Eglises d'Asie

L’INEGALE MISE EN OUVRE DE LA POLITIQUE DE L’ENFANT UNIQUE

Publié le 18/03/2010




Yushui, Chine populaire – Placés sous la politique chinoise de l’enfant unique, les couples vivant dans le district rural de la province du Jiangxi devaient naguère impérativement détenir un permis spécial pour avoir un enfant. La règle était que les femmes se voyaient implanter un stérilet après avoir mis au monde un premier enfant et stériliser après un second.

Mais les temps ont changé. Il y a déjà plusieurs années que les permis ont été supprimés à Yushui et que les femmes sont libres de leur choix en ce qui concerne les méthodes de régulation des naissances. De même, les employés du planning familial ont cessé de recevoir des objectifs exprimés en termes de quotas de naissances ou de taux de stérilisation. La seule peine encourue aujourd’hui par les couples qui mettent au monde un deuxième enfant, voire plus, est une amende. Et encore, il arrive bien souvent qu’elle ne soit pas collectée dans sa totalité.

“Finalement, je veux un autre enfant rapporte Hu Jufang, habitante de Yushui. Agée de 29 ans, elle est déjà mère d’un garçon de 4 ans. “Je ne m’inquiète pas de l’amende. La raison principale de notre attente est d’ordre économique 

Yushui n’est pas un cas isolé et pourrait résumer un aspect moins brutal et de plus en plus répandu du planning familial en Chine, un pays dont la politique suivie en la matière a pourtant conduit l’administration Bush, le mois dernier, à supprimer un financement de 34 millions de dollars US au Fonds pour la population des Nations Unies. Mais l’accent porté sur l’éducation, le libre choix des moyens de contraception et les amendes, n’est pas entendu partout dans le pays. Ailleurs en Chine, les autorités locales ont persisté dans la mise en ouvre de moyens radicaux incluant les quotas de naissances qui, selon les défenseurs des droits de l’homme, conduisent à des avortements forcés et des stérilisations non voulues.

Yang Lianjun, par exemple, a connu un autre visage de la politique de l’enfant unique. Après ce qui est arrivé à sa femme, alors enceinte de leur deuxième enfant, Yang, aujourd’hui père de quatre enfants, préfère ne pas donner le nom de son village, situé dans la région de Zhoukou de la province du Henan, à 650 km. au nord de Yushui. A cette époque, les agents locaux ont demandé à son épouse d’avorter et, lorsque le couple a refusé, rapporte-t-il, une équipe de vingt agents est venue les punir en détruisant leur maison et en confisquant leurs terres.

Yang et sa femme sont partis vivre dans la banlieue de Pékin où ils se sont cachés et ont eu plusieurs enfants. Ils se sont arrêtés après le quatrième. Leur premier enfant, âgé de 3 ans, joue dans la saleté pendant que ses parents se démènent à gagner leur vie en vendant des pastèques à l’arrière d’un camion.

“Quelle famille de paysans n’a pas de fils ? Qui va s’occuper de nous quand nous serons vieux ? interroge Yang, 37 ans et qui fait partie de ces innombrables migrants surnommés les “guérilleros des naissances supplémentaires” pour le combat obstiné mené par eux contre les responsables du planning familial.

L’application inégale de la politique de l’enfant unique en Chine se traduit par le fait que, pendant qu’un nombre croissant de familles à travers le pays jouit d’une plus grande liberté dans le choix du moment et éventuellement dans le nombre d’enfants qu’ils auront, d’autres sont toujours soumis à des règles draconiennes et placés sous la surveillance d’un réseau d’agents du planning familial qui parfois vont jusqu’à porter sur des tableaux publics les cycles menstruels des femmes dont ils ont la responsabilité.

L’abîme qui sépare des endroits comme Yushui et Zhoukou est souvent négligé lors des débats sur les efforts du gouvernement chinois pour limiter les naissances dans la nation la plus peuplée du monde. L’administration Bush a supprimé l’aide financière apportée à l’agence des Nations Unies qui s’occupe des questions démographiques parce que les activités de cette agence ont aidé à maintenir “un programme d’avortement coercitif L’Union européenne, d’autre part, a augmenté le financement qu’elle apporte à cette agence, arguant du fait que son travail contribue à aider la Chine à adopter des programmes de planning familial plus humains.

Dans les faits, la politique de l’enfant unique en Chine n’est ni aussi draconienne et rigide que certains de ses critiques le prétendent, ni aussi flexible et appliquée de manière volontaire que le proclament certains de ses défenseurs.

