Eglises d'Asie – Cambodge
LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE du 1er septembre au 31 octobre 2002
Publié le 18/03/2010
La vie politique de ces deux derniers mois doit se lire encore dans la perspective lointaine des élections législative du 27 juillet 2003. Le PPC renforce sa position dominante, le FUNCINPEC s’étiole dans des querelles internes, le PSR lance une stratégie de grand rassemblement des forces démocratiques.
Réforme de la loi électorale
Après quatre jours de débats parfois houleux, le 21 août, les députés adoptent la loi électorale. « Elle est pire que l’ancienne, parce que rédigée par le ministère de l’Intérieur, lui-même gouverné par le PPC déclare Sam Rainsy.
A la mi-septembre, le ministère de l’Intérieur révèle les cinq noms sélectionnés pour faire partie du CNE (Comité national pour les élections) : Im Suorsdey, actuel secrétaire général du CNE, Ngor Chhay Lieng, directeur adjoint de l’administration au ministère de l’Intérieur, Méan Sati, président du CE provincial de Battambang, Mme Koy Vet, directrice de l’ONG Khmer Woman Center, et Mme Sun Chunbo, membre d’une ONG. Thun Saray, président de l’association ADHOC, et les ONG de défense des droits de l’homme ainsi que les partis d’opposition protestent : « Cela manque de transparence… On n’a pas tenu compte de l’avis de la société civile ».
Remous au FUNCINPEC
Le 20 août, Ranariddh, président du FUNCINPEC, menace les parlementaires de son parti qui déserteraient pour gagner le PSR d’être expulsés de l’Assemblée nationale (et de perdre leur confortable salaire) ainsi que de devoir abandonner leur ministère s’ils en ont un. L’opposition rétorque que ces éventuelles expulsions sont contraires à la Constitution, puisqu’en choisissant le PSR, ils ont un autre parti qui les cautionne.
Le 22 août, Thach Sang, tête de file du mouvement du Front de Libération du Kampuchéa Krom, résidant aux Etats-Unis pour raison de santé, démissionne de son poste de député et de membre de FUNCINPEC, facilitant ainsi la tâche du parti qui envisageait de l’expulser de son sein.
Le FUNCINPEC tient ses assises nationales à Sihanoukville les 14-15 septembre. Plus de 280 membres du parti y participent. « Il n’y a pas de tension réelle affirme le porte-parole du parti. Et pourtant…
Le 7 octobre, Khem Sokha, sénateur et secrétaire général adjoint du FUNCINPEC, ancien membre du PDLB de Son Sann, affirme avoir été victime d’une tentative d’attentat : une voiture a foncé sur la sienne. « Mon agresseur est descendu de sa voiture pour venir voir si j’étais mort. » La police a arrêté le chauffard, qui a été relâché peu après par le gouverneur royaliste de Toul Kork. Le 1er octobre, un accident semblable avait visé Serey Kosal, porte-parole du parti. Ces deux « accidents » surviennent sur fond de dissensions internes. Le 3 octobre, Ranariddh lui a reproché, ainsi qu’à Nhek Bun Chhay, d’entretenir des contacts avec le PSR. Le 8 octobre, Khem Sokha, annonce son retrait de la vie politique : « J’en ai assez d’une politique soumise à l’autorité individuelle d’un président qui cherche à détour-ner l’intérêt de la nation, déclare-t-il. Je ne veux pas être complice de ceux qui volent les biens publics au sein du gouvernement. » Il annonce son intention de fonder une association de défense de la démocratie et des droits de l’homme pour laquelle il aurait reçu un million de dollars d’un sénateur américain – « pour démarrer
Le Cambodia Daily n’hésite pas à écrire que certains membres du FUNCINPEC estiment que Ranariddh a perdu toute crédibilité à l’étranger. Les turbulences internes des partis sont sans doute les raisons qui ont poussé Ranariddh à annuler une visite aux Etats-Unis, et Hun Sen un voyage à Johannesburg.
Le PSR, rassembleur des forces démocratiques
Le 19 septembre, le PSR, le parti « Norodom Chakrapong de l’âme khmère et le parti « Pen Sovann » s’engagent à coopérer pour échanger leurs informations et leurs opinions « au service de l’intérêt supérieur de la Nation « Notre but est d’absorber les élites et les militants de base du PPC et du FUNCINPEC qui sont mécontents de leurs dirigeants affirme Sam Rainsy. Les trois partis signent une déclaration commune appelant toutes les forces démocratiques à s’unir à eux pour créer une véritable démocratie au Cambodge. Ils s’enga-gent à faire pression pour la tenue d’élections honnêtes et acceptables.
A certains de ses militants mécontents qui ont peur que le parti ne perde des voix par cette union, Sam Rainsy répond que cette union fait partie d’une « stratégie bien réfléchie » : la présence de Chakrapong, deuxième fils du roi, pourra attirer les fidèles du royalisme, la présen-ce de Pen Sovann, premier Premier ministre de la RPK et vrai père de la libération, pourra attirer les militants du PPC. Norodom Chakra-pong alignera des candidats dans 16 provinces, et Pen Sovann en 10.
Le 22 septembre, Norodom Chakrapong promet, s’il est élu, de créer un « ministère pour les Khmers du Kampuchéa Krom » et s’en prend avec virulence à la politique du gouvernement en matière d’immigration. Selon lui, le gouvernement applique un processus de vietnamisation progressive du Cambodge.
Le 30 septembre, le PSR expulse un de ses membres qualifié d’« espion du PPC pour avoir traité Sam Rainsy de « dictateur l’avoir accusé de népotisme, pour prendre les décisions sans consulter sa base et pour avoir créé une coalition avec Chakrapong et Pen Sovann. Selon Sam Rainsy, le PSR est très vulnérable, car le PPC dispose de beaucoup d’argent pour soudoyer ses membres.
Le 5 octobre est lancée la « Fondation Son Sann » qui fait campagne pour un « Cambodge propre ». Khem Sokha demande à être membre de la nouvelle fondation.
Intimidations politiques
Le PSR et le FUNCINPEC se plaignent régulièrement d’intimidations à l’égard de leurs militants. Selon l’Association ADHOC, depuis les élections de février, on note au moins sept assassinats et vingt-sept actes d’intimidation ou de violence à l’égard de membres du FUNCINPEC ou du PSR. Par exemple :
– Le 26 août, un militant PSR de Koh Kralâr, dans la province de Pursat, est sérieusement battu lors d’une cérémonie d’inauguration du siège du parti.
– Le même jour, un membre du PSR de la commune de Knal Dambang, dans la province de Kompong Cham, est roué de coups.
– Le 6 septembre, un coup de feu est tiré sur le bureau phnom-penhois du parti. Le secrétaire de Sam Rainsy échappe de peu à la mort. Sam Rainsy était à Washington, où il recevait une « récompense de liberté » de Foundation, groupe d’experts conservateurs américains.
– Le 9 septembre, un ouvrier, membre du PSR, est abattu par balles à Suong par des gens en uniforme.
– Le 13 septembre, un policier de Prey Veng menace un partisan du PSR avec un fusil.
