Eglises d'Asie

Hubei : cinq responsables protestants condamnés à mort en décembre 2001 ont vu leurs sentences commuées en peines de prison

Publié le 18/03/2010




A l’issue d’un nouveau procès qui aura duré deux jours seulement, cinq responsables protestants, membres de l’Eglise du sud de la Chine, qui avaient été dans un premier temps condamnés à mort (1), ont vu leurs sentences commuées en peines de prison. Lors du premier procès, en décembre 2001, ils avaient été reconnus coupables “de viol, d’agression et d’avoir utilisé un culte afin d’empêcher l’application de la loi…

… par un tribunal de Jingmen, dans la province du Hubei. Le 22 septembre dernier, selon le Centre d’information sur les droits de l’homme et la démocratie, organisation basée à Hongkong, la Haute Cour de la province du Hubei a annulé ces verdicts pour “insuffisance de preuve et faits non qualifiés”. Les sentences prononcées au cours du nouveau procès, qui s’est déroulé les 9 et 10 octobre derniers, vont de la prison à perpétuité à plusieurs années de détention.

Gong Shengliang, fondateur de l’Eglise du sud de la Chine, ainsi que Xu Fuming et Hu Yong ont été condamnés à la prison à vie. Li Ying et Gong Bangkun, qui avaient également été condamnés à mort en décembre dernier mais dont la sentence ne devait être exécutoire qu’après deux années de prison, ont chacun été condamnés à quinze ans de prison. Huit des douze autres membres qui ont été aussi rejugés ces 9 et 10 octobre ont écopé de peines allant de deux à quinze années de prison. Initialement, ils avaient été condamnés à des peines allant de deux années d’emprisonnement à la perpétuité. Les nouveaux chefs de condamnation ont porté sur les crimes de viol et d’agression, celles relatives à la participation à un “culte” n’apparaissant plus dans le verdict final.

Enfin, à l’issue du nouveau jugement, les quatre derniers membres du groupe, Meng Xicun, Xiang Fengping, Li Yingping et Liu Xianzhi, ont été dans un premier temps acquittés et remis en liberté. Toutefois, libres le 10, ces quatre femmes ont été de nouveau interpellées le 12 et immédiatement con-damnées à trois ans de rééducation par le travail, une peine qui, en Chine, est fréquemment prononcée par la Sécurité publique à l’encontre des dissidents politiques ou religieux et qui évite la publicité d’un jugement devant une cour de justice. Elles avaient, dès leur libération, annoncé qu’elles allaient dépo-ser plainte contre la police de Jingmen pour les mauvais traitements subis, selon elles, en détention. Condamnées aux camps de travail, il leur est désormais pratiquement impossible de porter plainte.

Selon les observateurs des affaires religieuses chinoises, la commutation des peines prononcées le 10 octobre, même si elle est plutôt inhabituelle, ne doit pas être comprise comme une inflexion de la politique menée à l’encontre des mouvements religieux considérés par les autorités comme des “cultes pervers” (xie jiao) – à l’instar du mouvement Falungong d’inspiration bouddhiste-taoïste ou de cette Eglise du sud de la Chine, décrétée hors-la-loi en Chine depuis 1999 que des sources protestantes à Hongkong décrivent seulement comme un mouvement d’“évangélistes fondamentalistes”. Ce changement, pour être compris, doit être replacé dans le contexte politique chinois actuel.

Selon Chan Kim-kwong, secrétaire exécutif du Conseil chrétien de Hongkong, organisation rassem-blant différentes Eglises protestantes, la politique édictée au niveau central de supprimer le mouvement Falungong et les autres groupes religieux interdits au nom de la lutte contre les “cultes pervers” n’a pas changé. En revanche, le gouvernement central ne contrôle pas toujours l’application de cette politi-que sur le terrain, et l’appareil juridico-policier fonctionne avec une certaine autonomie, certains de ses agents pouvant être amenés à se montrer particulièrement zélés. Selon des sources protestantes de Hongkong, les plus hauts dirigeants de Pékin n’auraient ainsi pas entendu parler de ces condamnations à mort avant la mi-septembre 2002, date à laquelle l’émotion soulevée par ces jugements à Hongkong, aux Etats-Unis et ailleurs est revenue à leurs oreilles. Au début de ce mois d’octobre, un rapport de la Commission sur la Chine du Congrès américain a ainsi mis en exergue le cas de Gong Shengliang et de ses proches comme emblématique de la politique anti-religieuse menée par Pékin au nom de la stabilité sociale. Etant donné que le président Jiang Zemin doit se rendre en visite aux Etats-Unis du 22 au 25 octobre prochains, où il rencontrera le président George W. Bush dans son ranch du Texas, une question au sujet de ces condamnations à mort aurait été embarrassante pour le dirigeant chinois.

Selon Frank Lu Siqing, responsable du Centre d’information sur les droits de l’homme et la démocratie, “sans la visite prochaine de Jiang Zemin aux Etats-Unis, il est tout à fait possible que [ces responsables protestants] aient été exécutés”.