Eglises d'Asie

Hongkong : la veille de la mort du cardinal Wu, dans une interview à la presse, l’évêque coadjuteur du diocèse de Hongkong a vivement critiqué l’administration Tung Chee-hwa

Publié le 18/03/2010




Dans l’édition datée du 22 septembre 2002 du South China Morning Post, soit la veille du décès du cardinal Wu, évêque de Hongkong, Mgr Joseph Zen Ze-kiun, alors évêque coadjuteur et désormais évêque en titre du même diocèse, a donné une interview dans laquelle il a vivement, sinon vertement, critiqué l’administration de Tung Chee-hwa, chef de l’exécutif local. Déclarant que Hongkong, sous l’administration de Tung Chee-hwa, manquait de direction (‘), Mgr Zen a dénoncé ce qu’il qualifie de « culture politique de flagornerie » de la Région administrative spéciale de Hongkong à l’endroit de Pékin et des dirigeants chinois. « Cette culture de la flagornerie détruira Hongkong. Cela signifie que les gens doivent faire ce que le gouvernement veut et ce qui plait à Pékin », a-t-il précisé.

Dénonçant ce qu’il analyse comme un retour en arrière dans le domaine des droits de l’homme et citant en exemple l’évolution de la démocratie, la question du droit au regroupement familial (1) et la récente querelle au sujet du vote prochain d’une « loi anti-subversion », Mgr Zen a déclaré qu’il était de la mission de l’Eglise de prendre la parole pour dénoncer l’injustice, et particulièrement l’injustice dans le domaine social. Il a ajouté que, ce faisant, il ne poursuivait pas un but personnel mais qu’il empruntait un chemin tracé de longue date par le Vatican et suivi par le cardinal Wu. « Le catholicisme ne se résume pas à seulement prier dans les églises. Nous devons montrer que nous nous soucions [des autres] a-t-il ajouté.

Au sujet de Tung Chee-hwa, Mgr Zen a déclaré qu’il lui avait été impossible de le rencontrer pour évoquer certaines questions, dont le problème posé par les quelque 5 000 Chinois du continent présents à Hongkong mais à qui l’administration locale refuse le droit au regroupement familial. « Il (Tung Chee-hwa) n’a jamais de temps pour nous (Mgr Zen et des responsables d’ONG militant pour la défense des droits de l’homme). Cette question est présente depuis si longtemps. Il aurait dû au moins nous laisser une chance de nous faire entendre. Ceci est mauvais, je suis très, très déçu », a répété Mgr Zen dont la réputation de franc-parler est établie (2). Sur le fond de l’avenir de Hongkong, l’évêque catholique a ajouté qu’il était un ardent défenseur du slogan « un pays, deux systèmes » sensé garantir une vraie autonomie à Hongkong. Il a précisé qu’il ne voulait pas que sa ville devienne « comme n’importe quelle autre ville du continent (chinois) ». Justifiant sa prise de position, il a conclu : « Nous perdrons très vite la liberté religieuse si les autres libertés sont érodées. C’est pourquoi nous devons nous faire entendre. »

Agé de 70 ans, Mgr Zen est originaire de Shanghai et a été ordonné prêtre en 1961. Très bon connaisseur de l’Eglise de Chine pour avoir enseigné six mois par an de 1989 à 1996 dans les séminaires « officiels » du continent, il est devenu depuis « la bête noire » du Bureau des Affaires religieuses de Pékin. Qualifié par ce bureau d’« agent du Vatican il est persona non grata en Chine continentale depuis 1998, en représailles, sans doute, à un discours prononcé à Rome et dénonçant l’absence de liberté religieuse en Chine. Selon les observateurs, sa nomination dès 1996 à la charge d’évêque coadjuteur de Hongkong avec droit de succession, soit une année avant la rétrocession de Hongkong à Pékin et quatre ans avant que le cardinal Wu n’atteigne 75 ans, âge auquel tous les évêques remettent leur démission au pape, permet aujourd’hui une transition « en douceur » à la tête du diocèse de Hongkong. Une transition incontestable par les autorités chinoises qui gardent, sur le continent, la haute main sur les nominations d’évêques « officiels ».