– Le 30 septembre, un militant du PSR de 19 ans est bastonné à mort à Teuk Chhreuv (province de Kompong Cham).
D’autres actes d’intimidation politique sont signalés, sans rapport direct avec les partis :
– Le 2 septembre, deux journalistes qui enquêtaient sur l’attribution des lots de pêche dans la région de Kompong Chhnang sont interpellés et retenus par les autorités qui leur ont glissé une enveloppe pour qu’ils se taisent.
– Le 4 septembre, un journaliste de l’hebdomadaire Panhavoan, proche du PPC, est passé à tabac pour avoir écrit un article défavorable à un « Okhna » (dignitaire du régime).
– Le 8 septembre, le Front Démocratique des Etudiants et Intellectuels Khmers annule une manifestation pour commémorer la mort d’une trentaine de personnes lors des élections de 1998, par suite d’intimidations.
Six parlementaires européens se rendent au Cambodge durant la première semaine de septembre. Le 13 septembre, ils font part de leurs inquiétudes quant au respect de la démocratie et des droits de l’homme dans le royaume. Ils insistent sur la nécessité du caractère « libre et équitable » des futures élections, de la composition d’un CNE (Comité national des élections) indépendant du pouvoir, de la fin des intimidations et violences politiques, de l’accès équitable de tous les partis aux médias audiovisuels. Ils relèvent également l’opacité dans la gestion forestière, les spoliations de terres, l’inefficacité de la lutte contre le trafic des personnes, l’inefficacité et la faiblesse du système judiciaire cambodgien. L’un d’entre eux brandit la menace de demander au parlement européen de reconsidérer le montant des aides allouées par l’Union européenne, qui se monte à 68,5 millions de dollars entre 2002 et 2004.
Interférence royale ?
Dans un « message à ses bien aimés compatriotes en date du 11 août et publié le BMD (Bulletin Mensuel de Documentation) du 5 septembre, le roi Sihanouk déclare : « Durant les années 1990-2000, nous sommes devenus une nation de mendiants, et ne survivons, d’ailleurs très mal, que grâce au riz et autres aides de l’étranger et de gros capitalistes. Nous avons d’innombrables mendiants… notre nouveau régime reçoit chaque année, chaque mois, des aides colossales de banques internationales, pays, Etats, gouvernements, organismes, gros capitalistes, etc. Et pourtant les pauvres restent pauvres. » Le porte-parole du gouvernement réagit en traitant les propos du roi d’« injustes ».
Selon le Phnom Penh Post, au début septembre, le roi Sihanouk aurait préparé deux lettres, non datées, annonçant son abdication. Ces lettres seraient une manière de tester les réactions du gouvernement à qui il fait les habituels griefs de corruption et de déforestation. Le 9 octobre, à son retour de Pékin où il séjournait depuis le mois de juillet pour des soins médicaux, le roi nie avoir écrit ces lettres et vouloir démissionner. Mais, pour montrer son désaccord avec le gouvernement, il exprime le souhait qu’aucune carte de voux ni cadeau ne lui soit adressé pour son anniversaire, le 31 octobre, date de ses 80 ans. Hun Sen se doit de préciser que ses rapports avec le palais sont excellents.
Le 13 septembre, le sénateur américain Mitch McConnell demande à l’administration Bush de faire pression pour un changement politique en Birmanie et au Cambodge. Cette déclaration suscite une violente réaction de Sâr Kheng, ministre de l’Intérieur.
Saga de la création du tribunal pour juger les ex-dirigeants Khmers rouges
Après plusieurs échanges de courrier entre Hun Sen et le secrétaire général de l’ONU, le 22 août, Kofi Annan fait savoir que, si l’Assemblée générale de l’ONU lui en donnait mandat, il reprendrait le dialogue avec le gouvernement cambodgien concernant l’instauration du tribunal pour juger les ex-dirigeants Khmers rouges. Le gouvernement cambodgien se réjouit de cette déclaration, mais Hans Corell, chef des Affaires légales de l’ONU responsable du dossier, déclare que la position du secrétaire général n’a pas changé. Le gouvernement cambodgien voulant garder la haute main sur le déroulement d’un éventuel procès, l’ONU refuse de s’y engager financièrement. Cependant, l’Assemblée générale, réunie en octobre, ne donne qu’un vague encouragement au secrétaire général pour continuer les discussions.
Le 5 septembre, la Cour suprême confirme en troisième et dernière instance la peine de prison à perpétuité prononcée en juin 1999 à l’encontre de Nuon Paet, l’un des trois chefs Khmers rouges accusés de l’attaque du train et du meurtre des trois jeunes Occidentaux en 1994. Le 6 septembre, Chhouk Rin, deuxième chef Khmer rouge tenu pour responsable des meurtres, jugé in abstentia le 28 août, est lui aussi condamné à la perpétuité. Il a 75 jours pour faire appel. Personne cependant n’ose l’arrêter. Plus de 1 000 personnes de Phnom Voar, son fief, auraient signé une pétition en faveur de Chouk Rin ; d’autres se déclarent prêts à défendre leur ancien chef, par les armes si besoin. Une délégation de 400 personnes se rend à Phnom Penh pour rappeler au Premier ministre les « accords » passés avec lui avant le ralliement de leur chef. « Aujourd’hui c’est le tour de Chouk Rin, demain ce sera notre tour dit un de ses subordonnés. Quant au général Sam Bith, troisième chef tenu pour responsable, il est derrière les barreaux et attend son jugement. Nuon Chéa, ex-n° 2 du régime Khmer rouge, lui fournit un alibi, affirmant qu’à la date des événements, le général était alité à l’hôpital de Païlin.
Selon un juriste, membre d’une association de défense des droits de l’homme, au début mai 1998, Hun Sen aurait demandé à son homologue thaïlandais Chuan Leepkai de faire disparaître Ta Mok, Nuon Chéa et Khieu Samphân, soit en les envoyant en Chine, soit en les faisant assassiner. Chuan Leepkai aurait été profondément heurté par cette suggestion : « Hun Sen peut faire cela, nous non. La Thaïlande est une démocratie », déclare-t-il. Hun Sen dément avoir tenu de tels propos.
ECONOMIE
Le 27 août, le Conseil des ministres approuve le budget de 2001 : les revenus de 2001 se sont élevés à 601 millions de dollars (635 projetés), soit une augmentation de 9,1 % par rapport à l’année précédente, les dépenses à 652, soit un déficit de 36,5 millions. Ce déficit a été occasionné par les dépenses de l’Assemblée nationale et celles engagées pour les victimes des inondations et de la sécheresse. L’investissement public (ponts, routes, écoles) a légèrement décliné : 72 millions de dollars en 2001 contre 79 en 2000.
