Eglises d'Asie

A l’issue des dernières élections législatives, de nombreux chrétiens estiment que la représentation des minorités est loin d’être équitable

Publié le 18/03/2010




Grâce aux dispositions adoptées avant les dernières élections, à savoir la décision changeant le système électoral pakistanais annoncée le 16 janvier dernier (1) et le rétablissement des sièges réservés le 1er août (2), la physionomie de la représentation nationale a passablement changé au regard de ce qu’elle était auparavant. Les élections précédentes s’étaient déroulées selon le système des électorats séparés, introduit en 1980. Les électeurs y étaient classés selon leurs religions et ne pouvaient voter que pour des candidats de leur communauté à qui était réservé un certain nombre de sièges. A la demande des minorités religieuses, le système dit « des électorats associés » était venu remplacer l’ancienne réglementation électorale, jugée discriminatoire. Le 10 octobre dernier, les élections ont eu lieu au suffrage universel, sans référence aux religions. Cependant, pour compenser le désavantage naturel des minorités face à la majorité musulmane, dix sièges leur avaient été réservés.

Le 1er novembre, la Commission électorale du Pakistan a annoncé le nom des élus des minorités à ces sièges spéciaux. Cinq d’entre eux étaient chrétiens, quatre hindous et un sikh. Les cinq élus chrétiens ont été choisis, en fonction de la représentation proportionnelle, dans les diverses formations politiques du pays, le Quaid-e-Azam (la Ligue musulmane du Pakistan), le parti soutenu par le pouvoir en place, le Parti du peuple pakistanais (PPP), le parti d’opposition, et le Mutahidda Majlis-e-Amal (MMA), la coalition des six partis musulmans.

Cependant, un certain nombre de chrétiens ont exprimé leurs craintes concernant ce qu’ils estiment être une faille du nouveau système. Selon eux, les députés des minorités seront tentés de considérer les intérêts du parti auquel ils sont affiliés comme plus importants que ceux de la religion à laquelle ils adhèrent. Un militant chrétien engagé dans l’action sociale, Sadiq Madish, a conclu que l’ancien système électoral était, en fin de compte, plus avantageux pour la communauté chrétienne, car, au moins, a-t-il dit, « nous savions qui étaient nos candidats » ; le nouveau système est davantage une sélection qu’une élection authentique, a-t-il estimé. C’est également l’avis de Liaqat Munawar Suroiya, président de Mission et Action pour le Service social, qui estime qu’avec le nouveau système, on ne peut pas s’attendre à ce que les députés travaillent beaucoup pour leur communauté religieuse d’origine. Ceux-ci « savent qu’ils sont venus au pouvoir non à cause des chrétiens mais par l’intermédiaire de leur parti C’est donc à lui qu’ils accorderont la priorité.

Pour Sanita Emmanuel, une femme de 26 ans qui a échoué à se faire élire au sein de l’Alliance démocratique du Sindh, les chrétiens ne doivent pas se résigner à dépendre du bon vouloir des partis politiques, mais doivent exiger de jouir des mêmes droits politiques que tous les autres citoyens. Selon elle, les personnalités politiques chrétiennes doivent songer à la création d’un parti politique fort qui puisse se faire le porte-parole de la minorité chrétienne auprès des pouvoirs publics.

Ce type de revendication avait déjà été exprimé au mois d’octobre d’une manière fondamentale par le catholique Julius Salik (3). Celui-ci a déposé une plainte auprès de la Cour suprême contestant la loi réglementant le mode de sélection des candidats aux sièges réservés aux minorités ethniques. La plainte affirme que la distribution de ces sièges aux formations politiques en fonction des nombres de sièges gagnés par elles à l’Assemblée nationale fait de leurs titulaires des représentants des partis et non des délégués de leur minorité. Le Conseil national des Eglises du Pakistan, auquel adhèrent les principales Eglises protestantes, s’est porté co-signataire de la plainte de Julius Salik.