Eglises d'Asie

Les futurs prêtres du Pakistan sont appelés par l’archevêque de Lahore à tourner la page du passé et affronter courageusement le présent

Publié le 18/03/2010




Dans un discours prononcé à l’occasion de la rentrée scolaire du grand séminaire national du Christ-Roi, appelé aussi l’Institut national de théologie catholique, à Karachi, l’archevêque de Lahore, Mgr Lawrence John Saldanha, a présenté sans fard la situation de la communauté chrétienne et plus particulièrement de l’Eglise catholique au Pakistan, “une Eglise en proie aux agressions extérieures a-t-il souligné. Il a décrit l’année écoulée comme une des plus angoissantes et des plus obscures de l’histoire de l’Eglise du pays. “Jamais, dans le passé, nous n’avions subi autant d’attaques contre les chrétiens, autant de meurtres.” Il est à craindre, a-t-il ajouté, que ceux-ci ne se multiplient à l’avenir.

Depuis le 11 septembre 2001, la communauté chrétienne au Pakistan est devenue la cible facile et sans défense des attaques des extrémistes musulmans. C’est en effet après cette date que les Etats-Unis, considérés au Pakistan comme un Etat chrétien, ont déclaré la guerre au terrorisme international et lancé leurs attaques contre l’Afghanistan, attaques auxquelles une majorité de la population pakistanaise s’est opposée. La présence d’établissements chrétiens, autochtones et étrangers, dans le pays, est devenue emblématique de ce que l’on a considéré comme l’agression du monde occidental et donc chrétien. Récemment, dans la même semaine du mois d’août, deux attaques successives ont eu lieu contre deux centres chrétiens (1). Des militants islamistes ont ouvert le feu sur une école chrétienne faisant six morts et plusieurs blessés. Des grenades ont été jetées dans la chapelle d’un hôpital chrétien, tuant onze personnes y compris un attaquant. Au mois de mars, cinq fidèles étaient morts au cours d’une attaque survenue dans l’église protestante internationale d’Islamabad (2). L’année précédente, en octobre, des terroristes avaient ouvert le feu pendant un service protestant célébré dans une église catholique à Bahawalpur, provoquant la mort de quinze fidèles (3).

Ce rappel des tragiques événements récents a amené l’archevêque à conclure : “Peut-être, avons-nous été trop isolés dans le passé. Nous devons chercher à travailler en commun avec les organisations et les groupes musulmans. C’est la clef de notre vraie survie en tant qu’Eglise.” Les circonstances dramatiques traversées par l’Eglise au Pakistan, a-t-il ajouté, sont, pour le grand séminaire, son corps enseignant et ses étudiants, un défi auquel ils doivent répondre, un appel à ce qu’il a appelé “le réveil”. La formation théologique ne peut s’appuyer que sur l’expérience de foi, individuelle et communautaire. Elle doit prendre en compte les aspects pastoraux et spirituels de la conjoncture actuelle.

Avec quelque nostalgie et, comme pour tourner la page du passé, l’archevêque a évoqué en quelques phrases l’histoire du grand séminaire du Christ-Roi, fondé il y quelque 48 ans. Les premières années furent remplies d’optimisme et d’espoir. L’Eglise bénéficiait alors de beaucoup d’honneur et de prestige. Le Concile Vatican II avait ouvert pour elle de nouveaux horizons. Le Pakistan était un pays neuf progressant rapidement dans les domaines aussi bien économique que politique. Le fondateur du pays, Mohammad Ali Jinnah, envisageait liberté et égalité pour toutes les religions de la nation nouvellement venue au jour. Les gouvernements et les dictatures qui lui succédèrent modifièrent la Constitution et promulguèrent des lois défavorables aux non-musulmans et discriminatoires à leur égard, plus particulièrement les lois contre le blasphème et les dispositions électorales. Tout récemment, les évolutions de l’histoire mondiale ont renforcé l’isolement des chrétiens au sein de leurs compatriotes.

Au cours de la même cérémonie d’ouverture de l’année scolaire 2002-2003, le recteur de l’Institut catholique a annoncé que 90 étudiants suivraient, cette année, les cours de cet établissement. Quarante d’entre eux se sont inscrits aux cours du soir, soit le double du nombre des étudiants inscrits l’an dernier.