Selon un rapport du CDRI (Institut cambodgien pour le Développement des ressources), la croissance du PIB a été de 5,3 % en 2001 (6,9 en 1999 ; 5,5 en 2000). Cette baisse tient à un développement plus lent des secteurs textile et tourisme, ainsi qu’à la baisse des investissements directs étrangers. On relève cependant un accroissement de la production agricole et une légère progression dans la construction. En 2001, une trentaine d’entreprises textiles ont fermé leurs portes. 20 000 emplois sont créés chaque année, mais 200 000 jeunes arrivent sur le marché du travail… La dette du pays auprès des institutions financières internationales s’élèverait à plus de 500 millions de dollars (à ajouter au milliard dû à la Russie pour les dépenses de guerre de la RPK). La fermeture d’un certain nombre de banques non viables et l’augmentation des dépôts dans celles qui ont subsisté est un signe encourageant de confiance.
Préparation à l’entrée dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC)
Les deux derniers mois ont été riches en réunions, séminaires, décisions concernant l’éventuelle entrée du Cambodge dans l’Organisation mondiale du commerce. Selon Suos Sameth, représentant du Cambodge auprès de l’OMC, cette entrée peut stimuler la croissance économique du pays, à condition que le « gouvernement promeuve les investissements étrangers et locaux, par une bonne gouvernance et des lois fiables L’OMC a déjà demandé l’abaissement d’un certain nombre de droits de douanes, qui s’élèvent encore, pour le Cambodge, à une moyenne de 29 % de la valeur des produits importés, et constituent 73 % des revenus par taxes.
Beaucoup font remarquer que les mesures imposées pour l’entrée dans l’OMC sont créées par les pays riches et dans leur intérêt : par exemple, les pays riches demandent d’abaisser les taxes à l’importation de produits agricoles mais subventionnent leur propre agriculture. Le ministre des Finances demande aux travailleurs d’augmenter leur productivité. Selon le ministre, le Cambodge n’a pas d’autre choix que d’entrer dans l’OMC, pour éviter la stagnation économique et l’isolement. « L’entrée dans l’OMC n’est pas une formule pour résoudre les problèmes du Cambodge dit le directeur de l’Institut cambodgien pour la Coopération et la Paix. « Les investissements doivent être transparents et moins corrompus ajoute-t-il. « Nous ne pouvons pas rester isolés et dire aux 144 pays de l’OMC : ‘achetez nos produits’… Mais nous devons changer notre programme d’éducation fait remarquer Suos Sameth. Avant son entrée dans l’OMC, le gouvernement doit mettre en place une législation appropriée qui fonctionne réellement.
Conformément à cette préparation à l’entrée dans l’OMC, le gouvernement a fait voter une loi sur la protection de la propriété intellectuelle. Le 14 septembre, la police arrête dix-sept vendeurs de CD pirates, puis les relâche, non sans avoir saisi plus de 20 000 copies illégales de CD et VCD.
AGRICULTURE
Riz
Une sécheresse comparable à celle de 1963 s’est abattue sur le Cambodge. Seuls 1,2 millions d’hectares de rizières sur les 2 millions habituels ont pu être repiqués. Lors des pluies tardives, Hun Sen demande aux militaires d’aider les paysans à repiquer le riz. Cependant, des dizaines de milliers d’hectares repiqués ont grillé sur pieds. D’après les estimations gouvernementales, la sécheresse pourrait coûter 38 millions de dollars de pertes et la récolte pourrait être de 40 à 50 % inférieure au niveau habituel. L’inondation annuelle par le Mékong est modérée depuis plusieurs années mais les inondations provoquées par les pluies sur les Cardamones ou les Dangrek sont catastrophique : elles sont directement dues à la déforestation de ces montagnes jadis boisées. Selon les estimations gouvernementales, 37 % des rizières de ces régions ont été endommagées. Le 25 août, Hun Sen fait appel à l’aide internationale. Dans son BMD, diffusé le 5 septembre, le roi Sihanouk attribue la sécheresse et les inondations à la déforestation.
Le prix du riz est donc monté en flèche, de 50 à 70 dollars de plus que l’an dernier à la tonne. De grandes quantités de riz de bonne qualité ont été exportées en contrebande à bas prix au moment de la récolte, et de grandes quantités de riz médiocre doivent être rachetées à prix d’or (280 dollars la tonne) pour nourrir la population… Selon le directeur de la société Angkor Kasékam, qui exporte 50 000 tonnes de riz par an, le gouvernement devrait aider à la construction de réservoirs et de canaux, plutôt que de distribuer du riz à l’approche des élections pour acheter des voix.
Bois
Selon Global Witness, ONG britannique chargée officiellement par le gouvernement cambodgien de la surveillance des forêts, les policiers et militaires coupent du bois dans l’impunité la plus totale. « Même les comités mixtes de répression, composés de représentants des diverses autorités compétentes, sont corrompus. » A la fin de la saison sèche, les sociétés forestières ralentissent leur activité à cause de la pluie, mais les fonctionnaires des forces de l’ordre prennent le relais et continuent à déboiser. Le bois est exporté au Laos, au Vietnam et en Thaïlande. « Les autorités locales ferment les yeux, et parfois même facilitent le trafic. »
Le 18 septembre, 79 villageois de Kbal Trach, dans la province de Pursat arrêtent deux camions chargés de grumes. Plus de 1 000 grumes auraient été déjà transportées durant la nuit.
Treize des quatorze sociétés forestières en activité dans le royaume ont remis au gouvernement leur « plan stratégique de gestion forestière durable Lors d’une réunion entre le gouvernement et les bailleurs de fonds, tenue le 1er octobre, plusieurs points de frictions sont apparus. Le département des forêts souhaite conserver la confidentialité de ces plans, alors que les bailleurs de fonds, dont la Banque mondiale, demandent leur communication au public. Un projet de surveillance d’information sur les crimes forestiers devrait faire l’objet d’une évaluation tripartite : Nations Unies, bailleurs de fonds et gouvernement. Mais ce dernier conteste les conditions des deux premiers membres. Les pays bailleurs de fonds se posent la question de savoir si le gouvernement veut réellement une réforme forestière. « S’il s’avère que ce n’est pas le cas, les donateurs en tireront les conséquences. » La Banque mondiale a gelé le versement 15 millions de dollars du prêt d’ajustement structurel, attendu depuis juin, en posant la condition de la communication au public des plans de gestion des concessionnaires.
Le contrat de Global Witness, observateur indépendant, officiellement nommé par le gouvernement, dont les rapports virulents dénoncent les ravages d’une « déforestation sans limites se termine à la fin octobre. L’association fonctionne avec un budget (insuffisant selon elle) de 150 000 dollars. Le 3 octobre, un accord semblait se dessiner pour financer provisoirement l’ONG.
Le nouveau pont Kizuna qui enjambe le Mékong et Kompong Cham est fragilisé par les nombreux coups de boutoir que lui portent les énormes radeaux transportant des grumes.
Tourisme
Selon le secrétaire d’Etat au Tourisme, le tourisme a procuré 296 millions de dollars de recettes en 2001, et de l’emploi à 100 000 personnes. Il est conscient des dangers engendrés par le développement du tourisme : criminalité, délinquance, drogue, prostitution dont sont souvent victimes les enfants. Le 26 septembre, lors de la 23ème journée mondiale du tourisme, le ministre cambodgien du Tourisme place en tête de ses priorités la lutte contre le tourisme sexuel : « Le tourisme sexuel porte atteinte à nos traditions, et à long terme, nuit au secteur déclare-t-il. José Carréras donnera un concert devant Angkor Vat le 6 décembre : une publicité de luxe !
