Eglises d'Asie

Selon des dépêches d’agence, le Premier ministre Mahathir devrait rencontrer le pape au Vatican dans les premiers jours du mois de juin 2002

Publié le 18/03/2010




L’information a été donnée par des dépêches d’agence ainsi que par la presse malaisienne les 25 et 26 mai derniers et confirmée par le gouvernement malaisien : le Premier ministre malaisien a été invité par le pape Jean-Paul II à une rencontre au Vatican. Selon toute vraisemblance, l’entrevue devrait avoir lieu le 7 juin prochain, soit quelques jours avant que le Premier ministre malaisien n’assiste, les 9 et 10 juin, à Genève à une réunion de l’Organisation internationale du travail et ne se rende en visite au Luxembourg, les 11 et 12 juin. Il s’agira là d’une première, le chef de l’exécutif malaisien, que ce soit le Dr Mohamad Mahathir ou l’un de ses prédécesseurs, n’ayant jamais été reçu en visite au Saint-Siège. Pays pluriethnique et plurireligieux, où la religion officielle est l’islam, la Fédération de Malaisie n’entretient pas de relations diplomatiques avec le Saint-Siège.

Conformément à l’usage, la salle de presse du Vatican n’a pas confirmé la nouvelle. A Kuala Lumpur, le Premier ministre a refusé de confirmer la nouvelle, se contentant de déclarer que le cabinet allait se réunir à la toute fin du mois de mai ou dans les premiers jours du mois de juin afin de décider si oui ou non une suite favorable devait être donnée à l’invitation formulée par le Saint-Siège. Abdul Hamid, ministre rattaché directement au bureau du Premier ministre et chargé des Affaires religieuses, a pour sa part déclaré que « la rencontre de responsables, bien que de religions différentes et au sein de la cité du Vatican, n’[était] pas contraire à l’enseignement de l’islam », ajoutant que la rencontre prévue ne saurait être exploitée sur la scène politique intérieure car ni la Malaisie ni le Dr Mahathir n’entrete-naient d’arrière-pensées. « Il n’y a pas de secret ou quoi que ce soit que nous cherchions à cacher. No-tre position sur les questions d’actualité telles que le terrorisme, l’injustice, l’inhumanité est cohérente et connue de tous, que ce soit sur un plan local ou international », a encore précisé Abdul Hamid.

Dans la presse locale, la nouvelle a été plutôt bien accueillie. Pour nombre d’éditorialistes, elle est le signe que le Dr Mahathir est reconnu comme un leader musulman de premier plan. Selon l’éditorial du New Sunday Times, daté du 26 mai, « le fait que le Premier ministre a été invité au Vatican est un nouveau pas dans la bonne direction pour [Mahathir], leader musulman modéré, perçu de façon croissante comme étant une voix de la raison dans les conflits qui agitent le monde d’aujourd’hui ». Pour Karim Raslan, avocat et auteur de nombreuses tribunes libres dans les pages opinions de la presse locale, le Premier ministre bénéficie aujourd’hui de l’évolution de la scène internationale. Hier critiqué par les Etats-Unis et les pays européens pour ses discours véhéments contre les « valeurs occidentales » ou le traitement réservé à son ex-adjoint Anwar Ibrahim, emprisonné depuis 1998, Mahathir apparaît aujourd’hui comme un homme œuvrant pour le progrès, la stabilité et faisant preuve de pragmatisme. « Il n’a pas changé, le monde a changé », déclare ainsi à son propos Karim Raslan, tandis que le professeur Shamsul A.B., de l’université Kebangsaan Malaysia, ajoute qu’il « a émergé des ruines du 11 septembre en tant que leader, un héros pour le Tiers Monde et un héros pour les pays musulmans », là où aucun leader du Moyen-Orient ne fait l’affaire, là où la Turquie va de crise en crise, là où le Bangladesh est trop pauvre, là où la voix de Megawati Sukarnoputri, présidente de l’Indonésie, premier pays musulman du monde, est inaudible.

Cité par l’agence Reuters, Farish Noor, chercheur en sciences politiques rattaché à l’Institut pour l’étude de l’islam dans le monde moderne, à Leiden, aux Pays-Bas, estime que cette visite « intervient à un moment important où la Malaisie tente de convaincre qu’elle est un pays multiracial et plurireligieux, où l’islam n’est pas exclusif ». Selon lui, l’opposition islamique à Mahathir utilisera certainement cette visite pour dénoncer la politique de Premier ministre (1) mais la présence de Mahathir au Vatican sera appréciée par une grande partie des Malaisiens, en particulier les non-musulmans qui représentent un peu moins de la moitié de la population.