Eglises d'Asie

Mis en cause par un responsable gouvernemental de la lutte anti-terroriste, des mouvements protestants démentent dispenser des “enseignements extrémistes”

Publié le 18/03/2010




Le 4 juillet dernier, lors d’une conférence de presse donnée à Kota Kinabalu, capitale de l’Etat de Sabah, en Malaisie orientale, le révérend Taipin Molidoi, président de l’Eglise évangélique de Bornéo (Sidang Ingil Borneo) s’est déclaré “profondément déçu” par les déclarations récentes de Che Moin bin Umar, responsable de la Commission des services secrets placée sous la Division de la sécurité nationale du Bureau du Premier ministre. Lors d’un colloque organisé à Kota Kinabalu deux jours auparavant par l’Institut d’études sur le développement, organe gouvernementale de recherches, et intitulé : “Risques et défis de la sécurité régionale : le rôle de la société civile ce responsable gouvernemental, spécialiste de la lutte anti-terroriste, avait consacré son intervention aux menaces politiques et religieuses pesant sur la sécurité de la Malaisie dans le contexte de l’après-11 septembre, date des attaques terroristes commises sur le sol des Etats-Unis. Après avoir mentionné des groupes de militants islamistes tels que le Kumpulan Militan Malaysia (Groupe militant de Malaisie) et le Jemaah Islamiah, dont des membres ont été arrêtés à trois occasions entre juin 2001 et avril 2002, Che Moin bin Umar avait déclaré que des groupes hindous et chrétiens pouvaient se montrer aussi coupables d’extrémisme que ces mouvements islamistes.

Le 2 juillet, lors du colloque, Bin Umar a nommément cité l’Eglise évangélique de Bornéo et l’Eglise du Nouveau Testament, accusant cette dernière d’adopter “une approche insensible et agressive envers les fidèles des autres religions allusion sans doute à d’éventuelles conversions de musulmans au christianisme, et faisant référence à des heurts datant du début des années 1980 entre des membres de l’Eglise du Nouveau Testament et des non-chrétiens à Miri, dans l’Etat voisin de Sarawak.

Le pasteur Taipin Molidoi a expliqué que son Eglise est l’un des cinq membres fondateurs du Conseil des Eglises (chrétiennes) de Sabah et appartient au Rassemblement national des mouvements évangéliques depuis 1984. Son Eglise à Sabah trouve un soutien principalement auprès des peuples aborigènes dans les Etats de Sabah et de Sarawak et “au cours des nombreuses années de présence dans ces deux Etats, l’Eglise évangélique de Bornéo n’a pas perturbé la paix et l’harmonie raciale qui existent entre les nombreuses communautés (qui y vivent) a-t-il notamment déclaré.

Selon différents observateurs locaux, la “sortie” d’un membre du cabinet du Premier ministre contre ces deux Eglises protestantes a constitué une surprise, rien n’indiquant auparavant que le gouvernement nourrissait un quelconque grief contre elles. Mais le contexte politique malaisien pourrait offrir une explication. En effet, les élections législatives auront lieu au plus tard en 2004 et sans doute avant, en 2003, étant donné la récente annonce par le Premier ministre Mahathir de sa démission prochaine de la tête de l’exécutif malaisien. Bin Umar pourrait avoir saisi l’occasion pour dénoncer le soutien que l’Eglise évangélique de Bornéo apporte, selon lui, au Parti Bersatu Sabah (PBSun parti effectivement dominé par des chrétiens et qui a dirigé l’Etat de Sabah de 1985 à 1994 avant de s’incliner devant la coalition du Front national, du Premier ministre Mahathir Mohamad. Le PBS a fait partie du Front national jusqu’en 1990, date à laquelle il a rejoint l’opposition à la veille d’une échéance électorale, et vient juste, il y a quelques mois, de joindre à nouveau la coalition au pouvoir à Kuala Lumpur. Selon des observateurs, Bin Umar aurait voulu, par son discours, faire sentir au PBS que sa versatilité n’était pas sans conséquence. Le pasteur Taipin Molidoi a, pour sa part, déclaré que son Eglise “a pour principe de ne pas s’engager dans des activités politiques et n’est alignée sur aucun parti politique”.