Eglises d'Asie

LETTRE PASTORALE DES EVEQUES CATHOLIQUES DU PAKISTAN A L’OCCASION DES ELECTIONS LEGISLATIVES DU MOIS D’OCTOBRE 2002

Publié le 18/03/2010




Chères sours et chers frères bien aimés dans le Christ Jésus,

Après le référendum national, nous avons à faire face maintenant à un événement crucial de notre histoire, à savoir les prochaines élections législatives, dites Elections générales, de 2002. En tant que chrétiens et citoyens pakistanais, nous devons être conscients de l’importance de ce moment historique. Comme évêques, c’est notre devoir de souligner notre responsabilité de chrétiens et de donner quelques directives pour une plus ample participation à ce processus politique qui déterminera l’avenir de notre patrie.

Jésus nous apporte la vie

“Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance” (Jn 10,10). Ces paroles solennelles de Jésus Christ notre Seigneur et notre Sauveur expriment son désir que tous les êtres humains puissent jouir de la plénitude de la vie, c’est-à-dire une vie vécue dans des conditions décen-tes, une vie de paix et d’harmonie, de justice et d’amour. Tout au commencement de son ministère public, Jésus a, sans ambages, annoncé sa mission et son programme : “L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a consacré pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé annoncer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés et proclamer une année de grâce du Seigneur” (Lc 4,18-19).

Jésus a clairement affirmé que sa vie et son ministère ont été pour la libération des hommes, que ce soit une libération spirituelle, c’est-à-dire de leurs péchés, ou que ce soit une libération culturelle, c’est-à-dire de coutumes oppressives venues des anciens, ou que ce soit même une libération politique, c’est-à-dire en contestant les structures injustes de la société ou des autorités religieuses. Ainsi, Jésus se sent concerné par tous les aspects de la vie, ce qui englobe la vie politique elle-même et touche à la manière de vivre des hommes, à leurs rapports entre eux, à tout ce qui façonne la société dans laquelle nous souhaitons vivre.

Eglise et vie politique

L’Eglise est le corps du Christ et se doit d’accomplir la mission de Jésus dans le monde : “Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie” (Jn 20,21). Si l’Eglise ne participait pas aux affaires politiques, ce serait, de sa part, manquer à ses responsabilités. Elle doit être “sel” et “lumière” jusque dans le monde de l’économie, des affaires, de la politique et de la culture. Dans un Etat démocratique moderne, le peuple est appelé à participer sérieusement à la réalisation du bien commun de la nation. C’est pourquoi, nous, en tant que pasteurs et guides du troupeau, voudrions fortement encourager tous nos fidèles à participer au processus politique en votant avec sagesse. En effet, élaborées par de bons et sages dirigeants élus, les lois aideront à développer le bien commun et le progrès de la société. Aussi l’homme ordinaire bénéficiera-t-il de ces justes lois et politiques et pourra réaliser pleinement son humanité, don de Dieu, comme Jésus lui-même l’a voulu. Lui-même nous donna un exemple quand il commanda à ses disciples de remplir leurs devoirs civiques et de payer leurs impôts : “Donnez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu” (Mtt 22,21).

Le retour à un système d’électorat associé fera de nous des citoyens égaux

Nous sommes reconnaissants et nous nous réjouissons, après avoir été depuis vingt ans marginalisés et soumis au système dits des “électorats séparés” des gouvernements précédents, de retrouver le droit fondamental de chaque citoyen de voter pour le candidat de son choix. Des chrétiens peuvent voter pour des musulmans et des musulmans pour des chrétiens. Ceci se nomme un système d’“électorat associé” et nous y voyons comme l’accomplissement de la vision du Quaid-e-Azam (Mohammad Ali Jinnah, fondateur du Pakistan), qui déclarait le 11 août 1947 : “Nous partons de ce principe fondamental que nous sommes tous citoyens et membres égaux de l’Etat.” Nous pouvons maintenant travailler avec dignité et un zèle renouvelé pour l’élévation spirituelle et l’amélioration du Pakistan. Le système de l’électorat associé reconnaît les minorités comme des membres à part entière de la patrie, de notre patrie. C’est une manière concrète de participer de façon active au processus de construction de la nation. Cela nous introduit au centre de la vie nationale et en contact direct avec les personnes qui ont pouvoir et autorité. Le besoin immédiat est de construire une société tolérante, démocratique et humaine, en paix avec elle-même et le reste du monde. Ainsi, nous, en tant que chrétiens, devons pleinement participer à ce processus démocratique : c’est notre devoir et notre responsabilité d’établir dans leurs fonctions des dirigeants capables, qu’ils soient musulmans, chrétiens ou d’autre appartenance religieuse.

