Eglises d'Asie

La législation du pays oblige les femmes enlevées de force à épouser leur ravisseur

Publié le 18/03/2010




Le 27 mai, la Haute Cour de Lahore devait porter un jugement concernant la validité d’un mariage contracté une semaine plus tôt et dénoncé comme contraint par des militants des droits de l’homme. La jeune femme, Roop, avait auparavant été enlevée par son futur mari, Sher Ali, et gardée en otage pendant près de dix jours. Le ravisseur devenu l’époux qui appartient au puissant clan Gurchani originaire de la province du Baloutchistan, affirme hautement qu’il ne s’agit pas d’un enlèvement mais d’une fugue amoureuse de Roop dont les parents s’opposaient au projet matrimonial de leur fille. De son côté, Roop, étudiante, a publiquement déclaré son désir de vivre avec Ali. Malgré toutes ses déclarations, des militants des droits de l’homme dont l’attention a été attirée sur ce cas maintiennent leurs soupçons et continuent de penser que la jeune fille a accepté le mariage pour éviter les sanctions prévues par le code pénal islamique (hudood) et les lois sur l’adultère (zina). Dans ce type de cas, c’est la femme qui écope du maximum de la peine. Il est possible, pensent les militants, que la jeune fille ait eu, pendant son enlèvement, des relations sexuelles avec un membre de l’ethnie. Dans de telles circonstances, la femme n’a rarement d’autre choix que de se marier avec son ravisseur.

Il y aurait, chaque jour, des centaines de femmes obligées de choisir une telle solution. Une travailleuse sociale de Karachi a expliqué au correspondant de SAR News (1) que, si une femme, dans la situation de Roop, a l’audace de porter plainte contre ses ravisseurs, la plainte, presque à coup sûr, se retournera contre elle. Il est en effet pratiquement impossible pour la victime d’un enlèvement de trouver et produire au tribunal quatre témoins de sexe féminin ou deux témoins mâles comme le requiert la loi. Au contraire, une plainte pour enlèvement qui n’est pas prouvée de cette façon-là est considérée comme une confession d’adultère, punissable de flagellation ou de lapidation jusqu’à la mort si la personne est mariée.

Les femmes sont parmi les proies les plus recherchées des kidnappeurs dans les bourgades rurales. Leur enlèvement constitue un déshonneur sans égal pour la famille de la victime, qui, de ce fait est prête à faire les plus grandes concessions au ravisseur et à lui assurer l’immunité en cas de procès. Par ailleurs, le ravisseur discret, assuré de ne pas être dénoncé par un témoin à charge, agit en toute impunité. Les femmes des minorités religieuses sont les cibles préférées des spécialistes du kidnapping, qui souvent s’assemblent en gangs. En janvier 2002, des responsables de l’Eglise méthodiste à Multan ont publié des statistiques concernant les victimes chrétiennes d’enlèvement dans la région. Au cours de l’année 2001, 350 jeunes chrétiennes, sans autre précision sur l’Eglise à laquelle elles appartiennent, avaient été enlevées et forcées à se marier à des musulmans. La publication mentionne encore que la quasi-totalité de ces jeunes femmes ont ensuite divorcé de leur mari musulman.

Cependant, dans l’ensemble des lois qui lèsent les droits de la femme, la plus inique est sans doute celle qui concerne l’adultère, l’ordonnance de la zina. Cette loi introduite en 1980 permet à n’importe qui d’accuser une femme de mauvaise conduite sexuelle et autorise la police à arrêter l’accusée sans même un mandat d’arrêt. Zafran Bibi, habitant à Kohat dans la province du Nord-Ouest a été condamnée à mort pour adultère le mois dernier. Elle était enceinte de son demi frère. C’est son propre beau père qui a été le premier à la dénoncer, l’accusant d’avoir trompé son mari qui purgeait alors une peine de prison. Pas une fois, le demi-frère n’a été interrogé par la police. En fin de compte, la belle-mère de Zafran ainsi que des membres de sa parenté ont pu prouver en appel que l’intéressée avait été enlevée à plusieurs reprises par son demifrère, ce qui a mis un terme à l’affaire.

Selon un certain nombre de juristes soucieux de la promotion de la femme au Pakistan, les contraintes et les pressions subies par elle de la part de sa famille et de son entourage sont telles qu’elle est réduite à l’état d’esclavage. L’abrogation des lois et ordonnances attentatoires à la dignité féminine, certes, soulagerait son sort, mais ne mettrait pas un terme à son humiliation.