Eglises d'Asie

Le sens de certaines des réformes proposées par le concile Vatican II a été détourné par l’Association patriotique des catholiques chinois

Publié le 18/03/2010




Le 11 octobre dernier, le quarantième anniversaire de l’ouverture du concile Vatican II est passé relativement inaperçu au sein de la communauté catholique de Chine. L’agence d’information catholique Ucanews (1) a toutefois interviewé Anthony Liu Bainian, vice-président de l’Association patriotique des catholiques chinois, sur la portée de cet anniversaire en Chine et sur le sens, pour l’Eglise catholique en Chine, des réformes apportées par le concile. Outre cette interview, l’agence catholique a mis en relief les divergences d’appréciation que certains évêques et l’Association patriotique peuvent avoir au sujet des réformes proposées par ce concile.

Pour Anthony Liu Bainian, le fait qu’aucun responsable d’Eglise de Chine continentale n’ait pu prendre part au concile s’explique par le fait que la Chine, en 1962, était une société fermée depuis les années 1950. Pendant deux décennies, les années 1960 et 1970, les contacts ont été impossibles entre l’Eglise de Chine et le reste du monde ; les persécutions de la Révolution culturelle (1966-1976), a encore expliqué Liu Bainian, ont isolé un peu plus les catholiques chinois des autres catholiques. Lors du début des réformes, à la fin des années 1970, l’Eglise sur le continent chinois était assez semblable à ce qu’elle était avant 1960. Dans ces conditions, ce n’est que graduellement que le message de Vatican II est passé du clergé aux laïcs, a précisé Liu Bainian, tout en soulignant qu’une bonne part des conclusions du concile était, en premier lieu, adaptée à des nations développées, dotées de régime capitaliste. Il est juste, a encore estimé Liu Bainian, que l’Eglise de Chine cherche les moyens d’adapter les éléments clefs du concile au contexte actuel chinois. « Nous avons à apprendre des documents de Vatican II, qui sont enseignés dans les séminaires, et à les intégrer à la situation de la Chine », a-t-il déclaré.

Comme le souligne l’agence Ucanews, certains parmi les évêques catholiques de Chine n’hésitent pas aujourd’hui à affirmer que certaines des réformes du concile ont été dévoyées par le régime au pouvoir à Pékin. Ainsi, là où le concile a appelé à une plus grande participation des laïcs à la vie de l’Eglise, le gouvernement chinois a suscité la formation de groupes de laïcs afin de prendre le contrôle de l’Eglise. Selon un évêque « officiel » cité par l’agence et désireux de garder l’anonymat, le pouvoir chinois a appelé les laïcs à diriger l’Eglise à la manière d’une « démocratie » dans le but de miner le pouvoir des évêques. « Ce n’est pas cette conception de la participation des laïcs qui est mise en avant par Vatican II et qui est pratiquée à Hongkong et ailleurs. La Conférence épiscopale [officielle] a moins de pouvoir que l’Association patriotique a souligné cet évêque, ajoutant que la participation effective des catholiques à la base était minime.

En écho à ce propos, un autre évêque « officiel » a observé que des évêques avaient perdu de leur autorité au nom d’une gestion démocratique de leur Eglise. Dans les diocèses où les évêques et le clergé font effectivement usage de leur autorité, le problème n’existe pas mais là où l’Eglise est contrôlée par l’Association patriotique, les difficultés sont réelles. Créée en 1957, l’Association patriotique, dont le rôle est de développer le patriotisme des catholiques et de gérer l’Eglise en Chine, est considérée comme la courroie de transmission du pouvoir chinois sur l’Eglise en Chine, tout au moins sur la partie « officielle » qui lui est soumise.

Pour d’autres évêques « officiels », le problème aujourd’hui n’est pas tant la question du pouvoir dans l’Eglise que celui de la formation des catholiques. Mgr Anthony Li Jiantang, évêque « officiel » de Taiyuan, dans la province du Shanxi, souligne ainsi que la plupart des catholiques n’ont pas la formation théologique et pastorale nécessaire pour assumer des tâches de responsabilité au sein de l’Eglise. A cet égard, le concile Vatican II signifie peu de choses pour eux, a-t-il ajouté.

Pour lui ainsi que pour Mgr Pius Jin Peixian, évêque « officiel » de Peixian, dans le Liaoning, les grands thèmes du concile n’ont pas toujours le même sens en Chine et ailleurs. Les deux évêques notent par exemple que le gouvernement réunit régulièrement les principaux dirigeants des cinq religions officiellement reconnues : bouddhisme, catholicisme, islam, protestantisme et taoïsme. Plus que de dialogue interreligieux, il s’agit pour ces responsables d’entendre les dernières orientations de la politique arrêtée par le pouvoir. Ces réunions permettent d’entretenir une certaine amitié mais un dialogue et des échanges en vérité ne sont pas possibles dans ce cadre-là, déclarent les deux évêques. « C’est différent du dialogue interreligieux tel qu’il a lieu dans d’autres pays remarque Mgr Li.

Au sujet de l’inculturation, les difficultés sont d’une autre nature. La réforme de la liturgie n’a été introduite au sein de la partie « officielle » de l’Eglise qu’à partir de 1992. Si des résistances ont été observées au départ au sein d’une partie du clergé et des fidèles âgés, habitués aux cérémonies en latin, le changement est aujourd’hui bien accepté et généralisé. Cependant, estime Mgr Li, le thème de l’inculturation, un des aspects importants de Vatican II, pose un problème spécifique en Chine où la culture traditionnelle a été détruite par la Révolution culturelle. Au sein d’une société qui, « au cours des dernières années, s’est trouvée comme éblouie par les cultures étrangères il est difficile aux catholiques de penser et d’accepter l’inculturation de la foi.

Selon Mgr Jin, étant donné la situation politique qui est celle de la Chine aujourd’hui, l’Eglise est globalement passive et se contente de réagir aux appels du gouvernement en ce qui concerne les questions sociales. Pour Mgr Li, la compréhension de la notion de justice sociale par l’Eglise se limite principalement à la mise en place et à la gestion de maisons pour personnes âgées, de jardins d’enfants et d’autres services sociaux similaires plus ou moins organisés avec l’aval des autorités.