Eglises d'Asie

Après les violents affrontements qui ont opposé des musulmans et des catholiques tamouls dans l’est du pays, les responsables religieux sri lankais ont appelé au calme

Publié le 18/03/2010




Par un communiqué publié le 6 juillet dernier, le Congrès des religions au Sri Lanka, instance rassemblant des responsables bouddhistes, hindous, chrétiens et musulmans, a appelé au calme, condamnant les violents affrontements qui ont eu lieu entre les 25 et 27 juin derniers dans la ville de Mutur, localité côtière à majorité musulmane située non loin de Trincomalee, et ont fait de cinq à sept morts et une cinquantaine de blessés. Le Congrès des religions a qualifié les affrontements d'”incidents raciaux”, déplorant notamment le fait qu’ils interviennent à un moment où “la nation tente de résoudre un autre problème ethnique allusion aux pourparlers de paix qui se poursuivent depuis février 2002 sous l’égide de la Norvège pour trouver une issue à la guerre qui oppose depuis presque vingt ans les Tigres du LTTE, issus de la minorité tamoule du pays, aux forces gouvernementales de Colombo, composées quasi-exclusivement de Cinghalais (1).

Selon les rapports de différentes agences de presse, les incidents qui se sont déroulés à la fin du mois de juin à Mutur et dans plusieurs localités avoisinantes ont vu s’affronter des musulmans et des Tamouls, en partie hindous et en partie catholiques. Selon une dépêche de l’agence Reuters (2), des musulmans dans la ville de Valaichchenai sont descendus dans la rue pour protester contre l’attaque d’une mosquée de cette localité tandis que des Tamouls, majoritairement hindous, ont été ulcérés par l’attaque commise contre un bureau de représentation politique de la guérilla tamoule du LTTE (Tigres de libération de l’Eelam tamoul). A la suite des affrontements qui, selon Reuters, ont fait cinq mort et 35 blessés (dont 21 Tamouls et 14 musulmans), les autorités gouvernementales ont imposé un couvre-feu sur la totalité des districts de Batticaloa et Ampara, deux des trois districts formant la Province de l’Est. Outre les victimes, une quarantaine de commerces appartenant à des Tamouls et trente-cinq autres, propriétés de musulmans, ont été incendiés lors des affrontements.

Selon l’agence catholique Ucanews (3), les heurts ont débuté à Mutur lorsque des musulmans s’en sont pris à un lieu de culte catholique et que des jeunes catholiques, presque tous tamouls, ont répliqué, déclenchant un cycle de violences intercommunautaires faisant sept morts et une cinquantaine de blessés. Toujours selon l’agence catholique, l’évêque du lieu, Mgr Kingsley Swampillai, de Trincomalee-Batticaloa, s’est très rapidement rendu sur les lieux pour tenter de calmer les passions, imité en cela par John Amaratunga, de confession catholique et ministre de l’Intérieur, ainsi que par Rauf Hakeen, ministre des Affaires religieuses musulmanes (4).

Dans son communiqué, le Congrès des Religions a demandé qu’une enquête soit diligentée au sujet des incidents de Mutur et de sa région et que la police fasse preuve d’“impartialité” dans son action. Outre la signature de Mgr Oswald Gomis, évêque d’Anuradhapura et président de la Conférence des évêques catholiques du Sri Lanka, et celle du mollah M.B.H. Rauhman, le communiqué portait les paraphes du pasteur méthodiste W.P. Joseph Ebenezer, responsable du Conseil national chrétien, des moines bouddhistes Wimalarathana Nayake Thero et Ittapane Dhammalankara Thero, et enfin du religieux hindou Kudhananda Sharma.

Selon les observateurs, les heurts de Mutur et sa région impliquant des musulmans et des Tamouls sont le signe d’une radicalisation des esprits dans la Province de l’Est du pays où les musulmans cohabitent avec une forte composante tamoule et une relativement importante population d’origine cinghalaise. Face aux négociations qui se déroulent entre Colombo et le LTTE, les musulmans craignent de faire les frais d’un éventuel accord qui se conclurait sans eux (5). En effet, les musulmans, considérés comme étant une composante culturelle et religieuse mais pas ethnique du Sri Lanka, sont seulement consultés, par le biais du parti du Congrès musulman du Sri Lanka, au sujet des négociations entre les responsables gouvernementaux cinghalais et les Tigres tamouls (6) mais ils ne sont pas associés à ces pourparlers. En avril dernier, un diplomate norvégien en poste à Colombo estimait que la prise en compte des souhaits des musulmans serait un des vrais “défis” de ces négociations (7).