Eglises d'Asie

L’EQUATION MUSULMANE SUR LA SCENE POLITIQUE MALAISIENNE

Publié le 18/03/2010




En Malaisie, les questions religieuses sont du domaine des docteurs en religion, les oulémas. Mais le discours qui a trait à l’islam n’en est pas moins teinté de politique et l’équation ethnique complexe qui est celle du pays. Et, aujourd’hui, les oulémas tendent de plus en plus à adhérer aux positions défendues par la PAS (Parti islamique pan-malaisien). Le PAS s’est approprié l’islam et en a fait un outil politique, plaçant peu à peu mais résolument l’UMNO (Organisation nationale des Malais unis) sur la défensive. Le résultat, si l’on en croit Lim Kit Siang, président du Parti démocratique d’action, parti d’opposition, est “une compétition malsaine où les deux partis se livrent à une surenchère sur tout ce qui concerne la religion musulmane”.

Ce phénomène est visible dans le débat a lieu actuellement au sujet du hudud ou le code pénal musulman. Le PAS ne peut le faire appliquer car il est inconstitutionnel. Et l’UMNO ne fera rien pour amender la Constitution et plaire ainsi à son rival. Mais le PAS est au pouvoir dans les deux Etats de Terengganu et de Kelantan et, en faisant voter le hudud par les parlements locaux et en mettant ensuite en avant la réluctance de l’UMNO à le faire appliquer, le PAS a poussé le parti aujourd’hui au pouvoir dans ses retranchements, créant un cercle vicieux de surenchères dans le domaine religieux.

Le 14 juillet, l’Assemblée législative de Terengganu, dominée par le PAS, a donc voté une loi remplaçant le code pénal en vigueur dans cet Etat du nord-est de la péninsule malaise par un texte directement inspiré des enseignements de l’islam. Quatre députés membres de l’UMNO, qui s’était engagé à s’opposer au texte de loi, se sont simplement abstenus de voter. “Nous ne voulions pas que le PAS capitalise sur ce point », s’est justifié par la suite, d’un air penaud, Rosol Wahid, député et membre de l’UMNO.

Tout comme en Indonésie, il existe en Malaisie un aspect relativement bénin de la charia, laquelle a toujours joué un rôle dans le système judiciaire du pays. L’appareil judiciaire malaisien et les lois en vigueur doivent beaucoup au système séculier hérité de la Grande-Bretagne, l’ex-puissance coloniale. Mais, d’un point de vue juridique, la vie privée des musulmans – du divorce et de l’héritage aux questions morales – tombe sous le coup des tribunaux religieux qui appliquent le droit musulman, la charia. Ces tribunaux peuvent punir pour quasiment tout – de la consommation d’alcool à l’absence à la prière du vendredi en passant par le fait d’être surpris dans des circonstances compromettantes avec un membre du sexe opposé étranger à la famille. Cependant, les peines encourues sont légères – une amende, la plupart du temps – et l’embarras que procure le fait de passer devant ces tribunaux suffit à les rendre dissuasifs.

Dans les deux Etats contrôlés par le PAS, le hudud pourrait bien bouleverser tout cela. Pour l’heure, cependant, Kuala Lumpur a donné l’ordre à la police de ne pas coopérer à l’application de ce code pénal. De plus, un parlementaire éminent, membre de l’UMNO, a cherché à obtenir que la Court de justice fédérale se prononce contre le hudud en le déclarant inconstitutionnel. Reste à savoir si cela suffira. Contrairement à l’Etat de Kelantan, contrôlé par le PAS et où des lois instituant le hudud ont été votées il y a onze ans de cela mais où rien n’a été entrepris pour les faire appliquer, Hadi Awang, le virulent ministre-président de l’Etat de Terengganu et le principal dirigeant du PAS, semble résolu à faire appliquer le code pénal musulman. Il s’est engagé à le faire “d’ici un an”.

Si les autorités de l’Etat de Terengganu mettent effectivement à exécution leurs engagements et trouvent le moyen de faire appliquer par eux-mêmes le hudud, la réponse de Kuala Lumpur n’est pas certaine. “Personne ne veut penser à cette éventualité, déclare un parlementaire malais dans la capitale fédérale. Chacun espère que ce n’est là que de la politique politicienne.” Cette façon de voir les choses ne paraît pas être celle de Hadi Awang. Devant des journalistes à qui il expliquait que le hudud préviendrait de manière significative les crimes, Hadi a qualifié ces lois d’“extraordinaires” car “les gens deviennent terrifiés”.