Eglises d'Asie – Pakistan
Deux attaques terroristes contre des établissements chrétiens occidentaux au Pakistan obligent les responsables à s’interroger sur l’avenir
Publié le 18/03/2010
Selon le récit du directeur de l’école de Murree (1), Russel Norton, trois inconnus masqués (2), armés de fusils d’assaut AK 47, sont arrivés sur le seuil de l’établissement scolaire dans la matinée du 5 août alors qu’après la récréation du matin, les 146 élèves venaient de quitter la cour pour rejoindre leurs salles de classe. Les premiers coups de feu ont été tirés sur le gardien posté à l’extérieur du bâtiment, qui a été tué. Après avoir pénétré à l’intérieur du complexe scolaire, les attaquants ont volontairement, semble-t-il, ignoré les bâtiments de classe où se trouvaient l’ensemble des élèves âgés de 6 à 18 ans. Ils se sont introduits à l’intérieur du pensionnat où, pendant dix à quinze minutes, ils ont échangé des coups de feu avec les trois gardiens chargés d’assurer la sécurité des lieux. Lorsque les assaillants ont quitté l’école, apparemment indemnes, six victimes étaient à terre parmi lesquelles on a reconnu deux agents de la sécurité, un cuisinier, un charpentier, un réceptionniste et un employé. Quatre d’entre elles étaient musulmanes et les deux autres chrétiennes.
L’attaque de l’hôpital presbytérien du 9 août suivant offre certains points communs avec celle de l’école. En dehors du fait que, dans les deux cas, les agresseurs s’en sont pris à des institutions témoignant d’une façon visible de la présence chrétienne et occidentale dans le pays, ils ont fait preuve à chaque fois d’une connaissance précise de l’horaire des activités des établissements concernés. La bombe a été jetée à l’intérieur de la chapelle de l’hôpital alors que l’ensemble du staff de l’hôpital, environ 200 personnes, participait à l’office de prières précédant le travail de la journée (3). Le fait que les femmes étaient séparées des hommes dans la chapelle et qu’elles sont sorties les premières explique que seules les infirmières ont été touchées par l’explosion.
On peut penser cependant que les objectifs des deux attaques étaient de nature différente. Dans la première, selon les dires du directeur de l’école, les agresseurs ont sciemment épargné la vie des élèves et des enseignants, ce qui semble indiquer que leur principal objectif n’était pas de tuer, mais de répandre l’effroi dans la communauté chrétienne étrangère. En effet, aucun des élèves originaires des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, du Canada et de l’Allemagne et aucun des membres du corps enseignant au nombre de 35 n’a été touché. Au contraire, à l’hôpital chrétien de Taxila, les circonstances choisies pour l’explosion de la bombe, à savoir la chapelle à l’heure de la prière, soulignaient la volonté meurtrière des terroristes et l’identité chrétienne des victimes.
De toute façon, l’impact a été particulièrement grand sur la communauté chrétienne étrangère se consi-dérant déjà comme en état de siège depuis l’attentat dans l’église de Bahawalpur du 28 octobre 2001 (4) avec ses 15 morts, l’attaque à la bombe dans une église protestante d’Islamabad le 14 janvier 2002 et le meurtre de cinq fidèles dans l’église protestante internationale d’Islamabad, le 17 mars sui-vant (5), sans compter l’attentat contre une mission diplomatique des Etats-Unis du 14 juin dernier et l’attaque à la bombe contre le car transportant des coopérants français du 8 mai dernier. « Ils voulaient créer un choc psychologique sur notre communauté, a fait remarquer le directeur de l’école mission-naire de Murree. Le meilleur moyen était de s’attaquer à nos enfants. » Beaucoup d’étrangers ont quit-té le Pakistan lors de la guerre anti-terroriste menée par les Etatsunis après les événements du 11 sep-tembre 2001. Les ambassades et les compagnies multinationales n’ont gardé sur place que le personnel strictement indispensable. Cependant, jusqu’à présent, les effectifs des missions chrétiennes étaient restés relativement importants. Désormais, la question de la cessation ou de la poursuite des activités des établissements chrétiens occidentaux au Pakistan est posée par leurs responsables eux-mêmes.
Cette question se pose avec d’autant plus d’acuité que de nombreux observateurs ainsi que les services de renseignements pakistanais voient dans ces deux derniers attentats le début d’une offensive menée par des éléments terroristes nouveaux contre des cibles chrétiennes et étrangères et visant en dernier ressort la politique pro-occidentale du général Pervez Musharraf. Selon des informations communiquées par des sources militaires et policières, des hauts dirigeants des associations islamiques interdites Harkat-ul-Mujahideen et Jaish-e-Mohammad auraient volontairement informé les services de renseignements gouvernementaux que des éléments de leurs réseaux avaient constitué des groupes d’assaut poursuivant des objectifs « anti-chrétiens » et « anti-occidentaux ».
Au lendemain de l’attentat perpétré dans l’hôpital de Taxila, le 9 août, le pape s’est fait le représentant de l’émotion causée dans le monde chrétien, par cette attaque contre des vies innocentes. Dans un communiqué publié par le nonce apostolique au Pakistan, il a « condamné sans équivoque tous les actes de violence ou de destruction et a demandé à la communauté internationale de redoubler d’efforts pour construire un monde de compréhension et de respect mutuels ».