Le poste de frontière laotien au nord de Stoung Treng est fermé par les autorités laotiennes pour les étrangers depuis le 11 septembre. Le Laos argue de la perte de revenus des compagnies aériennes pour lesquelles le transport par la route fait une concurrence trop sévère. Entre dix et trente touristes passaient le poste frontière chaque jour.
Exportations
Les exportations vers les Etats-Unis ont baissé de 8,8 % au cours du premier semestre, par rapport à la même période l’an dernier, et s’élèvent à 383 millions de dollars.
A partir du 1er janvier 2003, le Canada va abaisser ses droits de douanes et augmenter ses quotas d’importations pour tous les produits en provenance du Cambodge. Actuellement, le Cambodge exporte des denrées pour 19 millions de dollars au Canada, dont 96 % sont constitués par des vêtements.
Le prix du piment sec a chuté de 33 % (800 dollars la tonne sur le marché thaï en 2001) et le poivre noir est passé de 8 000 dollars la tonne en 2001 à 2 700 cette année (moins 66 %). La chute de ces prix provient sans doute du retour sur le marché de la Birmanie, gros fournisseur de ces denrées, après une longue période de tensions avec la Thaïlande. Le prix du café s’effondre : à 2 600 dollars la tonne en 1998, il a commencé à décroître en 1999 pour atteindre 200 à 300 dollars actuellement. 5 % des paysans de Ratanakiri en produisent entre 500 et 600 tonnes par an, mais ils abandonnent cette culture pour des cultures plus rentables. Le prix de la noix de cajou reste stationnaire à environ 1 600 dollars et demande un investissement moindre (150 dollars à l’hectare) que le café (1 000 dollars). Le café vietnamien se vend 400 dollars la tonne et le café laotien 700, leur prix étant garanti par une politique gouvernementale.
Une énorme quantité de produits pétroliers passent en contrebande, à cause des taxes mises par le gouvernement (23 % du prix de vente), beaucoup plus fortes qu’au Vietnam et qu’en Thaïlande. Ces produits pétroliers sont souvent de moins bonne qualité, car ils sont trafiqués. La Sokimex, société nationale de vente de produits pétroliers, a vendu 3 000 tonnes de produits pétroliers en 2001, mais n’en a vendu que 600 cette année.
Un membre de l’ambassade de Grande-Bretagne n’est pas optimiste en ce qui concerne l’investissement des sociétés étrangères, à cause de ces problèmes de contrebande : « Il n’y a pas beaucoup d’efforts menés de la part du gouvernement pour lutter contre la contrebande, et d’autre part, les contrebandier sont intouchables ! »
Le 17 septembre, six voitures de modèle récent, pour lesquelles les droits de douanes n’avaient pas été affranchis, sont saisies. Les taxes sont élevées : 50 000 dollars par véhicule.
Le 9 septembre, la police saisit 64 tonnes de déchets en provenance de Chine pour être retraités au Cambodge. Ces déchets, dont certains toxiques, sont renvoyés à leur port de départ. Trois hommes et sociétés sont inculpés pour usages de faux. La société de retraitement des déchets proteste.
Le 11 octobre, l’unité de douanes attachée à la municipalité de Phnom Penh, nouvellement créée, saisit d’importantes quantités de denrées de contrebande en provenance du Vietnam.
A partir du 6 novembre, la route nationale n° 4, réparée avec des deniers américains, sera à péage : 1,5 dollars pour les minibus, 6,3 pour les camions. Pour le moment, les voitures légères sont exonérées. Ce péage devrait servir à l’entretien de la route, confié à la société AZ.
AIDE ET PRETS
L’Union européenne fait un don de près de 4,7 millions de dollars pour des programmes soutenus par son antenne humanitaire ECHO, pour le développement des zones périphériques du Cambodge. Au début de l’année, ECHO avait reçu déjà 5,3 millions de dollars pour des aides d’urgence. En mai, 67 000 dollars de cette aide avaient été affectés à la prévention de la dengue.
Le 27 août, le Japon s’engage à verser 20,5 millions de dollars pour améliorer les infrastructures de protection contre les inondations et le drainage de la capitale (rénovation de 85 % du total du système, en huit sites différents autour de Phnom Penh, un canal à vannes à Svay Pak, la consolidation de la digue de Boung Tumpun qui protégera 400 usines et 5 000 maisons, remise en état des systèmes de drainage de Boung Salang et de Stoung Méan Chhey qui protègeront 1 200 ateliers et 34 000 foyers), ainsi que la scolarité (20 bourses pour fonctionnaires âgés de moins de 35 ans). Le 6 septembre, le Japon décide de débloquer 128 237 dollars dans le cadre de son fonds d’assistance Kusanone pour le suivi de trois projets.
Le 28 août, la BAD (Banque asiatique de développement) annonce qu’elle accordera 286 millions de dollars de prêts au Cambodge pour les années 2003-2005. A ces prêts s’ajoutera une aide de 14,9 millions. Le 21 septembre, la BAD accorde un prêt de 20,3 millions de dollars pour le développement du tourisme au Cambodge : amélioration de la route qui conduit au mausolée de Cheugn Ek, rénovation des aéroports de Stoung Treng et de Ratanakiri, etc.
Le 24 septembre, le général Fu Quannou, général en chef de l’armée populaire de libération (Chine populaire), se rend en visite officielle de cinq jours à Phnom Penh et promet une aide de trois millions de dollars au ministère cambodgien de la Défense pour 2003, afin d’achever la réhabilitation de l’hôpital militaire Préah Két Méaléa et de former des officiers en Chine. L’an dernier, Pékin avait déjà débloqué une enveloppe d’un million de dollars. Cette visite suit d’un mois celle du ministre vietnamien de la Défense, venu au Cambodge le 22 août pour « resserrer les liens entre les deux pays et offrir une coopération militaire plus étroite ainsi que pour tenter de résoudre certains problèmes de frontières. Il propose de soigner au Vietnam, gratuitement, les malades de l’armée cambodgienne et de former des officiers.
Selon Nhim Vanda, directeur de l’Organisation de défense des droits de l’homme et de lutte contre la corruption, 800 millions de dollars auraient été détournés et mis à l’abri sur des comptes bancaires à Singapour. Il en aurait été informé par les responsables américains de la lutte antiterroriste qui sont autorisés à vérifier les comptes de la cité-Etat.
SOCIETE CIVILE
Droits de l’homme
Le 21 août, Mary Robinson, Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme, en visite officielle au Cambodge avant de quitter son poste, s’adresse à l’Assemblée nationale, en fustigeant le « répugnant trafic d’êtres humains » dont le Cambodge est « une des sources, mais aussi un pays de transit et d’accueil Elle regrette que « les trafiquants puissent agir en toute impunité, en l’absence d’une application efficace de la loi, ce à quoi s’ajoute, dans certains cas, une corruption officielle Elle souligne l’importance de la réforme du Conseil suprême de la magistrature comme la faiblesse persistante du système judiciaire qui contribue à nourrir l’impunité. Elle dénonce l’influence de la Chine et du Vietnam sur les autorités cambodgiennes dans la disparition de deux membres chinois du mouvement Falungong et l’arrestation du moine bouddhiste vietnamien Thich Tri Luc, de l’Eglise bouddhique unifiée, tous détenteurs de documents du UNHCR.