Lancée en 1980 après que la population eut atteint le milliard, cette politique reste la plus ambitieuse des nombreuses tentatives du Parti communiste pour peser sur le secteur social. Cependant, son application a toujours été incomplète. De nos jours, seulement 20 % des enfants de moins de 14 ans sont nés dans des familles à enfant unique, annonce la Commission d’Etat du planning familial.

La politique de l’enfant unique a été plus qu’efficace dans les villes, où les habitants doivent payer de lourdes amendes et peuvent perdre leur emploi en cas de seconde naissance et où de nombreux couples préfèrent avoir moins d’enfants. Mais, dans les campagnes, là où les parents comptent sur l’aide de leurs enfants, plus particulièrement les garçons, la résistance a été très répandue.

Les journaux font régulièrement mention de conflits entre paysans et agents du planning familial. Ceux-ci prennent souvent des libertés avec les règlements, quelque fois pour récolter des pots-de-vin, parfois pour éviter les tracas entraînés par l’application de la loi. Vers le milieu des années 1980, la majeure partie des communautés rurales ont autorisé les familles n’ayant eu qu’une fille à avoir un deuxième enfant après quatre ans – afin d’essayer d’avoir un fils.

Ici, à Yushui, à environ 800 km. au sud-ouest de Shanghai, les agents locaux disent qu’ils avaient coutume de contraindre les femmes enceintes n’ayant pas d’autorisation pour enfanter à avorter et que l’évaluation des agents du planning familial se faisait en fonction du nombre de femmes stérilisées. “Il y avait des conflits tout le temps se rappelle Hu Laiyin, 70 ans, habitant de Xinqiao, un village du district de Yushui.

Au milieu des années 1990, le gouvernement central s’est lassé des conflits. Au même moment, les attitudes envers les enfants ont changé. Avoir une famille nombreuse a paru intéresser moins de couples, parce qu’il était devenu plus onéreux d’élever des enfants. Certains agents du planning familial ont avancé alors que les conditions étaient réunies pour tenter des tactiques faisant appel à moins de coercition.

En 1995, Pékin a approuvé un projet pilote dans six districts ruraux où les agents du planning familial ont eu pour tâche de limiter les naissances en développant les services de santé aux femmes, en apportant plus d’informations sur la contraception et en autorisant les couples à être maîtres de leurs propres décisions. Puis, en 1998, l’agence des Nations Unies pour la population a encouragé la Chine à faire un pas supplémentaire, en apportant des fonds et en finançant dans trente-deux districts ruraux – y compris Yushui – des formations, à charge pour les autorités locales d’abandonner les permis, les objectifs et les quotas de naissance ainsi que d’arrêter de promouvoir l’avortement en tant qu’outil du planning familial.

“A cette époque, nous étions nerveux. Nous nous inquiétions de savoir si, sans les permis et les objectifs, nous allions être capables de contrôler la croissance de la population témoigne Huang Xinming, responsable du planning familial à Yushui. Mais, quatre ans plus tard, la croissance de la population est restée stable. De plus, la mortalité infantile et d’autres indicateurs de santé ont été améliorés, poursuit-il, et les relations entre les agents du planning familial et la population se sont détendues.

Des résultats similaires ont été enregistrés dans les trente-et-un autres districts.

Selon Chen Shengly, haut fonctionnaire à la Commission d’Etat du planning familial, les responsables à travers le pays ont été impressionnés par les résultats du projet piloté par les Nations Unies et, depuis, nombreux sont ceux qui abandonnent les permis de naissance et les quotas. “D’ici relativement peu de temps, je dois admettre qu’ils seront petit à petit éliminés partout à travers le pays”, ajoute Chen Shengly.

Xie Zhenming, un haut responsable du Centre de recherches et d’information sur la population en Chine, institut dépendant des autorités, a pris position pour ces changements dans l’application de la politique de l’enfant unique. Selon lui, ces cinq dernières années, les permis et les quotas ont été abolis dans un quart des villes et districts du pays, représentant presque le quart des 1,3 milliards de Chinois. Et à peu près la moitié de la population vit désormais dans des juridictions qui autorisent les femmes à choisir le type de contraception qu’elles utilisent.

Mais cela laisse encore une très grande partie du pays sous l’ancien système. De plus, des observateurs s’interrogent sur le fait de savoir si les conditions dans ces domaines se sont autant améliorées que les agences onusiennes et les autorités chinoises veulent bien le dire.