Eglises d'Asie

L’intérêt récemment porté par les médias officiels chinois à l’Eglise catholique suscite les commentaires variés des observateurs

Publié le 18/03/2010




Les observateurs familiers des affaires de l’Eglise catholique en Chine n’ont pas manqué de remarquer le soudain et inhabituel intérêt de plusieurs médias officiels chinois de premier plan pour le catholicisme. Entre le 28 juillet et le 8 août dernier, l’agence de presse officielle Xinhua (‘Chine nouvelle’) a consacré pas moins de neuf dépêches ou reportages à l’Eglise catholique, repris tout ou en partie par nombre de médias du continent. La figure de l’évêque « officiel », Mgr Michael Fu Tieshan, nommé en 1979 au siège de Pékin sans accord ou entente préalable avec le Saint-Père, était le plus souvent mise en avant. Publiés en chinois ainsi qu’en anglais, ces écrits avaient pour sujet la prise d’habit définitive de religieuses à Pékin, la formation des jeunes prêtres, la restauration de l’archevêché, ou encore les préparatifs de l’Eglise en vue des jeux olympiques de 2008.

A l’extérieur de Chine, les commentaires ont été variés quant à la signification à donner à ce soudain intérêt manifesté par les médias chinois. Pour Anthony Lam Sui-ki, du Centre de recherche du Saint Esprit à Hongkong, si le gouvernement cherche là à améliorer son image sur les questions ayant trait au respect de la liberté religieuse, cette campagne ne doit pas cacher les restrictions auxquelles se heurte sans cesse la partie non officielle de l’Eglise catholique et d’une façon générale tous les groupements religieux non reconnus par les autorités. Pour Gianni Criveller, ces reportages semblent indiquer que ceux, parmi le personnel d’Eglise, qui collaborent avec le gouvernement seront ceux qui auront une place de premier plan tant au sein de l’Eglise que sur la scène politique.

Selon Bao Rong, pseudonyme d’un observateur de longue date des questions religieuses en Chine, la campagne médiatique serait à rapprocher de la visite, à la fin du mois d’octobre prochain, du président Jiang Zemin aux Etats-Unis, pays où le respect de la liberté religieuse dans le monde est un sujet d’importance. Bao Rong estime que cette visite pourrait être suivie de la normalisation des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Chine populaire, une question que le président George W. Bush avait soulevée lors de sa visite à Pékin en février dernier. Le P. Jeroom Heyndrickx, directeur de la Fondation Verbiest, pense cependant que le prochain séjour de Jiang Zemin au Texas et la récente couverture médiatique, centrée principalement sur le diocèse de Pékin, sont deux événements trop éloignés l’un de l’autre dans le temps pour pouvoir être liés. Selon une autre source, proche du Vatican et citée par l’agence Ucanews (1), ce soudain intérêt des médias chinois pour l’Eglise n’a sans doute rien à voir avec les relations sino-vaticanes et reste à ce jour inexpliqué. « Pourquoi maintenant ? », s’interroge cette source.

A Pékin, le 8 août dernier, le P. Francis Xavier Zhang Tianlu, secrétaire du diocèse de Pékin pour les affaires extérieures et vice-secrétaire général de la branche pékinoise de l’Association patriotique des catholiques chinois, a déclaré que l’intérêt des médias chinois ne faisait que refléter les nouvelles orientations prises par le diocèse, telles qu’elles ont été définies « l’an dernier [.] alors que nous entrions dans le XXIe siècle ». A en juger par le contenu des dépêches publiées, l’accent est mis sur le fait que la Chine est capable de développer et de gérer son Eglise de façon indépendante. Par exemple, le 5 août, à l’occasion de l’inauguration de l’Institut pour les études sur la culture et le christianisme, placé sous l’autorité du diocèse de Pékin, l’agence Xinhua a cité Mgr Michael Fu : « Ce sera la première fois que des recherches seront menées non par le clergé étranger mais par le clergé local formé ces cinquante dernières années. » Toujours selon Xinhua, l’évêque de Pékin a ajouté : « Le catholicisme, en dépit de son histoire parfois mouvementée en Chine, est devenu une part importante de la culture chinoise traditionnelle en s’unissant à la culture nationale dominante. »

Outre l’inauguration de cet institut, Xinhua a, le 1er août, rapporté les plans du gouvernement visant à restaurer l’ancienne résidence épiscopale de Pékin. Bâti en 1887 et jouxtant l’église du Nord (la cathédrale Saint Sauveur) dans la rue Xishiku, le bâtiment a été transformé en école secondaire dans les années 1950. Aujourd’hui, selon Ji Wenyuan, directeur adjoint du Bureau des Affaires religieuses de la municipalité de Pékin, les autorités ont débloqué un crédit de 60 millions de yuans (7,2 millions d’euros) pour reloger l’école et un autre de 20 millions pour restaurer l’ancien archevêché « tel qu’il était autrefois ». Le 5 août, toujours sur le fil de l’agence Xinhua, Mgr Fu Tieshan, commentant un rapport sur les jeunes prêtres chinois, a souligné l’important rôle joué par ces prêtres, formés en Chine, dans l’évangélisation. Le 1er août, Mgr Fu a mis en avant le fait que la Chine travaillait à ce que des services religieux soient offerts en anglais, en espagnol et dans d’autres langues lors des jeux olympiques de 2008 à Pékin. Enfin le 28 juillet dernier, Xinhua a donné un large écho aux voux perpétuels prononcés par six religieuses du diocèse de Pékin, une première depuis la fondation de la République populaire, en 1949 (2).