Cinq gardiens de prison de Kompong Cham, accusés d’avoir torturé des détenus, le 13 décembre 1999, sont relaxés le 27 août, à la grande fureur des organisations de défense des droits de l’homme et de Peter Leuprecht, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour les droits de l’homme au Cambodge.
Plus de 250 policiers et dix équipes des « Tigres volants » du ministère de l’Intérieur pourchassent deux gangs de bandits de la région de Kompong Thom, responsables de 34 vols à main armée, 16 meurtres, 6 kidnappings, 2 viols, 4 tentatives de meurtres et 2 tentatives de vol à main armée. Seize bandits sont arrêtés.
Les conclusions de l’audit conduit à l’Institut cambodgien des Droits de l’homme (CIHR) montrent que 214 000 dollars de l’aide internationale ont été volés. Foundation, le Danemark, la Suède, l’Union européenne, l’Australie, le Canada et la Nouvelle Zélande avaient financé cet organisme d’Etat.
La LICADHO (Ligue cambodgienne de Défense des Droits de l’homme) lance un appel pour « adopter une prison » afin d’aider les enfants qui vivent en prison avec leurs parents condamnés. Avec une aide de 59 dollars tous les trois mois, l’association leur donnerait de la nourriture, des moustiquaires, des nattes et des produits d’hygiène élémentaire.
Réfugiés
906 réfugiés M’nongs en provenance du Vietnam avaient été acceptés par les Etats-Unis. 765 sont effectivement partis, les autres hésitent à quitter Phnom Penh.
L’association américaine Human Rights Watch révèle une nouvelle vague d’arrestations de Montagnards dans les provinces de Gai Lai et de Dak Lak au Vietnam depuis le mois de juin. Ces arrestations se seraient poursuivies en août et septembre. Quatre cents personnes se cacheraient dans les forêts et essayeraient d’entrer au Cambodge. Plusieurs centaines de Montagnards réfugiés au Cambodge auraient été repoussés au Vietnam. Le HCR déplore ne pouvoir se rendre sur place. Le 8 octobre, on apprenait qu’un Montagnard Djarai avait été condamné à neuf ans de réclusion par les autorités vietnamiennes au début août, pour avoir « quitté illégalement le pays Arrêté au Cambodge le 28 janvier, il avait été renvoyé au Vietnam par les autorités cambodgiennes. Le Vietnam et onze pays sont placés sur la liste noire du département d’Etat américain par la Commission internationale pour la liberté de religion.
Une deuxième vague de onze Cambodgiens expulsés des Etats-Unis arrive le 19 septembre à Phnom Penh. Un premier groupe de six était arrivé le 22 juin. On en attend plus de mille. Ces réfugiés ne possédant pas la nationalité américaine, bien que certains soient nés aux Etats-Unis, sont auteurs de délits mineurs et, pour cela, expulsés dans leur pays « d’origine A leur arrivée au Cambodge, ils sont placés dans un centre où les gardiens essayent de leur extorquer le plus d’argent possible.
Trafic d’êtres humains
Durant les derniers mois, on signale un renforcement de la lutte contre le trafic d’êtres humains.
Plusieurs prostituées mais également des proxénètes sont arrêtés et jugés. Quatre fois en quatre mois sont arrêtés des proxénètes vietnamiens organisant du trafic de prostituées avec la Malaisie.
D’octobre 2000 à août 2002, 284 cas de trafic ont fait l’objet d’en-quête, 626 victimes ont été secourues. Quatre Européens ont été arrêtés durant les deux derniers mois, dont deux Australiens et un Anglais, en août, un Allemand, le 18 septembre. Le responsable du Centre cambodgien pour les femmes en difficultés réclame qu’une même sévérité soit appliquée aux criminels locaux et internationaux, regrettant que, souvent, la police ignore les criminels locaux.
Une banque de données sur le retour et la réinsertion des victimes de trafic d’êtres humains va être créée dans les six pays de la région du Mékong. Ce projet de trois ans, sera financé à hauteur de 2,5 millions de dollars par et l’OIM (Office international des migrations).
Le 9 octobre se tient à Phnom Penh une conférence réunissant des experts de dix pays concernant la Cour pénale internationale, créée en juillet 2002 à Rome. Quatre-vingt-un Etats, dont le Cambodge, ont ratifiée sa création. Plusieurs juges cambodgiens feront sans doute partie de cette cour.
Education
Le 26 août, l’UNESCO lance officiellement un projet éducatif informel de formation professionnelle pour les enfants et jeunes vulnérables. Ce projet dispose d’un budget de 600 000 dollars et pourrait concerner 3 390 enfants et jeunes de 5 à 20 ans. Une association japonaise promet trois millions de dollars pour soutenir l’éducation des plus pauvres.
La municipalité de Phnom Penh envisage de construire un centre en dehors de Phnom Penh pour l’éducation des enfants des rues et leur formation professionnelle. Ce projet entre dans la volonté des autorités de nettoyer Phnom Penh avant le sommet de l’ASEAN. Selon l’ONG Mith Samlanh, environ 1 200 enfants vivent seuls dans les rues, 500 à 1 500 y vivent avec leur famille, entre 10 et 20 000 travaillent dans la rue. « Ils doivent être considérés comme des victimes, et non comme des petits criminels dit Sébastien Marot, président de l’association, qui craint que l’éloignement de la ville soit ressenti comme une punition.
Le 4 septembre, Sébastien Marot, fondateur et directeur depuis 1994, avec ses propres fonds, de l’ONG Mith Samlanh (‘les Amis’), s’occupant des enfants des rues, est fait membre honoraire de l’Ordre d’Australie.
La mairie de Phnom Penh recrute quatorze délinquants comme gardiens de chantiers municipaux.
Selon l’adjoint au Département de l’Education de Phnom Penh, vingt-cinq écoles primaires et vingt-quatre écoles secondaires devraient être rasées et reconstruites. Treize écoles primaires et dix-huit secondaires ont besoin d’être réparées. Selon Rong Chhun, président de l’Association des Instituteurs cambodgiens, la situation des écoles de villes n’est pas aussi catastrophique que celle des provinces, notamment celles appelées « Hun Sen qui laissent beaucoup à désirer, à cause de corruption lors de leur construction.
Les enseignants qui ont accepté de partir en province commencent à recevoir un supplément de salaire : 10, 15 ou 22 dollars mensuels selon l’éloignement. Une rallonge budgétaire de 18,5 millions de dollars finance ce supplément, et une autre de 23 millions est prévue pour 2003. « C’est un premier pas dans la bonne direction souligne le syndicat des enseignants.