Le principe du libre choix

Par conséquent, nous, les évêques, exhortons avec force tous les fidèles à participer pleinement au processus politique. Cependant, il doit être clairement indiqué que nous n’endossons aucun parti politique ou candidat spécifiques. Cela n’est ni notre tâche ni notre intention. Nous voulons plutôt vous rappeler que le but du système démocratique est de laisser chaque électeur libre de faire intelligemment son propre choix, fondé sur la sagesse et une opinion bien informée.

Nous devons donc réaliser l’importance de notre vote et en user avec sagesse et pour le mieux. Dans certaines circonscriptions, les minorités représentent la majorité des électeurs et donc, s’ils sont unis, les chrétiens pourront aider des membres de leur communauté à gagner un siège.

Directives pastorales

Nous voudrions indiquer quelques directives pastorales à nos fidèles :

1. Tous les adultes de plus de 18 ans ont le droit de voter. Ils doivent s’assurer d’être en possession d’une carte d’identité et d’être inscrits sur la liste des électeurs de leur circonscription.

2. Plutôt que de former leurs propres petits partis, nous encourageons nos fidèles à prendre part à des politiques actives en se joignant aux principales formations que ce soit au niveau national ou régional. En se joignant à ces partis, ils pourraient influencer leurs programmes et ainsi jouer un rôle constructif dans le système de l’électorat associé.

3. Les électeurs devront connaître le programme ou la plate-forme du parti ou du candidat pour qui ils voteront. Ils devront aussi s’assurer que les droits des femmes sont respectés et promus par le parti ou le candidat.

4. Les catholiques devront donner leur précieux vote aux candidats musulmans ou chrétiens, selon leurs mérites (à savoir, ce qu’ils peuvent faire pour le bien commun de la communauté), plutôt que d’après leurs intérêts mesquins comme la braderi (parenté), les relations, le sexe, l’intérêt financier ou les intérêts d’une seule communauté.

5. Le candidat de votre choix devra être une personne de caractère et de bonne réputation morale, connue pour son intérêt envers les pauvres et sa volonté d’être leur porte-parole.

6. Dans un monde qui a perdu le sens de la moralité, nous avons besoin de dirigeants dynamiques qui s’inspirent des valeurs évangéliques de compassion, d’honnêteté et de justice. Nous exhortons donc ces laïcs catholiques remplis de sens civique, homme ou femme, qui penseraient avoir les qualités nécessaires, à se présenter comme candidats aux élections générales de 2002. Animés par le sentiment chrétien de mission et de vocation, ils devront être comme le “sel” et le “levain” dans le très dur monde de la politique et continuer la lutte pour les droits des opprimés et des masses silencieuses.

7. C’est un fait que notre peuple a été écarté de la politique pendant deux décennies. Il n’est donc pas politiquement aussi conscient qu’il pourrait l’être dans une démocratie normale. Désormais, notre clergé, nos religieux, catéchistes et animateurs devront travailler à éduquer les électeurs et les informer de leurs devoirs et responsabilités politiques mentionnés ci-dessus. Mais ils devront prendre aussi toutes précautions pour que l’Eglise ne soit identifiée à aucun parti politique en particulier.

Exhortation finale

Chers concitoyens, comme évêques, c’est notre fervent espoir que les élections générales, sous le système de l’électorat associé, aideront les minorités à redécouvrir leur dignité et leur fierté comme citoyens patriotes à part entière du Pakistan. Nous vous exhortons à entrer de tout cour en contact quotidien avec les personnes des autres religions, à faire l’expérience de la culture du dialogue et avancer sur le chemin de la paix, de la coopération et de l’harmonie avec d’autres compatriotes de même conviction. Tout à fait conscients du fait que le vote des catholiques a participé à la création du Pakistan, renouvelons notre engagement à travailler pour un Pakistan fort et uni. Ces mots de la Sainte Bible nous rappellent ce qui est attendu de nous : “Soyez en paix entre vous. Nous vous y engageons, frères, reprenez les désordonnés, encouragez les craintifs, soutenez les faibles, ayez de la patience envers tous”. (1 Thessaloniciens 5,14)

Vos pasteurs dans le Christ,

Les évêques catholiques du Pakistan

1er juin 2002