Eglises d'Asie

Sichuan : la construction du barrage des Trois Gorges a des effets positifs et négatifs sur la vie des communautés catholiques locales

Publié le 18/03/2010




Depuis que la construction du barrage des Trois Gorges a commencé, en 1993, la vie des populations vivant dans la région située dans une des provinces les plus déshéritées du pays a été profondément bouleversée. A mesure que les travaux avancent – la fin du chantier est prévue pour 2009, date à laquelle la retenue d’eau atteindra la cote de 175 m. -, les déplacements de population prennent de l’ampleur. Sur un total de 1,3 millions de personnes à reloger, les catholiques sont au nombre de 50 000. Ils appartiennent au diocèse de Wanzhou (anciennement Wanxian) et abandonnent progressivement les six églises qui seront bientôt submergées pour de nouveaux édifices de culte, bâtis dans les zones de repeuplement (1). Pour les catholiques locaux, ces changements apportent à la fois des éléments positifs et des éléments négatifs à leur vie.

Etant donné que les églises abandonnées sont anciennes et le plus souvent en mauvais état, le changement est perçu par certains comme l’occasion de construire des églises neuves et plus vastes. De fait, les six édifices détruits seront, à terme, remplacés par huit églises. Pour chacune des églises submergées, les autorités locales ont accordé un terrain d’une superficie une fois et demi supérieure à l’ancienne. La difficulté principale réside cependant dans le coût des nouvelles constructions (2). Selon des sources catholiques à Hongkong, où les fidèles ont été sollicités pour aider au financement des constructions, le gouvernement chinois a approuvé des compensations pour un montant de seulement 2,7 millions de dollars HK alors que la construction des huit églises nouvelles coûtera plus de 28 millions de dollars HK.

Sur place, les catholiques manifestent une joie certaine à se rendre dans des églises neuves mais beaucoup se plaignent du caractère excentré des édifices du culte. A titre d’exemple, l’église Saint Jude de Fengjie a été bâtie à proximité d’une zone d’intérêt touristique, obéissant en cela à la politique du gouvernement visant à développer le tourisme, mais elle est éloignée des nouveaux lieux de vie des catholiques. La plupart des habitants de Fengjie ont été relogés dans la ville nouvelle de Sanmashan, à plus de 20 km. en amont de l’ancienne ville, tandis que la nouvelle église est située à 4 km. en aval de l’ancienne Fengjie. Les anciennes communautés catholiques se trouvent dispersées au sein des villes nouvelles et les contacts sont moins aisés. La pratique s’en ressent. Hu Yangxi, catholique et couturière, explique qu’elle avait coutume d’aller à la messe tous les jours mais que désormais elle n’y va plus qu’une fois par semaine, le dimanche. « Lorsque nous habitions la vieille ville, c’était très facile d’aller à l’église. Maintenant, cela me prend presque une heure et me coûte 10 yuans (1,2 euros) en transport témoigne-t-elle.

Selon le P. Ran Qilian, vicaire général de Wanzhou, le côté positif de ces changements est que l’Eglise y gagne de nouvelles possibilités d’évangélisation, les églises étant situées dans des zones où peu de catholiques vivent et où peu de gens connaissent la religion chrétienne. « De nombreux non-catholiques viennent en curieux à la messe ou à d’autres occasions. C’est bon pour l’évangélisation. »

Outre ces difficultés et ces nouvelles opportunités, la plupart des habitants de la région, qu’ils soient chrétiens ou non, se plaignent de la notoire insuffisance des indemnités offertes par les autorités – lorsqu’elles sont versées. Les paysans des districts de Fengjie, Wanzhou et Wushan ont déjà presque tous été déplacés et vivent difficilement l’arrachement à leurs terres. Certains ont été envoyés jusque dans la lointaine province du Guangdong. Dans les villes, le mécontentement s’attache aux frais occasionnés par les déménagements et les réinstallations. S’ajoute à cela le fait que certaines entreprises d’Etat, en situation de faillite, profitent de la destruction de leurs anciennes usines pour mettre la clef sous la porte, laissant sur le carreau de nombreux employés.