Mouvements sociaux
Malgré les nombreuses violations du code du travail signalées durant les deux derniers mois, les conditions de travail dans les usines s’améliorent peu à peu.
Après deux jours de grève, les 19 et 20 août, quelques 1 000 ouvriers de l’usine textile coréenne Sam Han Cambodia Fabrics (qui emploie près de 10 000 ouvriers en deux usines) ont obtenu satisfaction : ils acceptent une cessation d’activité d’un mois avec une réduction de salaire de 50 % au lieu de devoir aller travailler dans une autre usine située à plusieurs kilomètres de la capitale où rien n’est préparé pour les recevoir. « Ils voulaient nous vendre à une autre usine et à un autre patron déclare le représentant des syndicats.
Le 11 septembre, 300 ouvriers de l’usine de confection Grand Tex International se mettent en grève pour protester contre les violations du code du travail par leurs employeurs. Ils demandent également que leur soit versé leur salaire en avance, avant le Pchoum Ben.
Le 16 septembre, les ouvriers de l’unique usine de Kompong Chhnang, nouvellement ouverte, se mettent en grève pour protester contre leurs salaires trop bas, les heures supplémentaires obligatoires et les mauvais traitement, les insultes et les violences physiques.
Le 16 septembre, 500 ouvriers de l’usine de confection Pak Shun, qui en emploie 1 600, font grève pour réclamer 14 points, dont l’abaissement des cadences infernales, des sanctions trop lourde lors d’erreurs, licenciements abusifs, etc.
Le 19 septembre, les ouvriers de l’usine Canadia Park reprennent le travail après une grève menée pour protester contre un contremaître chinois qui avait frappé une ouvrière. Ces pratiques ne sont pas nouvelles et le plus souvent initiées par le personnel d’encadrement chinois.
Le 23 septembre, une cinquantaine d’ouvriers chinois, représentant 200 travailleurs, manifestent devant l’ambassade de Chine pour protester contre leurs employeurs qui les ont fait venir de Shanghai. Ils ont versé 20 000 dollars à une société intermédiaire qui leur promettait un salaire mensuel de 250 à 300 dollars. Employés dans des champs de maïs et de manioc depuis plus d’un an, ils n’ont touché aucun salaire.
Le 3 octobre, les 700 ouvriers de l’usine INSM Garnment entrent en grève pour protester contre le licenciement de deux responsables syndicaux.
Le 14 octobre, après dix jours de grève, suite au licenciement d’un responsable syndical, la direction de Garnment Manufacturer Association of Cambodia menace de fermer ses portes.
Chéa Vichéa, président du SIORC, participe à un séminaire tenu à Singapour sur les conséquences de l’adhésion de la Chine à l’OMC. L’absence de syndicats en Chine et un droit du travail embryonnaire risquent d’y attirer les entrepreneurs. Même l’Indonésie s’inquiète : une paire de chaussure au prix de revient de deux dollars en Indonésie ne coûtera qu’un dollar en Chine. Le président du syndicat en première ligne du combat social envisage donc d’assouplir sa position, et de n’appeler à la grève qu’en cas d’impérieuse nécessité. Il place désormais l’espoir dans l’adhésion du Cambodge à l’OMC.
Dans son quatrième rapport trimestriel, portant sur soixante-cinq usines, employant 75 000 ouvriers, l’OIT (Organisation internationale du travail) relève une amélioration des conditions de travail. Il signale que 57 usines ne paient pas correctement leurs ouvriers, notamment les heures supplémentaires, les bonus ou l’ancienneté. Quarante-cinq usines imposent plus de deux heures de travail supplémentaire non volontaire par jour. Trente-quatre ne paient pas leurs employés pendant les congés maladie ; dans vingt-cinq, les ouvriers doivent travailler pendant les jours de congés officiels. Seulement dix-neuf offrent un congé maternité de 90 jours. Trente-deux ne paient aucune compensation pour les accidents de travail ; cinquante-deux n’ont ni infirmier ni médecin. Cinquante et une usines n’ont pas un matériel de sécurité approprié ; dans quarante-quatre le système de ventilation est défectueux. Dans de nombreuses usines, les ouvriers qui travaillent debout, n’ont pas la possibilité de s’asseoir pendant les moments de repos. Dans seize usines, on pense qu’il y a obstruction à la création de syndicats, et dans douze des sanctions ont été prises contre les syndicalistes.
Un nouveau rapport sera établi dans trois mois. Les rapports précédents ont eu un effet positif sur l’amélioration des conditions de travail.
Vingt-cinq usines textiles ont fermées leurs portes cette année. Selon le ministre du Commerce, ces fermetures tiennent plus au ralentissement du commerce mondial qu’aux mouvements sociaux.
Spoliations
D’après le rapport semestriel de ADHOC, le nombre de litiges concernant les problèmes fonciers a explosé : 2 746 familles ont été spoliées par les autorités, les forces de l’ordre et les militaires qui se sont appropriés plus de 1 230 hectares, dont 787 de rizières. L’association a enquêté sur 63 cas : un quart concerne des litiges avec des autorités du district (srok), 13 % avec celles de la commune, 16 % avec les militaires et la police. 40 % des gens spoliés vivent sur ces terres depuis 1979 à 1984, 43 % des spoliations ont été menées pour des profits personnels, la moitié pour des projets de développement (dont 29 % pour des élargissements de routes). 53 % des spoliés l’ont été illégalement, par la force, à la pointe du fusil ou avec de faux documents. Seulement six cas ont été résolus. Selon l’association, « il n’y a donc pas de progrès » par rapport aux années précédentes. Les disputes sont de plus en plus violentes du fait de l’établissement prochain d’un plan cadastral.
Le 16 août, plus d’une centaine de villageois de Tbong Khum (Kompong Cham) manifestent devant le palais du gouverneur de la province pour protester contre la saisie par les autorités de 27 hectares de terres leur appartenant, pour y mener des recherches sur le caoutchouc.
Quatre cent cinquante familles résidant autour du Boung Kâk de Phnom Penh écrivent une lettre à Hun Sen, accusant Othsman Hassan, député PPC et conseiller de Hun Sen, de vouloir les expulser pour construire un hôtel cinq étoiles et un grand centre commercial. Les villageois se disent effrayés d’être chassés de force par les autorités qui pourraient mettre le feu au quartier… Othsman Hassan confirme avoir signé un bail pour de dix hectares, courant sur 70 ans. Au moins 200 villageois auraient donné leur accord pour quitter les lieux, moyennant 400 dollars et du matériel de construction. Les contestataires se réfèrent aux déclarations de Hun Sen affirmant que ceux qui habitaient les terres de l’Etat depuis plus de cinq ans devaient être considérés comme propriétaires de ces terres.
Le 19 septembre, quatre personnes, représentant 121 familles de Phsar Prum, dans la province de Païlin, portent plainte contre « le déplacement de population sous les menaces de l’autorité municipale voisine C’est la troisième fois qu’on expulse ces villageois.
Dans la région de Dambèr, quatre policiers font une descente, coupent les arbres à la tronçonneuse, et détruisent les plantations de soja sur sept hectares, cultivés par dix familles installées depuis 1996. Le massacre est arrêté par l’intervention de la police.
