Eglises d'Asie

A l’issue des élections législatives, les milieux islamiques fondamentalistes ont désormais une représentation politique

Publié le 18/03/2010




A la veille des élections législatives provinciales et nationales du 11 octobre dernier, le général Pervez Musharaff, au pouvoir depuis le coup d’Etat du 12 octobre 1999, avait promis de restituer le pouvoir au nouveau gouvernement issu des urnes. Les résultats du vote, tels qu’ils sont connus aujourd’hui, laissent craindre que la mise en place d’un nouvel exécutif de type démocratique ne soit chose particulièrement délicate. On sait déjà, en effet, que le nouveau parlement sera principalement composé de trois grands blocs dont aucun n’aura la majorité absolue et l’on se demande comment pourra se former une alliance de gouvernement entre des groupes parlementaires aussi différents et aussi opposés les uns aux autres. Par ailleurs, l’émergence d’une forte représentation des partis islamiques laisse mal augurer du bon fonctionnement des institutions démocratiques qui devraient renaître dès le mois de novembre prochain. Enfin, il est impossible aujourd’hui de porter un jugement définitif sur la confiance que l’on peut placer dans les résultats du scrutin. Bien que des groupes d’observateurs étrangers aient, dès le soir du 11 octobre, jugé que, dans l’ensemble, les élections avaient été honnêtes, des accusations graves ont été portées par la mission de l’Union européenne, ou encore par le parti d’opposition de Benazir Bhutto.

La tâche de former un nouveau gouvernement va être donnée à un Parlement très éclaté en raison de sa composition en plusieurs blocs compacts et opposés. Le plus important d’entre eux est composé des 77 ou 78 sièges remportés par la Ligue musulmane du Pakistan, le Quaid-e-Azam, une alliance politique proche des militaires et soutenu par le général Musharraf. Le Parti populaire du Pakistan (PPP), le parti d’opposition de Benazir Buttho, qui, exilée à l’étranger, n’a pas eu l’autorisation de mener campagne dans son pays, a obtenu un score très honorable de 62 sièges, bien que ses candidats se soient plaints de nombreuses fraudes commises en leur défaveur. A la surprise générale, l’alliance de six partis religieux, le Conseil uni pour l’action, connu en langage ourdou sous le nom de Mutahidda Majlis-e-Amal (MMA) en a remporté une cinquantaine. En quatrième position arrive, avec 14 sièges, un groupe d’opposition détaché de la Ligue musulmane du Pakistan. Jusqu’à présent on voit mal quelle est l’alliance qui prévaudra pour la formation d’un gouvernement. Cependant, jusqu’à présent chacun des blocs s’est bien gardé d’éliminer une quelconque perspective de coalition. Ainsi, interrogé par l’agence Reuters, le secrétaire général du PPP, Razza Rabanni, s’est contenté de dire que son parti aurait du mal à s’allier aux deux autres formations. « Nous avons une opposition idéologique avec le MMA a-t-il dit. Quant à une alliance avec ce qu’il appelle le « parti du roi désignant par là la Ligue musulmane du Pakistan soutenue par le général Musharraf, elle n’est, pour lui, qu’un projet vague et lointain. Il a cependant ajouté que les portes du PPP restaient ouvertes pour une éventuelle collaboration avec la Ligue musulmane.

Il n’est pas sûr cependant que les deux partis modérés en contractant une alliance entre eux se résignent à rejeter sur la marge les quelques cinquante députés du MMA élus à l’Assemblée nationale et qui y constitueront, à n’en point douter, un élément explosif. La victoire de la coalition des partis religieux qui n’avaient obtenu que deux sièges aux élections de 1997 a surpris tout le monde, y compris les intéressés eux-mêmes. Le vice-président de la Coalition, Qazi Hussain Ahmed, à l’annonce des résultats n’a pu retenir sa joie et s’est écrié : « C’est une révolution ! » Leur succès a été encore plus éclatant aux élections provinciales, particulièrement dans la province de la frontière du Nord-Ouest, limitrophe de l’Afghanistan et terre de refuge des combattants talibans fuyant les forces américaines et pakistanaises. Le MMA détient désormais une majorité incontestable au sein de l’Assemblée législative provinciale. Il est probable que le MMA n’abandonnera pas en un jour ses positions jusqu’ici violemment anti-américaines et très favorables aux idées de guerre sainte. Cependant, quelques observateurs ont noté depuis la proclamation des résultats des élections une certaine modération dans les déclarations officielles de son dirigeant, Qazi Hussain Ahmed.

Un dernier facteur doit être pris en compte qui ne manquera pas de peser sur la vie politique à venir du Pakistan et sur les gouvernements issus de la nouvelle assemblée, à savoir le degré de confiance à attribuer à ces élections. Depuis le soir du 11 octobre, les avis ont été relativement partagés. Des observateurs originaires du Royaume Uni ont porté des jugements favorables. Des accusations graves ont été formulées. Le chef de la mission d’observation de l’Union européenne, John Cushnahan, dans un communiqué publié le 12 octobre à Islamabad, a critiqué moins le déroulement du vote que son contexte politique. « Il est regrettable, a-t-il dit, que les autorités du Pakistan aient adopté une attitude qui a sérieusement vicié le processus électoral. » Il a en particulier relevé la partialité de la Commission électorale et du gouvernement à l’égard des partis liés à l’armée. Par ailleurs, le communiqué évoque les pouvoirs réservés du président et laisse planer des doutes sur l’authenticité d’un futur transfert de pouvoirs de l’armée aux civils. Les accusations de la mission européenne ont été corroborées par la mésaventure du candidat de l’opposition à Lahore, Akram Zaki. Déjà félicité par tous pour sa victoire, y compris par ses adversaires politiques, il a eu la surprise d’apprendre par un communiqué de la Commission électorale qu’il avait été battu d’une courte tête.