péril les dirigeants musulmans eux-mêmes, qu’en sera-t-il des autres ? a-t-il conclu. Un hindou, membre du conseil d’Hyderabad, s’est montré aussi radical dans son désaccord. Il a comparé la loi à une épée de Damoclès suspendue au-dessus des diverses communautés religieuses minoritaires qui ne pourront jamais l’accepter. Par suite, il a incité le ministre des Minorités à prendre une position plus ferme, à se faire l’écho de la voix des minorités religieuses auprès des membres du gouvernement et à faire pression pour que, pour le moins, il soit mis un terme aux utilisations pernicieuses de la loi.

Mgr Anthony Lobo, évêque d’Islamabad-Rawalpindi, a, lui, abordé de front le thème principal du séminaire, à savoir la part que devaient prendre les minorités au développement du pays. Il a fait l’éloge des services rendus au pays par les diverses religions et a pris, comme exemple, les établissements éducatifs gérés par les chrétiens, établissements qui se sont signalés non seulement par la qualité de l’éducation dispensée mais aussi par la formation morale de leurs élèves. Parmi les progrès sociaux accomplis grâce à eux, il a cité la promotion des femmes. Dès 1862, avait été ouverte au Pakistan une école spécialement réservée aux filles, l’Ecole Saint Joseph.