Deux terrains de golf vont être créés au sud de la capitale. « A la fin du chantier, nous organiserons un tournoi pour collecter des fonds pour les pauvres et les enfants des rues promet le maire de la capitale.
L’ONU accorde un don de 28 000 dollars pour construire une digue autour du village d’Anlong Kong, près de la prison de Prey Sâr, où ont été relogées plus de 2 000 personnes après l’incendie du village de Tonlé Bassac, et qui risquaient d’être submergées par un ou deux mètres d’eau.
Démobilisation
Le 2 septembre, Hun Sen menace de suspendre la démobilisation, car les fonds en provenance de la Banque mondiale (BM) n’ont pas encore été débloqués. Les 15 000 démobilisés de l’an passé ont reçu les 240 dollars prévus, mais non les équipements promis (motos, boufs, machines à coudre, d’une valeur d’environ 1 200 dollars par tête). La BM justifie ce retard par la multiplicité des procédures de contrôle. Une nouvelle phase comprenant la démobilisation de 15 000 nouveaux soldats commencera en février 2003.
Son Chhay, membre du PSR, après une enquête menée pendant deux semaines dans deux communes de Siemréap, révèle que seulement 5 % des gens démobilisés étaient réellement des soldats. Il accuse la BM d’être au courant et de se taire.
Santé
Le 22 août, le ministre de la Santé rend public un plan quinquennal « ambitieux » pour 2003-2007, préparé avec les représentants de pays donateurs d’aides et les ONG travaillant au Cambodge. Ce plan comprend six objectifs : réduire la mortalité infantile de 94 à 84 pour mille, diminuer la proportion des enfants à faiblesse pondérale de 45 à 31 %, réduire la mortalité des mères en couches de 437 à 305 pour 100 000, augmenter l’usage de la contraception de 16 %, réduire la proportion des infections HIV de 2,8 à 2 %.
Le Cambodge est le pays d’Asie du Sud-Est qui a le plus haut taux de prévalence du sida, avec 2,6 %. 90 000 personnes en sont mortes depuis 1991. On prévoit qu’entre 200 000 et 250 000 en mourront dans les huit prochaines années. Moins de 500 personnes reçoivent un traitement par anti-rétroviraux qui coûte dans les 300 dollars par mois. Un programme gouvernemental prévoit un traitement pour environ 30 à 50 dollars mensuels (mais le salaire moyen est aux environs de 20 dollars). Dans certains pays, on peut trouver des cocktails de drogues pour un dollar par jour. L’ONU a versé 16 millions de dollars pour soutenir le gouvernement dans sa lutte contre le sida, notamment pour acheter des anti-rétroviraux.
Cependant, les ONG travaillant dans le domaine du sida s’insurgent du fait que le gouvernement ait accordé les licences d’importation des anti-retroviraux depuis 1998 à des sociétés qui les vendent sans prescription médicale, créant ainsi des résistances. Elles accusent le gouvernement de manque de volonté politique pour imposer une régulation efficace. Mais, de fait, « il y a une affaire de gros sous là dessous
Médecins sans frontière a soigné 219 patients atteints du sida à l’hôpital Sihanouk. Douze sont morts, la moitié des autres a pu retourner au travail après six mois de soins, « résultats rarement atteints dans les pays développés
« Pour combattre l’épidémie, il faut changer le comportement des hommes déclare le Dr Tia Phalla, secrétaire général de la lutte contre le sida. Chaque jour, 20 000 hommes chercheraient des faveurs sexuelles extra-conjugales.
Pour la première fois dans l’histoire du Cambodge, les moines des 86 pagodes de la capitale ont reçu l’ordre du vénérable Non Nget, responsable de l’ordre monastique de Phnom Penh, de partager la nourriture reçue pendant la fête du Pchoum Ben aux malades du sida et aux squatters. Le Centre bouddhique de Salut du Cambodge est à la base de cette initiative. Cette organisation a déjà formé 20 moines, et en forme 20 autres pour rendre visite aux sidéens.
Le 2 octobre, lors de la 9ème Conférence nationale sur la lèpre, le ministère de la Santé s’est félicité du succès dans sa lutte contre la lèpre. Le taux de prévalence est passé de 2,83 pour 10 000 en 1996, à 0,47 en juin 2002. La lèpre n’est donc plus un problème de santé publique, elle est virtuellement éliminée en 21 des 24 provinces qui regroupent 98 % de la population. En juin, on comptait 583 cas actifs de lépreux sous traitement, 410 cas nouveaux détectés et placés sous thérapie, 305 cas libérés de tout traitement après guérison, sur un total de 923 cas traités. Il convient cependant de rester prudent, car le bacille d’Hansen peut incuber pendant dix ans avant de se déclarer. Les Chams et les Vietnamiens sont les plus touchés par la maladie. Les taux de prévalence les plus élevés sont enregistrés dans les provinces de Oddar Méan Chhey, Rattanakiri et Stoung Treng.
Durant les neuf premiers mois de l’année, 8 235 personnes ont été victimes de la dengue, dont 97 enfants. L’an dernier 10 264 personnes avaient été affectées par cette fièvre, 185 en étaient mortes.
Le 9 septembre, le PAM (Programme alimentaire mondial) signe un accord pour la mise en ouvre d’un programme d’un peu plus de cinq millions de dollars destiné à améliorer la santé des mères.
Entre 1979 et 2002, 52 967 personnes ont sauté sur des mines ou autres objets non explosés, 16 855 sont mortes. De janvier à fin août 2002, 623 personnes ont sauté sur des mines ou objets non explosés, 102 ont été tuées, 521 blessées. On découvre encore des caches de mines non utilisées. En 2001, environ 3 700 mines ont été détruites. En 2000, on en aurait trouvé plus de 11 000.
Deux équipes de médecins malaisiens se rendent au Cambodge pour une mission de deux semaines. Des chirurgiens français et allemands se rendent pour deux mois au Cambodge pour opérer gratuitement les becs de lièvres.
Le 27 septembre, douze prothésistes et orthopédistes qui ont suivi une formation de trois ans à l’hôpital Calmette sont diplômés. Parmi eux figurent des Sri Lankais et des Laotiens. Depuis sa fondation, cette école a formé une soixantaine de spécialistes de différents pays d’Asie, preuve que la formation donnée correspond aux normes internationales.
Le Japon accorde une aide de 157 021 dollars pour quatre projets de développement et de santé : des soins de jours à Phnom Penh, formation de paysans à Kompong Speu et à Kandal, 70 000 pour le centre de tuberculeux de Kompong Cham.
Cinq cents chirurgiens cambodgiens, français, belges, allemands, australiens et asiatiques se sont réunis à Phnom Penh le 14 octobre pour les 8èmes Journées de la chirurgie. Trente-six chirurgiens ont été formés en France depuis 1999.
Un sous-décret en huit points, adopté le 11 septembre, encadre le travail des médecins étrangers. Ce sous-décret vise surtout les médecins chinois et vietnamiens. Les membres d’ONG ne peuvent être autorisés à pratiquer parallèlement dans une structure privée.
Petit à petit, des clubs pour personnes âgées voient le jour dans sept arrondissements de la capitale.
Une ONG cambodgienne de réhabilitation d’handicapés reçoit un prix de 100 000 dollars du Programme du Golfe arabique pour l’ONU.
Drogue
Selon l’autorité nationale de lutte contre la drogue, « dans un triangle s’étendant entre Kampot, Koh Kong et Kompong Speu, entre 15 et 20 hectares sont entièrement consacrés à la culture du cannabis Dans d’autres provinces (Samlaut, Païlin, Takéo, Kompong Speu), les plans de cannabis sont dissimulés dans d’autres cultures (maïs, canne à sucre), et protégés par des hommes armés. Dans le même temps, les drogues de synthèse gagnent chaque jour du terrain, utilisées parfois comme « vitamine forte « Il existe une dizaine de sortes d’amphétamines, dont cinq ou six sont produites localement. En 2001, nous avons saisi 75 000 pilules. Au cours des huit premiers mois de 2002, nous en avons saisi déjà 115 000. Du 25 mai au 25 juin, treize dealers ont été arrêtés D’après le responsable de l’unité de lutte antidrogue, 70 % des consommateurs cambodgiens sont des lycéens et étudiants, « pour être dans le vent » ; le reste sont des prostituées et des ouvriers du bâtiment.
Le ministère de l’Education, de la Jeunesse et des Sports coopère avec l’Autorité nationale de lutte contre la drogue en publiant deux livres pour éduquer parents et enfants contre les effets de la drogue. Des programmes de formation avec vidéos sont prévus pour éduquer les moines, qui relayeront l’enseignement dans les villages.
DIVERS
Pavillons de complaisance
Le 18 août, le Magi, bateau battant pavillon cambodgien de 7 000 tonnes, transportant de la farine et du riz, sombre au large des côtes des Emirats Arabes Unis.
Durant les quatre premiers mois de l’année, 49 des 332 détentions de bateaux (soit 14,7 %) par les différentes autorités portuaires mondiales ont concerné des bateaux cambodgiens. On estime à 900 le nombre de bateaux enregistrés par la Cambodia Shipping Corp., basée à Singapour, qui délivre les pavillons de complaisance.
Le 30 juillet, le Conseil des ministres décide de retirer son agrément à la compagnie. A la fin août, celle-ci est placée sous le contrôle du ministère des Transports. Le contrat de la société devait expirer en 2004. Khek Vandy (mari de Bopha Devi, et gendre de Sihanouk), ancien président de la société, et des hommes d’affaires singapourien détiennent plus de la moitié du capital de la dite société, dirigée par Khek Sakara, son fils.
Dans son Bulletin mensuel d’Information, le roi Sihanouk traite la vente de pavillons de complaisance comme « autant de crimes de trahison nationale
Patrimoine
Le ministère de la Culture entame le recensement des temples à travers le pays. Le premier inventaire, entrepris en 1954 par l’EFEO (Ecole française d’Extrême Orient), avait recensé 1 080 temples. En 1981, le ministère de la Culture n’en dénombrait que 1 070. Les documents japonais les évaluent à 1 300, le directeur du département de l’Héritage entre 1 400 et 1 500.
Le 27 août, en creusant pour faire des fondations d’une nouvelle pagode à Por Pech, près de Kompong Thom, des ouvriers découvrent 31 statuettes de Bouddha, dont 27 en or massif, pesant environ 500 grammes chacune, trois en argent et une en bronze, haute de 10 cm. Le 29 août, les démineurs du MAG (Mine Advisory Group) découvrent deux cloches en bronze de 57,5 cm. de hauteur, datant peut-être de plus de 2 000 ans. On pense que ce sont des cloches d’éléphants utilisés lors de cérémonies de crémation.
Le 30 septembre, la police de Bantéay Méan Chhey saisit un grand nombre de poteries anciennes, des centaines de jarres, des marmites, douze statues de Bouddha, cachés dans plusieurs maisons de trafiquants. Ces objets ont été exhumés de cimetières situés dans deux sites historiques situés près de Svay Chek et de Préah Net Préah. Certains objets sont vieux de 2 500 ans, d’autres seulement du XIIe siècle. Les trafiquants utilisaient des scanners pour détecter des objets enterrés, fournis par un antiquaire thaïlandais.
La gendarmerie de Bantéay Méan Chhey découvre deux tonnes de bas-reliefs provenant de Bantéay Chhmar, enterrés depuis une dizaine d’années sous 50 cm. de terre, attendant d’être exportés en Thaïlande. Chaque pièce était numérotée.
Le 4 octobre, un groupe de chercheurs cambodgiens publie quatre volumes reproduisant 242 inscriptions anciennes sur pierres, gravées en sanscrit, pali et en khmer, du VIe au XIXe siècles. Ce travail a demandé quatre années de travail ; il a été financé par l’UNESCO et le gouvernement japonais.
Jean-Jacques Annaud, producteur cinématographe français, se prépare à injecter 100 millions de dollars pour produire un film, « Les deux frères retraçant l’histoire de deux frères tigres, nés dans les années 1920, au parcours très différents. Il a dû importer vingt-cinq tigres.
Sports
L’équipe féminine cambodgienne de pétanque remporte la première place à la coupe du championnat de pétanque d’Asie, courue le 14 septembre en Malaisie. L’équipe masculine doit se contenter de la quatrième place.
Religion
Le 29 septembre, six moines tentent de se suicider dans une pagode de Ba Phnom, dont trois d’entre eux par le feu, les autres au poignard. Le chef de la pagode ne s’est pas suicidé. Il a été défroqué, ainsi que trois survivants par les autorités provinciales. On l’accuse d’avoir donné un mauvais enseignement en encourageant ses coreligionnaires à s’immoler ou à se poignarder pour atteindre le nirvana.
Le 10 octobre, 400 responsables bouddhistes, musulmans et chrétiens, réunis sous le patronage du roi Sihanouk, créent un Conseil cambodgien interreligieux, section de la Conférence mondiale ‘Religion et paix’, fondée à Barcelone en 1994 à l’initiative de l’UNESCO. L’objectif de ce conseil est de réfléchir en commun au développement de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme, à la prévention du sida et à la protection de l’environnement. Les représentants s’engagent à rejeter « les pressions ou la corcition pour convertir les fidèles
Les vénérables Tep Vong et Bou Kry, patriarches suprêmes de l’ordre Mohanikay et Thomayuk, appellent publiquement les moines à s’abstenir de voter aux prochaines élections, pour préserver leur neutralité. Le ministre des Cultes affirme au contraire que les moines ont les mêmes droits que les autres Cambodgiens.
Un groupe d’Américains résidant au Cambodge proteste contre les visées de G.W Bush sur l’Iraq. Ils font publier un encart payant dans le Cambodia Daily du 25 septembre intitulé « Not in our name Ils manifestent devant l’ambassade des Etats-Unis. Parmi les manifestants, on remarque le P. Jim Noonan, ancien supérieur des Pères de Maryknoll.